lundi, mars 19, 2007

L'Amérique latine sous la loupe de Toni Negri


Antonio Negri, brillant intellectuel et ancien militant de l'extrême gauche italienne, anime un courant de réflexion qu'on pourrait appeler postmarxiste, par analogie avec le postmodernisme। Après l'illusion lyrique de 1968, entretenue en Italie tout au long des années 1970, il a entrepris une révision conceptuelle radicale. Quitte à entretenir l'ambiguïté sur l'alternative entre réformisme ou révolution, il prend acte de l'indétermination d'un sujet de l'histoire avec une sorte de concept attrape-tout : la multitude. Il tente d'y intégrer les diverses manifestations de mécontentement social ou de protestation contre les conséquences de la mondialisation.

Negri Antonio

Face à la complexité et à l'interdépendance de l'économie mondiale, il remplace la notion d'impérialisme, trop attachée au XIXe siècle, par celle, plus vague, d'empire. Bien entendu, ces innovations suscitent le débat. Global : luttes et biopouvoir à l'heure de la mondialisation. Le cas exemplaire de l'Amérique latine, traduit en France, après des éditions au Brésil, en Italie et en Argentine, relance la discussion avec les milieux altermondialistes, une partie de la gauche et de l'extrême gauche. Toni Negri et l'universitaire Giuseppe Cocco, résidant à Rio de Janeiro, appliquent leur grille conceptuelle aux réalités latino-américaines.

COCCO Giuseppe,
(Laurea in Scienze Politiche all’Università di Padova, 1978)
Professore alla Escola de Serviço Social presso la Università Federale di Rio de Janeiro, insegna teoria dello Stato, Classi e Movimenti Sociali, sia ai corsi di laurea di primo grado che ai corsi specialistici più avanzati. Coordinatore generale del Laboratório Território e Comunicação – LABTeC, un centro di ricerca che si è occupato fin dalla sua fondazione (nel 1997) di approfondire temi quali la nuova configurazione del lavoro nel mondo contemporaneo, la mobilizzazione dei territori produttivi e lo sviluppo locale.
Direttore della ricerca (1992-1994) presso Europe Stratégie et Analyse Financière – EUROSTAF di Paris, PhD in Storia Sociale alla Université de Paris I / Panthéon-Sorbonee, Master in Science, Technology and Society al Conservatoire National des Arts et Métiers di Paris.
Autore di numerosi studi sullo sviluppo locale, si interessa dei problemi economici dei territori produttivi nella loro interazione con le politiche e le azioni di governo.
Editore di riviste di approfondimento come Lugar Comum (che ha pubblicato finora 20 numeri) e GLOBAL Brazil, oltre ad una serie di pubblicazioni specializzate nella serie Espaços do Desenvolvimento (Editora DP&A, Rio de Janeiro).



L'Amérique latine apparaît depuis quelques années comme un laboratoire et un enjeu pour la gauche de gouvernement et pour la mouvance altermondialiste, fédérée naguère par le Forum social mondial de Porto Alegre. L'effervescence sociale a trouvé un débouché inédit dans plusieurs pays latino-américains, avec l'accès de la gauche au pouvoir et l'apparition de nouveaux leaderships.

Les auteurs engagent donc le dialogue, quand ce n'est pas la controverse, avec une bonne partie de la littérature disponible dans le domaine de l'histoire et des sciences sociales. Le lecteur non averti aura parfois l'impression d'assister à une opération consistant à glisser des réalités et des analyses, dont la familiarité lui échappe, dans le lit de Procuste de concepts élaborés et justifiés hors texte. D'autant que le détour par l'histoire, serait-ce l'histoire contemporaine, réduit à la portion congrue les événements récents, dont l'intelligence semblait justifier l'ouvrage.

La démarche volontiers fragmentaire et polémique n'est pas de nature à emporter l'adhésion sur toutes les questions évoquées. Les auteurs défendent la "discrimination positive", sans toutefois contrecarrer les arguments de ceux qui craignent un réveil identitaire ethnique ou racial au nom du métissage. L'abandon de vieilles catégories marxistes empreintes de messianisme n'évite pas l'idéalisation de mouvements sociaux certes novateurs, mais éphémères, figés en "multitude" mythique.

Sceptiques à l'égard du nationalisme et du souverainisme, les auteurs s'écartent d'une extrême gauche prompte à condamner les expériences en cours en Argentine et au Brésil, et aussi le Chili et l'Uruguay, coupables de réformisme, si ce n'est de compromission. Une gauche radicale pourtant disposée à prendre pour argent comptant l'anti-impérialisme rhétorique d'Hugo Chavez, quand ce n'est pas le castrisme crépusculaire. "Gouverner l'interdépendance", selon l'expression des auteurs, permet d'apprécier de manière plus nuancée la place nouvelle que les gouvernements réformistes cherchent à donner à une Amérique latine plus juste et mieux intégrée.


GLOBAL : LUTTES ET BIOPOUVOIR À L'HEURE DE LA MONDIALISATION d'Antonio Negri et Giuseppe Cocco. Ed. Amsterdam, 218 p., 19 €.
Paulo A. Paranagua