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JOSÉ MIGUEL VARAS. |
Le monde privé du lauréat José Miguel Varas. Quelqu’un de tranquille. Communiste, journaliste, fils d’un militaire qui l’empêchait de manger du pain beurré à cause de l’inclination de celui-ci pour les paris, le nouveau Prix National de Littérature parle de ses difficultés, de ses triomphes et de «Milicos», son nouveau roman qu’il veut terminer à la fin de l’année.
Les commentaires un peu froids avec lesquels le monde littéraire a accueilli la nouvelle - que l’écrivain et journaliste José Miguel Varas (78 ans) gagnait le Prix National de Littérature - ne paraissent pas perturber son état d’âme. Humble, et peut-être un peu mal à l’aise du fait que son nom ait été à la Une ces jours-ci, il attend impatiemment le moment de se concentrer, de retourner à l’écriture et de cesser de recevoir des bouquets de fleurs et des cadeaux aussi étranges qu’une cave à vins avec stock renouvelable pour deux ans, initiative d’une mairie amie.
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Varas vit à Ñuñoa, près d’un lycée et d’un magasin de quartier de fruits et légumes dans la rue Exequiel Fernández. Son habitation, qu’il partage avec sa femme et la plus jeune de ses cinq filles, est l’appartement d’une famille typique de la classe moyenne, avec beaucoup de photos de parents, quelques poupées russes et un portrait de Salvador Allende à côté de quelques enfants, qui se détache sur l’un des murs.
En dehors de toute présomption, Varas supervise la maison, répond à l’interphone, au téléphone et ouvre la porte à sa petite-fille qui monte voir son épouse, qui doit garder le lit. Et c’est que derrière cet homme au visage sévère, il paraît exister quelqu’un de timide et renfermé, qui essaie même de réduire l’importance de son œuvre et du fait qu’il ait obtenu, il y a quelque jours, le si disputé Prix National de Littérature. « Je n’ai jamais été très expansif, je n’exprime pas beaucoup certains sentiments, mais avec le Prix je ne me reconnais pas moi-même. J’ai été assez sentimental, mais ça passera ».
VIE MILITAIRE
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Peut-être à cause de son travail intense à la radio, il aurait paru plus raisonnable à beaucoup que Varas gagne le prix dans la catégorie journalisme. Mais non. Ses 16 livres publiés et principalement - d’après le jury - ses contes « lui ont fatigué les yeux avec tant de flashes » et lui ont donné une nouvelle impulsion pour finir un roman appelé «Milico ». Dans celui-ci il parle de sa connaissance du monde militaire, qui lui vient de son père, un colonel commandant des troupes qui a publié plus de 12 livres sur les soldats ; jusqu’à ses premières lectures de Kafka, dans la maison de son oncle, le général Leocán Ponce.
« Milicos » traite du monde que j’ai connu depuis mon enfance et de l’autre, où il y a pas mal de militaires brutes et brutaux, que je ne connaissais pas. Ce n’est pas un livre politique ou de thèse. Il y a un personnage central, d’environ 40 ans, qui est fils d’un militaire. Il y a beaucoup d’éléments autobiographiques qui ont été convertis en roman ».
IL N’Y PAS DE BEURRE
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Dans son souhait journalistique « d’essayer de ne pas embellir les réalités dans le souvenir », comme il dit, commence à apparaître dans sa mémoire l’«Union verrou», cette congrégation d’étudiants de l’Institut National qui fait partie du « Cahuín », son premier roman prématuré, auto-édité lorsqu’il n’avait que 18 ans. Il plonge aussi dans le souvenir de ses continuels déménagements, dus aux déplacements de son père à Arica, Concepción, Traiguén, Antofagasta ou Punta Arenas. « Tout ceci est un désastre : liquider une maison, se défaire des meubles. Détruire une manière de vivre pour se déplacer à un autre endroit ».
Avec une voix qui tout le temps rappelle les ondes courtes sur lesquelles il transmettait à Radio Moscou pour essayer de faire passer des nouvelles à une société chilienne désinformée, Varas s’efforce - comme s’il était dans un studio et avec la lumière rouge allumée - de raconter les choses de la manière la plus exacte possible, avec tous les détails des dates et des noms.
Son père insistait beaucoup pour qu’il fasse des études, mais surtout il ne voulait pas qu’il soit ni curé, ni militaire. « Je n’avais pas très envie d’étudier à l’université et, en plus, chez moi il y avait la pauvreté. Les militaires gagnaient très peu à cette époque et je suspecte que ceci était accentué un peu plus que nécessaire par le fait que mon père jouait aux courses : c’était une saignée permanente et un des principaux motifs de dispute avec ma mère. J’avais moins de vêtements que n’importe lequel de mes camarades. Il y avait des périodes où il n’y avait pas de beurre et moi, j’adorais le pain beurré. La nourriture changeait en fin de mois, nous commencions à manger des pommes de terre avec du « mote » (du blé cuit Ndt), du luche (des algues Ndt). Il y avait des choses, telles que la viande, qui disparaissaient ».
INDEPENDANCE ET POLITIQUE
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C’est à ce moment-là qu’il a décidé de prendre son indépendance. Il a trois occupations parallèles. Il étudie moins de deux ans à l’Ecole de Droit de l’Université du Chili, travaille comme speaker à Radio El Mercurio et à la compagnie d’assurances La Métropolitaine. Il avait besoin d’augmenter ses revenus. Il avait 22 ans et voulait se marier.
