(De Santiago) "Le responsable de la disparition du lac, c'est le changement climatique. Et donc l'homme", explique Andrés Rivera, glaciologue au Centre d'études scientifiques de Valdivia (Chili). Membre de l'expédition qui a survolé la zone il y a quelques jours, il a pu constater de ses propres yeux la disparition du lac: "Ce n'est pas un phénomène anormal, même s'il n'est pas très fréquent. Il a d'ailleurs été observé dans d'autres endroits de la Patagonie. La fonte des glaciers modifie en profondeur la physionomie de la région. Et la principale raison, c'est le réchauffement climatique."
Mais que s'est-il concrètement passé? "En fait, nous pensons que ce lac qui a disparu communique avec un autre lac plus grand, que l'on croyait séparé par le glacier. Les deux lacs seraient en fait liés sous la glace", poursuit M. Rivera. Il s'agirait donc bien d'un "lake outburst" (explosion de lac), hypothèse évoquée le mois dernier: l'eau du "petit" lac se serait échappée par un "tunnel de glace" vers l'océan Pacifique, le tout dans un laps de temps très court (entre début avril et fin mai, voir les photos satellite de la Nasa. Ce tunnel serait apparu en raison de la fonte des glaciers, elle-même liée au réchauffement.
Mais, ces deux lacs étant liés, le plus grand des deux pourrait-il à terme connaître le même sort? "Le petit lac se re-remplit un petit peu", constate le scientifique, alimenté par les eaux du plus grand lac, qui voit dans le même temps son propre niveau diminuer. Une expédition terrestre devrait se rendre sur place afin de le confirmer, mais pas avant la mi-août, la rudesse de l'hiver chilien dans la région empêchant toute tentative d'ici là.Pour M. Rivera, le responsable de tout ceci est connu: "Il y a de nombreuses preuves que l'homme est responsable de ces bouleversements climatiques: la pollution modifie la composition chimique de l'atmosphère, qui entraîne le réchauffement." Et donc la fonte des glaciers, que l'on peut apprécier in situ sur ces photos prises en 1984, 1998 et 2007 par un avion de l'armée de l'air chilienne.
Mais, loin de sombrer dans la hantise et le fatalisme, le glaciologue, qui admet être d'une nature "optimiste", préfère voir une gageure qu'un danger. "C'est un défi énorme pour l'humanité que de contrôler les effets de notre développement. C'est le bon moment pour que l'homme se pose le problème non pas comme un risque mais comme un défi."
"Il est évident que nous allons vivre dans un monde où le climat sera différent, poursuit-il. Même si on réduisait les émissions de gaz a effet de serre, on ne retrouverait jamais le climat d'il y a 50 ou 60 ans. La fonte des glaces, l'augmentation du niveau des eaux et des températures... si on ne fait rien, ça va devenir dangereux. Il faut donc s'adapter. Le développement ne peut plus se faire qu'en termes économiques. Il faut aujourd'hui intégrer des critères écologiques, sociaux et de qualité de vie. Et les gouvernements vont le faire. Personne ne peut tourner le dos à ces problèmes."