lundi, octobre 19, 2020

PORTRAIT. QUI EST LUIS ARCE, LE FUTUR PRÉSIDENT DE LA BOLIVIE ?

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 PHOTO RONALDO SCHEMIDT

Le candidat de la gauche bolivienne Luis Arce a remporté l’élection présidentielle du 18 octobre. La presse retrace le parcours de cet homme engagé à gauche dès sa jeunesse et qui a œuvré à ce que l’on appelle le “miracle économique” de la Bolivie sous les trois mandats d’Evo Morales.

par Sabine Grandadam

PHOTO UESLEI MARCELINO

Luis Arce Catacora porte de petites lunettes d’intellectuel ou de comptable, voire d’économiste ou encore de prof de fac. Il est tout cela à la fois, avec une carrière consacrée aux chiffres, aux projections économiques et aux stratégies de développement au service de l’État.

À 57 ans, Luis Arce deviendra donc le prochain président de la Bolivie à l’issue de l’élection du 18 octobre, qu’il a remportée avec 53 % des voix.

La presse du monde entier le décrit comme “l’un des fers de lance de ce que l’on appelle le ‘miracle économique’, qui a placé les Boliviens aux premiers rangs de la croissance, y compris pendant la crise financière” de 2008, rappelle La Razón.

Luis Arce a embrayé au gouvernement d’Evo Morales dès le premier mandat en 2006 de ce dernier, comme ministre de l’Économie, et y est resté jusqu’en novembre 2019, date du départ de Morales [ départ forcé du président Evo Morales, chassé du pouvoir par un coup d’État] au cœur des troubles sociaux liés à sa réélection contestée [ par les putschistes ]. Arce n’aura ouvert qu’une petite parenthèse dans son office de grand commis de l’État, entre fin juin 2017 et janvier 2019, pour soigner un cancer.

Dès sa jeunesse, Luis Arce est un homme engagé à gauche, note La Diaria en Uruguay. C’est même ce qui le conduit à choisir des études d’économie :

Il était tourmenté de voir qu’un pays si riche en ressources affiche des indices de pauvreté aussi élevés.”

En 2011 – mais la date aurait pu tout aussi bien être 2006 –, le ministre de l’Économie Arce écrit, à titre de note d’intention sur son programme économique, citée par la Diaria :

Ceci est un modèle de transition vers le socialisme, qui permettra de résoudre graduellement de nombreux problèmes sociaux et de consolider la base économique afin de redistribuer correctement les excédents.”

Les “Chuquiago Boys”

Néanmoins, précise BBC Mundo, si l’engagement à gauche de Luis Arce était bien identifié dès ses années d’études, qu’il conduit en Bolivie puis complète au Royaume-Uni, “il n’était pas considéré comme un marxiste orthodoxe ni comme un militant communiste traditionnel”.

Le jeune homme fait alors partie d’un groupe de réflexion baptisé les “Chuquiago Boys”, une appellation dérivée du nom en aymara de la ville de La Paz, d’où Luis Arce est originaire. Et un nom en forme de pied de nez aux “Chicago Boys”, un courant ultralibéral né dans le Chili de Pinochet dans les années 1970 et s’inspirant de thèses de Milton Friedman développées à l’université de Chicago.

Les jeunes économistes boliviens défendent, eux, “le renforcement du rôle de l’État”, souligne La Razón.

Et c’est précisément ce que fera Luis Arce lorsqu’il prendra en 2006 son portefeuille de ministre, après un parcours de presque vingt ans à la Banque centrale de Bolivie et une chaire d’enseignant dans plusieurs universités boliviennes. Il nationalise des entreprises, notamment dans le secteur des hydrocarbures, investit des fonds publics dans l’économie, stimule la consommation interne, redistribue aux Boliviens les dividendes d’une bonne gestion des matières premières, stabilise la monnaie.

Ces politiques se fondent sur une amplification considérable de l’exploitation de minerais, de gaz et de pétrole, qui attireront ensuite une série de critiques à l’encontre d’Evo Morales.

La Bolivie a alors connu une croissance constante de 4,9 % en moyenne pendant treize ans, rappelle La Diaria, qui complète :

Cela s’est traduit par une réduction de la pauvreté de 42 % et de l’extrême pauvreté de 60 %.”

Cette réputation d’homme providentiel de l’économie, de “technocrate et cosmopolite à l’esprit pragmatique”, comme le décrit le New York Times, a sans doute valu à Luis Arce de concentrer les suffrages en cette élection du 18 octobre, qui intervient alors que la pandémie a affaibli un pays déjà bien troublé par ses différends politiques.

Né à La Paz et fils d’enseignants, “il ne compte pas sur un appui important des classes populaires” rurales, remarque La Diaria, “notamment parce qu’il n’est pas amérindien et que c’est un homme de la ville”.

Mais le dauphin d’Evo Morales, lancé sur orbite par son mentor en janvier dernier, permet sans doute aux Boliviens d’espérer “le retour à une stabilité et à une prospérité relatives” dans leur pays, concluait le New York Times voici quelques semaines.

Sabine Grandadam

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