LOS ANGELES (AFP) —
La romancière chilienne Isabel Allende a rompu le silence qu'elle observait depuis la mort d'Augusto Pinochet en décembre 2006 pour déplorer que l'ancien dictateur soit resté impuni, sans avoir rendu de comptes pour les crimes commis sous son régime (1973-1990).
"Maintenant qu'un peu de temps a passé, je peux dire que je déplore que Pinochet soit mort en totale impunité, sans avoir payé pour ses crimes et sans avoir rendu l'argent qu'il avait volé au Chili", dit la nièce de l'ancien président Salvador Allende, mort en 1973 lors du coup d'Etat dirigé par Augusto Pinochet.
Quelque 3.000 disparitions et meurtres sont attribués au régime de Pinochet qui, bien qu'ayant été poursuivi dans plusieurs affaires, n'a jamais été jugé.
D'anciens hauts responsables de la police secrète sous la dictature ont en revanche été condamnés à de très lourdes peines de prison et environ 500 procédures pour des violations des droits de l'Homme sont en cours dans les tribunaux chiliens.
Isabel Allende, 65 ans, auteur à succès, a fui son pays en 1975 pour le Venezuela, avant de s'établir en Californie (ouest). Elle a écrit plus d'une dizaine de livres traduits dans une trentaine de langues et vendus à plus de 50 millions d'exemplaires.
Lorsque Augusto Pinochet est mort le 10 décembre 2006 à l'âge de 91 ans, l'exilée chilienne était restée silencieuse.
"Je ne suis pas le genre de personne à se réjouir de la mort de quelqu'un, même s'il est mon ennemi. Je pense que Pinochet avait une famille, des fils, des neveux qui l'admiraient et qui l'aimaient et cela ne me correspond pas de critiquer dans la presse le défunt alors qu'ils sont en train de le pleurer", explique-t-elle aujourd'hui dans un courrier électronique.
L'écrivain vient de publier "L'addition de nos jours", des mémoires, accompagnées de réflexions sociales, dans lesquelles elle raconte la vie de sa famille à sa fille Paula, décédée il y a presque 15 ans.
Mais l'auteur du best-seller "la Maison aux esprits" (1982) assure que Pinochet n'apparaît pas dans ce nouvel ouvrage, paru aux Etats-Unis en septembre.
Depuis 1988, Isabel Allende vit avec son mari américain à San Rafael, une localité tranquille à proximité de San Francisco et se rend fréquemment au Chili pour voir sa mère, sa "compagne inséparable", sa "confidente" à laquelle elle écrit tous les jours.
Comme elle le racontait notamment dans "Mon pays inventé" (2003), le Chili, qu'elle a parfois qualifié de pays "bigot", lui manque et cela l'étonne qu'il soit aujourd'hui présidé par une femme, Michelle Bachelet.
"Le Chili est un pays progressiste en politique, la preuve est qu'en 1970 a eu lieu la première élection démocratique d'un président marxiste, Salvador Allende. Et ce pays a été gouverné par une coalition de partis centristes et de gauche depuis 1989", souligne-t-elle.
"Cependant, le Chili est un pays très conservateur sur le plan social et l'église catholique exerce une grande influence. Le fait que Michelle Bachelet soit socialiste n'est pas étonnant, ce qui l'est c'est le fait qu'elle soit célibataire et agnostique", estime-t-elle.