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PHOTO RODRIGO GARRIDO |
Avec près de 80 % des suffrages, le peuple chilien abandonne la Constitution léguée par la dictature et entend se doter d’une nouvelle Loi fondamentale par le biais le plus démocratique. Mais la droite n’a pas dit son dernier mot.
Par Thomas Lemahieu
Une page se tourne, mais la suite est loin d’être écrite au Chili. Dimanche, avec une participation plus élevée que lors des derniers scrutins, le peuple chilien a, avec plus de 78 % des suffrages exprimés, plébiscité l’enterrement de la Constitution héritée de Pinochet et des Chicago Boys, garantissant la perpétuelle reproduction au pouvoir des élites conservatrices et le transfert vers le privé de services publics aussi essentiels que l’éducation, la santé ou la protection sociale. Pour la remplacer, plutôt qu’une convention «mixte » faisant une large place aux parlementaires, donc aux partis dominants, les Chiliens ont approuvé, avec la même majorité écrasante (79 %), la création d’une réelle Assemblée constituante, composée exclusivement de citoyennes et de citoyens à parité qui devront être élus dans six mois, en parallèle d’élections déjà programmées dans les collectivités territoriales. « C’est absolument historique, analyse Franck Gaudichaud, politologue spécialiste du Chili, enseignant à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès et président de France Amérique latine (FAL). Plus encore quand on remet les choses en perspective : il n’y avait jamais eu d’Assemblée constituante au Chili depuis deux siècles.
Dans la capitale, Santiago, cette éclatante victoire a donné lieu à des scènes de liesse et d’euphorie sur la plaza Italia, rebaptisée pour l’occasion « place de la Dignité » après avoir été l’un des théâtres de la mobilisation sociale sans précédent de l’automne 2019. Déclenchée, au départ, par la hausse du prix du ticket de métro, la contestation s’était vite étendue aux politiques néolibérales et, plus globalement, au legs empoisonné de la dictature. Après avoir réprimé dans le sang cette explosion sociale, c’est pour finir de l’étouffer que Sebastian Pinera, le président conservateur, avec l’aval d’une bonne partie de la droite mais aussi du centre gauche, avait fini par proposer un référendum sur la Constitution.
Dans ce contexte, il s’agit, pour lui et les formations dominantes du Chili, de contrôler étroitement le processus. « Cet objectif demeure car si les mouvements sociaux ont imposé, au sein de l’Assemblée constituante, les principes de la parité ou encore de la représentation des peuples originels, le règlement reste dans les mains des partis représentés au Parlement, estime Franck Gaudichaud. La règle des deux tiers nécessaire pour adopter chaque article de la future Constitution risque d’avoir les effets mécaniques d’un véritable verrou face aux aspirations sociales. »
« Ce triomphe devrait obliger toute l’opposition à s’unir »
Divisée lors de la campagne, la gauche chilienne n’a pas réussi à se rassembler pour célébrer cette victoire, mais pour la suite, et en particulier pour la désignation des membres de l’Assemblée constituante, les appels à l’unité retentissent de toutes parts. Président du Parti communiste du Chili, Guillermo Teillier lance ainsi : « Ce triomphe devrait obliger toute l’opposition à s’unir. » Selon lui, ce vote trahit d’abord le rejet d’un « système qui a entraîné tant d’années d’inégalités, d’abus, de bas salaires, de retraites de misère, d’inégalités entre les hommes et les femmes, de mépris des droits des peuples autochtones ». « C’est le rejet d’une élite qui peut profiter de tous les atouts de ce pays et qui en prive la grande majorité de la population », insiste-t-il.
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