SUR LES MURS DE SANTIAGO DU CHILI « IL N'Y A PAS DE PAPIER TOILETTE » PHOTO RICARDO VALENZUELA |
Le «oui» à une nouvelle Constitution est donné largement gagnant dans les sondages en vue du scrutin de dimanche, le plus important depuis la fin de la dictature, en 1990.
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À mesure que le confinement a été levé à partir du mois d’août, les manifestations ont repris progressivement à Santiago. Près du centre historique, les partisans d’une nouvelle Constitution sont revenus «place de la dignité», rebaptisée ainsi depuis la contestation historique d’octobre 2019, contre les inégalités sociales. Ils étaient au moins 25 000 le 18 octobre pour le premier anniversaire de la mobilisation, le plus grand rassemblement depuis le début de la pandémie, et le plus violent : la journée s’est terminée par des affrontements qui ont fait un mort, apparemment tué par la police. Des commerces ont été pillés et deux églises brûlées.
« JOIGNEZ-VOUS À LA DANSE » DESSIN CAIOZZAMA |
Les samedis matin, c’est l’extrême droite nostalgique de la dictature du général Pinochet (1973-1990) qui manifeste. Plusieurs centaines de partisans de la Constitution actuelle se réunissent dans les quartiers d’affaires de la capitale, sous un gigantesque drapeau chilien, ou même avec des casquettes «Make Chile Great Again». «La Constitution a été modifiée des dizaines de fois depuis les années 90, on ne peut pas dire qu’elle n’est pas légitime», estime Nicolas, 31 ans. Il fustige les émeutes urbaines qui ont accompagné la contestation sociale d’octobre 2019. «Dans ce contexte, si on approuve une nouvelle Constitution, on récompense la violence», assure-t-il.
«Un coup très sévère porté à la pensée néolibérale»
Ce dimanche, 14 millions d’électeurs électeurs devront dire s’ils approuvent ou refusent l’idée de rédiger une nouvelle Constitution. Ils seront aussi invités à préciser quel type d’assemblée serait chargé de rédiger le nouveau texte : une convention mixte (composée pour moitié de parlementaires déjà en fonction) ou une assemblée constituante, uniquement composée de citoyens élus spécialement pour l’occasion.
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Les sondages publiés ces derniers mois créditent le «oui» à une nouvelle Constitution de plus de 60 % des intentions de vote. Malgré la pandémie, «on s’attend aussi à une participation de l’ordre de 60 %, plus forte que lors des dernières élections», anticipe Alfredo Joignant, professeur de sciences politiques à l’université Diego Portales. Une victoire du «oui», serait à ses yeux «un coup très sévère porté à la pensée néolibérale», retranscrite dans la Constitution actuelle, héritée de l’époque de Pinochet.
Des milliers d’assemblées de quartier
Le texte avait été adopté en 1981, en pleine dictature, sur fond d’arrestations, de torture, et d’assassinat de milliers d’opposants au régime. Le référendum avait été marqué à l’époque par une fraude électorale massive. Depuis le début de la contestation sociale d’octobre 2019, des milliers d’assemblées de quartier ont été organisées spontanément par les Chiliens pour discuter ensemble du contenu d’une possible nouvelle Constitution. L’accès aux droits sociaux, le féminisme, les droits des peuples indigènes, l’environnement, ou encore les violences policières sont certains des thèmes centraux mis en avant par les habitants lors de ces assemblées.
Si le «oui» à une nouvelle Constitution l’emporte ce dimanche, c’est autour de ces enjeux que devrait s’articuler la campagne pour l’élection de l’assemblée constituante, prévue en avril 2021. «C’est la première fois dans l’histoire du Chili que l’on pourra débattre de tout, ou presque, dans une assemblée constituante élue démocratiquement», s’enthousiasme Alfredo Joignant.
Justine Fontaine Correspondante au Chili