mardi, décembre 16, 2025

BONNES FÊTES DE FIN D'ANNÉE !

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BONNES FÊTES DE FIN D'ANNÉE


Araucaria vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'année ! » 


lundi, décembre 15, 2025

CHILI / L’EXTRÊME-DROITE L’EMPORTE

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«Le pire kasting»
UNE DE
«PÁGINA|12»
 DU 15 12 2025

CHILI, le 15 décembre 2025. / L’extrême-droite l’emporte / Kast le candidat de l’extrême-droite sera le prochain président du Chili. Il prendra ses fonctions en mars 2026. Il bénéficiera en plus d’une majorité dans les deux chambres, celle des députés et celle des sénateurs. Il sera dans une situation beaucoup plus confortable que Gabriel Boric qui n’avait aucune majorité parlementaire. Il a été immédiatement félicité par le fasciste argentin, Milei.

Avec notre correspondant à Santiago, Pierre Cappanera 

Pierre
Cappanera

Jeannette Jara a eu 41,76 % et 5.184.026 des voix. Kast a eu 58,21 % et 7.231.018. Les nuls et blancs ont été beaucoup moins nombreux qu’attendus, 7,08 % et 947.032 voix.

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Au premier tour, Jeannette Jara avait reçu 26,85 % et 3.476.615 voix. Elle progresse entre les deux tours de 15 % et 1,8 millions de voix.

Jeannette Jara a reçu le soutien de près de 5,2 millions de Chiliens, soit 400.000 voix de plus que lors du référendum pour la nouvelle constitution en septembre 2022. Les partisans de la constitution progressiste représentaient 38 % des électeurs. Jeannette Jara gagne près de 4 %. C’est un record pour la gauche au Chili depuis la nouvelle loi électorale qui a mis en place le vote obligatoire couplé à l’inscription automatique. Par rapport à la dernière élection présidentielle en 2021, le nombre d’électeurs qui se sont déplacés est passé de 7,5 à 13,5 millions, un quasi doublement.

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Néanmoins l’anticommunisme a été le plus fort et a levé les derniers obstacles sur la route de Kast. On attendait beaucoup de votes blancs et nuls suite à l’appel de Parisi à ne pas choisir, lui qui avait reçu 20 % des voix au premier tour. Les électeurs ont préféré mettre un nom dans l’urne.

Jeannette Jara n’a pas démérité. Elle s’est battue jusqu’au bout. Elle a porté l’espoir qu’un autre monde était possible quand beaucoup à gauche n’avait pas très envie de reprendre le flambeau. Pour la première fois de leur vie, des millions de Chiliens ont accepté d’être représentés par une candidate communiste. Pour eux avoir une présidente communiste ne posait plus de problème.

En imposant le vote obligatoire, la droite ne s’est pas trompée. Si l’élection avait eu lieu avec les seuls électeurs traditionnels, Jeannette Jara aurait gagné. La gauche chilienne va devoir analyser la façon dont elle va devoir faire face à cette nouvelle situation sinon elle restera toujours minoritaire. Pour le moment il reste un continent inconnu par la gauche de 6 millions d’électeurs nouveaux.

La gauche sort battue, mais ce n’est pas la Bérézina. La gauche n’est pas défaite. Une des mesures les plus importantes qu’a concrétisée Jeannette Jara lorsqu’elle était ministre du Travail va entrer en vigueur en janvier et concerne les augmentations de retraites. Des millions de Chiliens vont immédiatement voir la différence. Ils auront du mal à revenir en arrière. Il est certain que des luttes pour maintenir les acquis du gouvernement Boric auront lieu.

Jeannette Jara a annoncé une opposition systématique, démocratique, déterminée, non-violente pour lutter pour la préservation de tous les acquis du gouvernement Boric : les 40 heures, les remboursements médicaux et le début de Sécurité Sociale pour tous, les très fortes augmentations de salaires, l’université gratuite, l’amélioration des droits des femmes… Jeannette Jara a aussi insisté pour continuer à lutter dans l’unité qui avait prévalu dans toute cette campagne électorale.