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À cette même période il publie son second livre et effectue sa première incursion dans le roman : « Ca arrive », texte accouché après qu’un libraire d’origine juive - Carlos Cesarman - ait décidé d’éditer cette prose avant-gardiste qui, selon l’aveu même de Varas, était très influencée par le nord-américain John Dos Passos.
Il y avait déjà une première maison d’édition intéressée lorsqu’il s’est inscrit en tant que militant du Parti de la faucille et du marteau. « Je suis entré au Parti communiste lorsque celui-ci avait plongé dans l’illégalité. C’était l’époque de González Videla et de son régime de répression, avec les premiers camps de concentration à Pisagua ».
Sa lune de miel communiste allait trébucher en 1959, lorsque Varas a passé trois ans à travailler dans une radio en Tchécoslovaquie. « Là j’ai vécu le socialisme tel qu’il était, et je n’ai pas aimé ».
GENERATION DES ANNEES 50
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Même si l’œuvre de Varas s’inscrit dans la génération appelée des années 50, l’auteur de « Le courrier de Bagdad » ne trouve pas d’intérêt à être classé dans cette catégorie.
« Le terme fut inventé par Enrique Lafourcade, mais je n’ai participé à aucun de ces cercles. Je n’avais pas de relation personnelle avec eux. Je ne sais pas si ce fut une question de caractère, mais j’avais une certaine pudeur à parler de littérature. Une connerie, c’est tout. Cette génération ne fut pas autant politisée que moi ou d’autres qui avions pris un chemin de définition politique plus forte, qui suivions Neruda en tant que poète et par ailleurs admirions sa position ».
Durant ces années, Varas préférait participer à des réunions littéraires organisées par Joaquin Gutiérrez, écrivain costa-ricien et vendeur en chef de la librairie Nascimento “Lui, il était communiste et aux rencontres venaient, entre autres, Mariano Latorre, Joaquín Edwards Bello et Nicanor Parra. Ils étaient amis de Gutiérrez, des aînés, et moi j’allais les écouter. Jamais je n’ai été bon pour parler, je suis plutôt laconique ».
UNE BESTIOLE BIZARRE
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Varas a participé activement au Gouvernement de Salvador Allende. Il fut directeur de presse de TVN (Télévision Nationale) jusqu’au 11 septembre 1973. Ce même jour, avec l’écrivain Fernando Alegría (« Lautaro, jeune libérateur d’Arauco »), il se disposait à se rendre à l’Ile Noire pour voir Pablo Neruda, malade du cancer. Après avoir parlé pour la dernière fois avec lui et être resté quelques heures aux studios, Varas a commencé une longue diaspora, qui l’a maintenu dès décembre 1973 jusqu’en 1988 en dehors du pays. « Je suis allé me cacher dans une maison de Bellavista (un quartier de Santiago/Ndt), mais l’endroit était un mauvais refuge : ont commencé à arriver des grosses pointures. Rodrigo Rojas (directeur de « El Siglo »), Carlos Toro (sous-directeur de la police civile) et des jeunes cons de la Jeunesse communiste, qui ont apporté un panier plein de cocktails Molotov. C’était un désastre, le lieu le plus dangereux de Santiago. Comme nous étions très nerveux, nous avons bu une caisse de bouteilles de pisco et personne ne s’est saoûlé ». Par la suite viendra l’asile en Allemagne Fédérale et la fameuse et énigmatique lettre « L » dans son passeport.
- Vous n’avez jamais pensé à rester et faire votre vie en exil ?
- Non. Nous vivions en fonction du Chili. Un jour on m’a mis en communication avec Volodia Teiltelboim, qui depuis le 15 septembre transmettait déjà depuis Moscou « Ecoute le Chili ». Il m’a demandé de voyager pour aider au programme.
- Les raisons pour vous octroyer le Prix ont beaucoup à voir avec votre trajectoire et principalement avec vos contes. Pourquoi votre travail n’apparaît-il pas beaucoup dans les anthologies qui ont été faites au Chili ?
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- Je ne sais pas. Le seul livre de contes que j’ai publié avant le coup d’Etat a été « Lieux communs ». Ma production la plus volumineuse est parue depuis 1988. Je crois que ceci a à voir avec le fait que mon activité principale a été celle de journaliste. Comme si j’étais dans un circuit différent de celui de la littérature. Je ne crois pas qu’il y ait des catégories qui différencient, mais il y a beaucoup de gens qui pensent que oui. Parmi les écrivains, le journaliste est une bestiole distincte. J’ai conscience que je suis resté en marge de certains circuits, en partie à cause de l’exil. Je ne suis pas le seul à en avoir disparu, mais beaucoup d’autres aussi.
- En quoi votre vie va changer avec le Prix que vous venez d’obtenir ?
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- En rien. Je le prends sereinement. Je ne me crois pas le nombril du monde. Je vis d’une pension de journaliste, qui s’élève à 450 mille pesos. La loi des licenciés pour motifs politiques m’a apporté 20 mois d’ancienneté. Le Prix va me faciliter certaines choses, pour résoudre des problèmes pratiques, me donnera un certain répit.
Franco Fasola paru dans La Nación Traduit par J.C. Cartagena et Nadine Briatte
L’œuvre de José Miguel Varas peut être achetée sur www.lom.cl