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Premier maire noir de Paris (et, à ce jour, le seul), Severiano de Heredia est né à Cuba avant de connaître un destin exceptionnel... mais ignoré.
SEVERIANO DE HEREDIA
Descendant d’esclaves né à Cuba, Severiano de Heredia a connu un destin en tout point exceptionnel. Sa vie fut romanesque, épique, prestigieuse et pleine de succès. Pourtant, aussitôt enterré, cet homme noir a été rangé dans les oubliettes de l’Histoire. La preuve : plus personne ou presque ne se souvient que Severiano de Heredia a été ministre de notre République et, même, maire de notre capitale, Paris. Retour sur la vie d’un homme qui a servi la France… mais que notre patrie a préféré renier en raison de la couleur de sa peau.
SEVERIANO DE HEREDIA DESSIN DE GILL |
« Pas de portrait de lui, même pas à l’Hôtel de Ville de Paris qui collectionne, pourtant, portraits et statues de ses anciens maires ; pas de trace de son existence dans la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, ni dans les ouvrages qui évoquent « ces Noirs qui ont fait la France », etc. Severiano de Heredia a été une victime – je ne sais si centrale ou collatérale – de la politique coloniale de la France en Afrique, et de la persistance d’un état d’esprit colonialiste chez nous, même après l’étape dite de la « décolonisation » ».
Heureusement, un premier pas a récemment été fait vers plus de reconnaissance. Le 5 octobre 2015, Anne Hidalgo, successeur de Severiano de Heredia au poste de maire de Paris (à l’époque, on disait président du conseil de Paris) a enfin baptisé une rue du nom de cet afro-cubain naturalisé français en 1870.
Présent pour cette inauguration, Paul Estrade en a profité pour redire l’injustice que la France a fait subir à l’homme honoré ce jour-là :
« Severiano de Heredia a été oublié parce que Noir. Sa tombe refermée, l’ex-ministre est aussitôt mis sous le boisseau dans la patrie qu’il avait choisie et servie de façon admirable. Lui, l’étranger né aux colonies, lui, l’étranger descendant d’esclave. La subite dégradation de son image, puis sa disparition totale, ont été la conséquence inéluctable des méfaits du racisme et du colonialisme. La République a été son tremplin, le colonialisme son tombeau. La ville de Paris s’honore de se reconnaître en lui. »
Anne Hidalgo n’a pas dit autre chose, expliquant simplement les raisons de son geste :
« Nous sommes là pour sortir de cet oubli coupable.»
« Cette inauguration est particulièrement adaptée à un moment où notre débat public est occupé par des polémiques qui me semblent indignes de notre modèle de République, à un moment où certains continuent à utiliser le mot race comme une sorte de repoussoir ou comme une manière de trier les gens.»
Pour en savoir plus sur cet homme volontairement oublié, voici sa vie résumée en quelques dates clefs :
8 novembre 1836 : Naît à Cuba de parents noirs mais libres.
1846 : Envoyé par son parrain, il arrive en France.
1855 : Il reçoit le grand prix d’honneur du lycée Louis-le-Grand à Paris.
28 septembre 1870 : Il obtient sa naturalisation par décret.
1873 : Entre au conseil municipal de Paris pour le quartier des Ternes (17è arrondissement).
1879 : Devient président du conseil de Paris à 42 ans (équivalent du maire aujourd’hui).
1881 : Entre à la chambre des députés.
30 mai 1887 : Devient ministre des travaux publics (ministère au sein duquel il lutta pour réduire la journée de travail en usine à 10 heures pour les enfants de moins de douze ans).
12 février 1901 : Meurt à son domicile rue de Courcelles après avoir consacré les dernières années de sa vie à la littérature.