Sur la photo ci-dessous, tous les dirigeants de la gauche chilienne autour de Jeannette Jara à l'annonce des résultats.

JEANNETTE JARA À L'ANNONCE DES RÉSULTATS
PHOTO EL SIGLO


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dimanche, décembre 14, 2025

PRÉSIDENTIELLE AU CHILI : LA « CHRONIQUE D’UNE DÉFAITE ANNONCÉE » DE LA GAUCHE FACE À L’EXTRÊME DROITE

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LE CANDIDAT À LA PRÉSIDENCE CHILIENNE JOSÉ ANTONIO KAST, DU PARTI RÉPUBLICAIN,
 LORS DE SON DERNIER MEETING À TEMUCO (CHILI), LE 11 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO EITAN ABRAMOVICH / AFP
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Le Monde

Présidentielle au Chili : la « chronique d’une défaite annoncée » de la gauche face à l’extrême droite / Le candidat ultraconservateur José Antonio Kast est le favori du second tour de l’élection présidentielle qui l’oppose, dimanche, à la communiste Jeannette Jara, ancienne ministre du président de gauche sortant, Gabriel Boric. [« Plutôt Hitler que le Front Populaire ? »]

Par Angeline Montoya (Santiago, envoyée spéciale) Publié aujourd’hui à 06h00, modifié à 08h30 Temps de Lecture 4 min.

josé Antonio Kast, 59 ans, a l’air satisfait d’un enfant content de sa blague. Le candidat ultraconservateur, favori pour le second tour de l’élection présidentielle chilienne organisé dimanche 14 décembre, vient de réussir, encore une fois, à éluder toute précision sur ses intentions en cas d’élection. « Allez-vous, oui ou non, gracier Krassnoff ? », insiste pour la énième fois la journaliste le 3 décembre, lors de l’avant-dernier débat télévisé, en présence de l’adversaire de José Antonio Kast, la communiste Jeannette Jara, 51 ans.

🗳️ Yo voto Jara. /Este domingo elegimos entre dos caminos muy distintos. / Yo elijo a quien trabajó por subir las pensiones, por las 40 horas, por cuidar a las familias y la que propone un camino concreto mejorar la vida de los chilenos. / 💙 Y ahora te toca a ti. / Lo que puedas hacer en estos últimos días puede inclinar la balanza. / Si cada uno convence a una persona más: ganamos. / La elección se juega en cada conversación, en cada mensaje, en cada decisión. 

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

L’ex-brigadier Miguel Krassnoff, 79 ans, membre de la DINA, la sinistre police secrète d’Augusto Pinochet, a été condamné à plus de mille ans de prison pour crimes contre l’humanité commis pendant la dictature (1973-1990). A la question posée, José Antonio Kast, admirateur du régime pinochétiste, répond à côté, tergiverse, joue la montre. Quand la journaliste lui signale qu’il ne reste plus de temps au chronomètre, le candidat hausse les épaules et lâche : « Les règles sont les règles » et se mure dans le silence, sourire en coin.

À la même question, Jeannette Jara a répondu un « non » franc et massif. « La stratégie de Kast a été d’en dire le moins possible, mais c’est encore plus flagrant dans l’entre-deux-tours, explique le politiste Antoine Maillet, enseignant à l’université du Chili. Il sait déjà qu’il va gagner, il n’a pas besoin de débattre ni de donner de détails sur ses propositions. »

Environ 15,7 millions de Chiliens sont appelés dimanche – le vote est obligatoire – à choisir entre Jeannette Jara (26,8 % des voix au premier tour le 16 novembre), ancienne ministre du travail de l’actuel président Gabriel Boric (gauche), et José Antonio Kast, du Parti républicain (extrême droite, 23,9 %), dont c’est la troisième tentative de parvenir au palais de la Moneda.

