À LIMA (PHOTO), UNE MODÈLE A PROTESTÉ CONTRE
LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU CHILI ENVERS SON PAYS.
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Au Chili, on s’attendait à une vive polémique, peut-être même à une montée des tensions diplomatiques avec le voisin péruvien. C’est dire. Deux épisodes plus tard, on n’en parle déjà pratiquement plus. Le documentaire fiction Epopée : la guerre du Pacifique n’a provoqué qu’une vive curiosité lors de la diffusion de son premier épisode, puis un quasi désintérêt pour le deuxième.
Produit à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance chilienne, le documentaire, en trois parties, retrace la guerre qui oppose le pays au Pérou et à la Bolivie à la fin du XIXe. Une guerre qui a fixé les frontières entre les trois pays, sujet de controverse depuis cent vingt-huit ans. «Le documentaire n’est ni un éloge ni une version chilienne de la guerre, souligne Patricio Polanco, producteur. Au contraire, notre pari, c’était de confronter pour la première fois à la télé notre vision historique à celles de nos voisins, sans parti pris. Nos histoires sont à ce point différentes qu’on méconnaît jusqu’aux héros de guerre des pays voisins.» Le film donne la parole aux historiens, aux militaires et aux anonymes des trois pays. Il montre l’enseignement dans les écoles, raconte comment il continue parfois d’alimenter la haine nationaliste.
Pari gagné, le documentaire a même réussi à faire l’unanimité à gauche comme à droite au Chili, et auprès de la presse péruvienne et bolivienne. Et par engendrer une seule question : «Pourquoi a-t-il été censuré ?» Car, le 11 mars, trois jours avant la diffusion du premier épisode sur TVN, la direction de la chaîne le «reporte à une date ultérieure». Tout le monde crie à la censure, jusqu’à la ministre de la Culture.
Quelques jours avant, l’ambassadeur péruvien au Chili fait part de sa préoccupation. Refus de la chaîne de modifier sa programmation. Bientôt, c’est le ministre des Affaires étrangères, Alejandro Foxley, qui s’en mêle. Et demande le report du documentaire «pour raisons d’Etat». Même si aucun d’eux ne l’a vu. La direction de la chaîne finit pourtant par reporter la diffusion «dans l’année». La date sera bientôt fixée au 5 mai, après quelques modifications.
Pourtant, TVN est censée être indépendante. Ses statuts, définis au lendemain de la dictature, sont formels. Si TVN est perméable aux pressions politiques, c’est parce que sa direction est composée d’hommes politiques. Le président, Francisco Vidal, ministre de l’Intérieur sous le précédent gouvernement, a été nommé par la présidente de la république, Michelle Bachelet. Les six autres membres sont élus par le Sénat sur liste établie par la Présidente.
Dans le paysage audiovisuel chilien, TVN fait figure de chaîne pluraliste. « Une chaîne nécessaire, souligne Claudia Lagos, journaliste de l’institut Ipsys, qui publie un rapport annuel sur la censure au Chili, quand toutes les autres, privées, pèchent par sectarisme. Elles appartiennent à l’église, à Sebastian Piñera [entrepreneur de droite, opposant politique de Bachelet, ndlr], à Ricardo Claro (Opus Dei). » Peut-être serait-il temps pour Michelle Bachelet de changer le mode d’élection de la direction de TVN?