AFFICHE DE SPECTACLE
Hervé Petit (Cie La Traverse) met en scène la Paix perpétuelle 1(1), pièce de Juan Mayorga, né en 1965 à Madrid. C’est une fable anthropomorphe avec du mordant. Trois chiens, Odin, John-John, Emmanuel, sont en compétition pour l’obtention du collier blanc, pour l’heure en possession de Cassius (Hervé Petit), vieux clebs couturé de cicatrices, qui leur fait subir un examen. L’enjeu : intégrer une prestigieuse unité antiterroriste. À point nommé, un humain masqué (Ariane Elmerich) tient en laisse les postulants l’un après l’autre.
La chronique théâtrale de Jean-Pierre Léonardini
On découvre vite l’idiosyncrasie de chacun. Odin (Nicolas Thinot), rottweiler grande gueule, vrai chien de guerre, est doté d’un flair infaillible. John-John (David Decraene), croisé entre plusieurs races, rompu à l’attaque, s’avère un peu fêlé, d’autant plus qu’Emmanuel (même prénom que Kant), berger allemand féru de philosophie (Raphaël Mondon), lui balance dans les pattes le pari de Pascal…
Le texte, d’humour féroce, en dialogues vifs, vachards, humains trop humains, constitue un modèle de parabole cynique sur l’actualité brûlante d’un monde plus que jamais carnassier, que ne pourrait décidément amender le discours final de l’humain sur la démocratie et la « paix perpétuelle » d’après Kant, équivalant, à tout prendre, à « si tous les gars du monde voulaient se donner la main ». Par surcroît, ce conte cruel, si actuel, où les acteurs se donnent avec talent un mal de iench (c’est du verlan) à base de pancrace, se voit mis en scène de main de maître. En fait de chiennerie monstre, le parangon n’est-il pas le putsch de 1973 au Chili orchestré par Pinochet, général félon ?
Cinquante ans après, le metteur en scène écossais Michael Batz (Cie MB, théâtre international) présente, en deux volets, le Cabaret d’Eva Luna : une chanson pour le Chili, à partir de textes d’Isabel Allende, de poèmes de Pablo Neruda et de chansons de Victor Jara, le musicien assassiné2 (2). Pour cette large évocation du dol atroce subi par un peuple, ils sont sept comédiens-musiciens-chanteurs (Natture Hill, Silvia Massegur, Léo Mélo, Nathalie Milon, Nadine Seran, Maiko Vuillod, Juan Arias Obregon) plus Batz lui-même dans le rôle de Neruda (Venez voir le sang dans les rues…) afin de commémorer, à cœur touchant, cet événement historique à ne pas oublier.
Jusqu’au 5 novembre au Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie, Paris 12e. Rens. : administration@epeedebois.com, 01 48 08 18 75. Le texte, traduction d’Yves Lebeau, est publié par les Solitaires Intempestifs. ↩︎
Vu au Théâtre de Nesle, Paris 6e, du 16 au 23 octobre, le spectacle y retournera le 12 novembre. Rens. : theatredenesle@gmail.com, 01 46 34 61 04. Le 31 octobre, il sera au Théâtre de l’Opprimé, Paris 12e, et le 5 novembre au Théâtre El Duende, Ivry-sur-Seine. ↩︎
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La chronique théâtrale de Jean-Pierre Léonardini
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