Dans les rues de Santiago, rien ne laisse penser qu’une élection cruciale se tient bientôt, pas même sur la place Baquedano, centre névralgique du soulèvement populaire qui a éclaté en octobre 2019. La place est en travaux, entourée de panneaux en bois qui auraient pu servir de support pour des affiches ou des graffitis. Il n’en est rien. « C’est qu’on en a marre de voter, une dizaine de scrutins en cinq ans, et en fin de compte ça n’a rien changé dans nos vies, au contraire », explique Evangelina Gonzalez, une vendeuse de 37 ans. Des débats ont bien lieu, mais sur les réseaux sociaux. Le second tour est, par ailleurs, considéré comme joué, José Antonio Kast étant assuré de rassembler la grande majorité des voix des autres candidats de droite ou d’extrême droite du premier tour.

Promesses de répression

Pour son dernier meeting de campagne, jeudi – où il a d’abord remercié Dieu qui l’a « protégé, guidé et accompagné » –, il a choisi Temuco, dans la région de l’Araucanie, où il a obtenu son résultat le plus important au premier tour (32,5 %). José Antonio Kast a annoncé un « gouvernement d’urgence », car le Chili vit, selon lui, « une crise totale », issue d’un gouvernement « incompétent » qui n’a laissé que « chaos, désordre et insécurité ». « Prison pour les terroristes, prison pour les violents », a-t-il martelé dans son dernier discours, attribuant l’augmentation de 

Comme tous les jours de l’entre-deux-tours, il a évoqué son compte à rebours : « Je dis aux personnes qui se trouvent de manière irrégulière au Chili : il vous reste quatre-vingt-dix jours pour quitter le pays volontairement », c’est-à-dire avant la date de la prise de fonctions du gouvernement élu, le 11 mars 2026. Après cette date, a-t-il promis, ces 336 000 migrants seront capturés et expulsés « avec ce qu’ils auront sur le dos ».

Evasif sur Miguel Krassnoff, il l’a aussi été sur la méthode qu’il compte employer pour ces expulsions. De même, il a toujours refusé de répondre aux questions concernant la mise en œuvre de son projet de coupes budgétaires, de l’ordre de 6 milliards de dollars (soit environ 5,1 milliards d’euros). Son porte-parole, Rodolfo Carter, a mis les pieds dans le plat à la télévision, le 9 décembre, en expliquant qu’il était « évident » que l’équipe de Kast ne pouvait révéler quels programmes ou secteurs seraient affectés, « sinon le pays serait paralysé dès le lendemain (…), les rues incendiées ».

Aux promesses de répression de José Antonio Kast, Jeannette Jara a répondu, pendant son dernier meeting, jeudi également, à Coquimbo, dans le nord du pays, que sa « main ne tremblera[it] pas pour utiliser l’Etat de droit » contre les délinquants. Elle a déroulé son discours autour de ses projets sur la santé, l’éducation, l’emploi ou le logement plus que contre son adversaire, comme elle en avait l’habitude.

Peur martelée à l’envi

La droite a réussi à faire de cette élection un plébiscite contre le gouvernement sortant : « Jara, c’est Boric, et Boric, c’est Jara », rabâche José Antonio Kast. Jeannette Jara a passé la campagne à jouer les équilibristes, devant tout à la fois revendiquer son bilan au ministère du travail – hausse du salaire minimum, réduction du temps de travail hebdomadaire, hausse des pensions, gratuité des soins dans le secteur public – et se démarquer du gouvernement de Gabriel Boric, très impopulaire malgré les avancées sociales obtenues.

Même au sein du Parti républicain, on reconnaît à mi-voix le bienfait de ces mesures. « Les Chiliens apprécient de gagner plus et de travailler moins, confie un proche de l’équipe de José Antonio Kast qui préfère rester anonyme. Mais ça n’a pas été suffisant pour faire oublier l’insécurité et la peur. » Une peur martelée à l’envi par les chaînes d’information en continu et les journaux, alors que le Chili reste un des pays les plus sûrs du continent.

Carlos Ominami, ancien ministre et conseiller économique de Jeannette Jara, partage ce constat : « Certes, le gouvernement a baissé l’inflation de 14 % à 3 % et assaini les comptes publics, admet-il. Mais nous n’avons pas compris à temps à quel point le thème de l’insécurité était central pour les Chiliens. » Sans oublier que, depuis vingt ans, les Chiliens ont toujours voté pour l’opposition.

