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FIDEL CASTRO ET SALVADOR ALLENDE AU CHILI
PHOTO GETTY IMAGELa visite d’État de Fidel Castro au Chili, en 1971, a été un événement marquant, tant pour la politique intérieure chilienne qu’en ce qui concerne les relations extérieures de Cuba sur l’ensemble du continent américain.
UNE DE « CLARIN » DU 10 NOVEMBRE 1971 |
« fidel, le Chili t’ouvre son cœur », titre le journal Clarin, le 10 novembre 1971, alors que Fidel Castro atterrit à l’aéroport d’Antofagasta. Il s’agit de sa première visite sur le continent depuis que, sur injonction de Washington, tous les États, en 1962, Mexique excepté, ont rompu les relations avec Cuba.
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PHOTO MICHAEL SERRAILLIER |
Salvador Allende a été élu président un an auparavant et l’Unité populaire (UP) a remporté la majorité absolue aux législatives de mars. Un peuple vibrant d’enthousiasme et d’espoir reçoit le révolutionnaire cubain.
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Prévue pour dix jours, la visite durera jusqu’au 4 décembre. Une sorte d’ouragan va du Nord au Sud, des latitudes tropicales d’Iquique jusqu’aux solitudes glacées de la Terre de Feu, convoquant des foules immenses. Fidel s’assied à table avec le peuple pour manger les empanadas, boire du pisco. Il joue au basket-ball, revêt parfois le poncho.
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Avec le socialisme comme ambition, deux expériences révolutionnaires différentes, la lutte armée et la voie pacifique, légale, dialoguent. Fidel prononce une trentaine de discours, multiplie les conférences de presse et les interviews. Il veut comprendre : « Nous ne sommes pas venus donner des leçons, nous sommes venus apprendre. » Devant les syndicalistes de la CUT, la centrale ouvrière, à une question sur la «supériorité » du processus cubain, il dénonce le dogmatisme : « Être révolutionnaire, c’est être réaliste. Être révolutionnaire, c’est partir de la réalité, profiter de chacune des possibilités pour aller de l’avant. (…) Si beaucoup de chemins mènent à Rome, il faut souhaiter que des milliers de chemins mènent à la Rome révolutionnaire. (…) Une révolution ne s’achète pas au supermarché. Il n’existe pas de révolution toute faite. Il faut les faire, c’est un long chemin, un processus. »
PHOTO JEAN-CLAUDE FRANCOLON |
Le périple débute le 12 novembre dans le berceau du mouvement ouvrier au nord, à Antofagasta, Iquique, avec la visite aux mineurs de Pedro de Valdivia et Santa Elena, ceux du cuivre de Chuquicamata, entreprise récemment nationalisée. Il se poursuit chez les mineurs de Tomé, de Lota, les pêcheurs de Puerto Montt, les sidérurgistes de Huachipato. Fidel Castro réunit 25 000 femmes au stade de Santa Laura, dialogue des heures avec les étudiants à l’université du Nord, à celle technique d’État. À celle de Concepcion, berceau du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), il met en garde contre le sectarisme, « capable de détruire une révolution », en ces termes : « Dans notre pays, la force de la révolution, c’est l’unité. Si nous avions créé une secte des guérilleros de la montagne, où serait allé le reste du pays ? Ce n’est pas un groupe d’hommes qui a écrit l’histoire de Cuba, mais un peuple entier… La révolution doit avoir un objectif : gagner, rassembler, se renforcer. » Fidel s’adresse aussi à tout le continent : « Cubains et Chiliens, nous ne luttons pas seulement pour Cuba et le Chili… Nous luttons pour ce que Marti nommait “Notre Amérique”, celle de Bolivar, de O’Higgins, San Martin, Sucre, Morelos. Chiliens et Cubains, nous en sommes les deux pôles. Entre ces deux pôles, se dessine une âme nouvelle formée depuis des siècles qui créera la grande communauté de nos peuples, gagnera sa place dans le monde et un avenir heureux. »
Tentatives d’attentats états-uniennes sur le sol chilien
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On saura plus tard que la CIA avait ordonné de tirer sur Fidel Castro et organisé trois attentats. Lors d’une conférence de presse, l’une des caméras de la télévision vénézuélienne était équipée d’armes automatiques manœuvrées par des mercenaires cubains. Ils avouèrent avoir eu peur de tirer. « Les services spéciaux des États-Unis étaient allés plus loin que ce que nous pouvions imaginer », écrivit Fidel.
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À Valparaiso, il dresse le réquisitoire de l’impérialisme et met ses auditeurs debout : « Au nom de la vérité ! Au nom de la raison ! Au nom de la morale ! Qu’ils aillent au diable ! » Avant, pendant et après le séjour, Tribuna, les journaux satiriques, la presse de droite traitent le dirigeant cubain de tous les noms, un paroxysme de haine qui révèle la polarisation de la société, la gravité du moment. Le 1er décembre, à Santiago, des milliers de bourgeoises défilent avec leurs casseroles, encadrées par des groupes paramilitaires. Il y aura plus de 100 blessés dans les affrontements avec les militants de l’UP. Le lendemain, jour des adieux, le stade de Santiago déborde. Castro affirme que rien n’empêchera la montée inéluctable du fascisme, qu’il faut se préparer à la bataille décisive. La solution, selon lui, ne passe pas par la négociation politique, mais par la mobilisation du peuple. Il conclut : « Je retournerai à Cuba plus révolutionnaire que jamais ! » Il offre à Salvador Allende le fusil automatique avec lequel ce dernier se défendra à La Moneda assiégée.
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Fidel visitera ensuite le Pérou et l’Équateur. Cependant, le coup d’État de septembre 1973, la longue nuit des dictatures isoleront à nouveau Cuba, qui se tournera vers l’Afrique. Il faudra attendre 1996 pour qu’il revienne au Chili.
« n’oublie pas la classe ouvrière »
« N’oublie pas une seconde la formidable force de la classe ouvrière chilienne et le soutien énergique qu’elle t’a apporté à tous les moments difficiles : elle peut, à ton appel, face à la révolution en danger, paralyser les putschistes, affermir les indécis, imposer ses conditions et décider une fois pour toutes, le cas échéant, du destin du Chili. L’ennemi doit savoir qu’elle est sur ses gardes et prête à entrer en action. » Lettre de Fidel Castro à Salvador Allende, 29 juillet 1973
Repères
2 décembre 1956 Fidel Castro rentre clandestinement à Cuba avec 80 autres exilés et Che Guevara, sur le Granma.
Années 1960 Cuba soutient les mouvements communistes en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Afrique.
3 novembre 1970 Salvador Allende prend ses fonctions de président de la République après le vote du Congrès.
11 septembre 1973 Le palais présidentiel est pris d’assaut par l’armée du général Augusto Pinochet.
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