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LA MINISTRE CHILIENNE AISÉN ETCHEVERRY ESCUDERO
VEUT ALLIER SCIENCE ET TECHNOLOGIE.
PHOTO AYOUB BENKARROUM
Chili : « La science ne se limite pas aux laboratoires » selon Aisén Etcheverry Escudero / De passage à Paris, la ministre des Sciences chilienne, Aisén Etcheverry Escudero, a évoqué le plan lithium ainsi que la place de la recherche dans la politique de son gouvernement.
par Gaël De Santis et Laura Nuñez
Ministre de la Science, de la Technologie, de la Connaissance et de l’Innovation du Chili, Aisén Etcheverry Escudero était à Paris fin juillet, où elle accompagnait le président Gabriel Boric. Cette tournée européenne était l’occasion de faire connaître le plan lithium développé par Santiago, ainsi que de signer des accords de coopération. En devant un État associé du Cern, le pays espère générer de la technologie en faisant collaborer les scientifiques et l’industrie technologique.
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Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d’un « plan lithium » ?
Il s’agit d’un minerai essentiel, non seulement pour le Chili, mais pour le monde entier, en vue de faire face aux défis de la décarbonation. Avec 30 % à 50 % du lithium présent sur terre, notre pays possède les plus grandes réserves mondiales. C’est une énorme opportunité. Il se trouve dans un endroit particulier, les « salares », ces lagunes salées du désert d’Atacama. Or, ces zones sont d’une grande importance en termes de biodiversité. Elles sont également essentielles à nos communautés.
Le président a lancé, il y a trois mois, une stratégie nationale du lithium centrée sur trois piliers : l’exploitation par une collaboration entre public et privé qui est actuellement en cours de négociation ; la protection d’au moins 30 % des salares du pays ; le développement de la science et de la technologie. Cela passe par la création d’un institut technologique public dédié spécifiquement à l’étude du lithium, des salares et de leur biodiversité, sur le modèle de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) en France.
Quel rôle doit jouer le secteur public ?
Notre stratégie prévoit l’exploitation du minerai par une collaboration entre public et privé. En ce qui concerne les sites d’exploitation stratégiques, tels que celui du salar d’Atacama, le Chili vise un contrôle public majoritaire de l’exploitation, en partenariat avec des acteurs privés. Dans le cas d’autres salares, la participation publique sera définie au cas par cas. Un projet de loi sera présenté en fin d’année pour la création d’une entreprise nationale du lithium qui remplacera Codelco et Enami, deux entreprises publiques minières (qui exploitent aussi d’autres minerais – NDLR).
Dans plusieurs pays latino-américains, il existe un débat sur l’extractivisme. Est-ce le cas dans votre pays ?
C’est un débat mondial, n’est-ce pas ? Cette question nous préoccupe tous, en effet. C’est pourquoi la stratégie lithium est aussi importante. Il ne s’agit en effet pas d’extraire le maximum de minerai et de le vendre le plus rapidement possible, mais grâce au secteur public de capitaliser sur la science, la technologie et la création de valeur que représente aujourd’hui le lithium.
Ces dernières années, notre système scientifique et technique s’est considérablement développé. Aussi, nous aspirons à une industrie à forte valeur ajoutée, tout en respectant la biodiversité. Notre vision du développement intègre l’exploitation, mais aussi la création de valeur ajoutée à partir du lithium. Nous travaillons donc avec les universités et les entreprises en vue de transferts technologiques et de l’identification des industries pouvant se développer à partir du minerai. Actuellement, des prototypes de batteries sont déjà fabriqués chez nous, non seulement destinées aux transports et aux voitures électriques, mais aussi pour le stockage de l’énergie. Le Chili a une énorme capacité de production d’énergie propre grâce au soleil.
Vous envisagez la création d’une entreprise publique, mais vous n’avez pas la majorité au Congrès. Pensez-vous parvenir à faire voter la loi ?
Le projet fera l’objet de discussions. Le Chili a une histoire et une tradition de participation public-privé. Codelco, la compagnie minière (du cuivre – NDLR), qui travaille avec des partenariats public-privé, est un exemple dont nous sommes très fiers. Des entreprises étrangères ont exprimé leur intérêt pour la stratégie lithium et sur leur association à l’État chilien. Il y a une appréciation positive de la stratégie dans le pays.
À l’occasion de la visite du président Gabriel Boric en France et en Europe, il a été annoncé que le Chili intégrerait le Centre européen pour la recherche nucléaire (Cern). En quoi est-ce important de travailler avec les Européens ?
Nous collaborons déjà avec le Cern depuis 1991. Il existe une communication scientifique depuis des décennies. La communauté scientifique chilienne qui travaille avec l’institution est de plus de 50 personnes, un effectif important pour un petit pays. Cette collaboration fait partie de notre politique de développement scientifique et technologique. La science pose des questions, pousse les technologies à se développer, à innover, à transférer des solutions à des industries comme la santé, les communications. Cela arrive dans des structures comme le Cern ou dans les observatoires astronomiques du Chili. Le Cern, comme nous, a donc un intérêt important à approfondir notre relation. D’où notre volonté de devenir un État associé.
Quel est le rôle de la science fondamentale dans un projet de gauche ?
Sans science fondamentale, il n’y a pas de développement. Sans connaissances, il est impossible d’avoir une industrie sophistiquée, une société émancipée pour une démocratie. Par conséquent, il est essentiel de maintenir un écosystème d’universités, de chercheurs, de questionnements fondamentaux. Notre président insiste sur l’importance de la science.
Votre ministère vient de lancer les « activités d’hiver » en direction des jeunes. L’éducation populaire est-elle une dimension importante de votre politique ?
Pendant les vacances d’hiver, de nombreux enfants et adolescents restent à la maison à Santiago. On leur propose des activités scientifiques. Différentes universités et centres de recherche organisent des animations, comme l’inventaire des champignons dans un parc, des ateliers de robotique et d’autres événements dans tout le Chili. L’idée est de montrer que la science ne se limite pas aux laboratoires, qu’elle aide à comprendre le monde et à trouver des solutions. Elle est dans la rue afin que tout le monde puisse en profiter.
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