vendredi, février 19, 2021

LE CHILI DANS LE TRIO DE TÊTE DE LA COURSE À LA VACCINATION

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PHOTO IVAN ALVARADO / REUTERS 

Grâce à un vaste réseau de centres de santé publics de proximité et à l’achat anticipé de sérums auprès de différents laboratoires, le pays d’Amérique du Sud est l’un des trois Etats à vacciner le plus vite au monde.

par Justine Fontaine

MISE À JOUR LE 22 02 2021

À une vingtaine de minutes du centre historique de Santiago, le lycée Carmela Silva Donoso reçoit des visiteurs pour la première fois depuis près d’un an. Pas d’élèves pour l’instant – les vacances d’été austral ne sont pas terminées –, mais des personnes de plus de 65 ans, des soignants, et des travailleurs essentiels. L’établissement fait partie des quelques 1 400 centres de vaccination aménagés à travers tout le pays.

À l’entrée, des agents municipaux vérifient les justificatifs, distribuent du gel hydroalcoolique et prennent la température des patients. La cour de récré a été transformée en salle d’attente à l’air libre, protégée du soleil par un grand chapiteau. Juste à côté, dans une grande salle de classe du rez-de-chaussée, les habitants reçoivent – gratuitement et sur la base du volontariat – le vaccin CoronaVac, du laboratoire chinois Sinovac. «J’attendais le vaccin avec une telle impatience, vous n’imaginez pas, s’enthousiasme María Donoso, 73 ans, deux masques superposés sur le visage. Car j’aime danser, profiter de la vie, et je me suis toujours vaccinée

Mercredi, deux semaines seulement après le début de la campagne de vaccination grand public dans le pays, plus de 2,5 millions de personnes avaient déjà reçu au moins une dose de vaccin contre le coronavirus, sur 18,5 millions d’habitants. Le Chili est ainsi l’un des pays au monde à vacciner le plus rapidement sa population, seulement devancé par Israël et les Emirats arabes unis. Comment expliquer un tel succès jusqu’ici, dans un pays émergent, peu puissant sur la scène internationale, où la gestion de l’épidémie par le gouvernement a été particulièrement critiquée lors de la première vague ?

Stratégie d’achats anticipés

«Notre pays ne s’est pas limité à négocier avec un seul laboratoire : il a mis en place une stratégie de négociation diversifiée, auprès de Sinovac, Pfizer, Astra Zeneca, Johnson & Johnson, ou encore via le dispositif Covax», explique Izkia Siches, présidente de l’Ordre des médecins, qui n’hésite pas depuis le début de la pandémie à critiquer le gouvernement de droite au pouvoir quand elle le juge nécessaire.

Avec plusieurs lots de vaccins Pfizer et quatre millions de doses de CoronaVac, faciles à transporter et à stocker, «nous avons reçu un nombre important de doses de manière assez précoce par rapport à d’autres pays d’Amérique latine», salue Izkia Siches. Grâce à cette stratégie d’achats anticipés, le gouvernement chilien a signé des contrats pour 36 millions de doses. De quoi, en principe, immuniser presque toute sa population.

Le Chili, où d’après un récent sondage seul 13% de la population refuserait de se faire vacciner contre le Covid-19, a aussi su mettre à profit l’expérience de nombreuses autres campagnes de vaccination, notamment contre la grippe en mars dernier. «Nous avons mis en place depuis de nombreuses années une stratégie grâce à laquelle nous vaccinons plus de 80% ou 90% du public cible», précise Paula Daza, la secrétaire d’Etat à la Santé publique. Et ce notamment grâce aux 2 300 centres de santé publics de proximité répartis à travers tout le pays, dont les soignants administrent le vaccin.

Un héritage d’Allende

Un réseau hérité notamment de l’époque du président socialiste Salvador Allende, renversé par le coup d’Etat militaire du 11 septembre 1973. «La dictature de Pinochet a tenté de torpiller ce système, selon une logique néolibérale», souligne Juan Ilabaca, spécialiste en santé publique et professeur associé à la faculté de médecine de l’Université du Chili. Depuis, de fortes inégalités persistent dans le domaine de la santé : 15% de la population paye au prix fort des assurances privées, tandis que près de 80% des habitants (moins aisés et dont l’état de santé est plus fragile) dépendent du secteur public, sous-financé.

Le gouvernement a annoncé vouloir vacciner 80% de sa population d’ici juillet. Un objectif atteignable, selon Juan Ilabaca, compte tenu du rythme actuel, si toutefois les doses continuent d’être livrées à temps aux centres de santé publics. Or l’exécutif vient de reporter à mars le début de la vaccination des habitants souffrant de maladies chroniques, sur fond d’incertitudes quant à l’arrivée de six millions de doses du laboratoire chinois Sinovac. Le chargement est attendu au plus tard le mois prochain. Alors que le Chili peine en ce moment à contenir la seconde vague de l’épidémie, l’Ordre des médecins craint une «interruption» de la vaccination «si ces doses arrivent après mars», alerte sa présidente Izkia Siches. Elle juge qu’un tel retard serait «préoccupant», et rappelle que le virus a fait plus de 25 000 morts dans le pays.


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