Jeannette Jara, elle, applique la méthode Coué : « Nous allons gagner ! », a-t-elle conclu à Coquimbo. Mais plus grand monde n’y croit vraiment. « On est venu la soutenir, mais c’est plus pour nous soutenir entre nous et nous consoler », soupire Carolina Salas, 26 ans, venue à l’avant-dernier meeting de Mme Jara à Puente Alto, dans une banlieue populaire au sud de Santiago, mercredi. « L’espérance est la dernière chose que l’on perd », rappelle sur un ton désabusé M. Ominami, qui reconnaît toutefois qu’il s’agit là d’une « chronique d’une défaite annoncée ».

Reste à connaître le taux de votes blancs ou nuls, alors qu’une grande partie des électeurs ne croient plus en la politique et ne se reconnaissent chez aucun des deux candidats. « Si ce chiffre est élevé, avance M. Maillet, cela montrera que le vote obligatoire ne repolitise pas forcément les gens. » Les soutiens de Mme Jara, eux, n’espèrent qu’une chose, que l’écart avec M. Kast ne soit pas si important qu’annoncé, histoire de sauver la face.

Angeline Montoya (Santiago, envoyée spéciale)

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   ALVARO HENRIQUEZ Y PETTINELLIS
Con un VOTE POR JARA y la presentación de Alvaro Hernirquez y PETTINELLI


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samedi, décembre 13, 2025

AU CHILI, LA PEUR DU CRIME PORTE L'EXTRÊME DROITE AUX PORTES DE LA PRÉSIDENCE

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DES POLICIERS PÉNÈTRENT DANS UNE HABITATION LORS D'UNE 
OPÉRATION  ANTIDROGUE À SANTIAGO, LE 11 DÉCEMBRE 2025 
PHOTO RODRIGO ARANGUA / AFP
Actualité / Dépêches / 
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La Croix
Au Chili, la peur du crime porte l'extrême droite aux portes de la présidence /  
Au Chili, la peur suscitée par la criminalité a porté José Antonio Kast jusqu’aux portes du palais présidentiel: favori du second tour, il pourrait devenir dimanche le premier dirigeant d’extrême droite à accéder au pouvoir depuis la fin de la dictature d’Augusto Pinochet en 1990.

La Croix avec l'AFP Modifié le 13 décembre 2025 à 10h36 Lecture : 2 min

Depuis le début des années 2000, la violence liée au crime organisé a augmenté d’environ 40% au Chili, selon les statistiques officielles. Le taux d’homicides a progressé d’environ 50%, d’après les données de l’ONU.

🗳️ Yo voto Jara. /Este domingo elegimos entre dos caminos muy distintos. / Yo elijo a quien trabajó por subir las pensiones, por las 40 horas, por cuidar a las familias y la que propone un camino concreto mejorar la vida de los chilenos. / 💙 Y ahora te toca a ti. / Lo que puedas hacer en estos últimos días puede inclinar la balanza. / Si cada uno convence a una persona más: ganamos. / La elección se juega en cada conversación, en cada mensaje, en cada decisión. 

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Et les sondages montrent qu’aux yeux d’une majorité de Chiliens la criminalité est maintenant le premier problème du pays.

DES POLICIERS PÉNÈTRENT DANS UNE HABITATION LORS D'UNE
OPÉRATION ANTIDROGUE À SANTIAGO, LE 11 DÉCEMBRE 2025 
PHOTO RODRIGO ARANGUA / AFP

Ainsi, dans le centre de Santiago, peu après 18H00 jeudi, des dizaines de policiers masqués et armés surgissent d’un convoi de 15 véhicules banalisés. Ils vont défoncer les portes de neuf maisons soupçonnées d’abriter des trafiquants.

L’« Opération Colombie » est le fruit d’une enquête de six mois sur un réseau étranger de trafic de drogue menée par la police d’investigation, équivalent chilien du FBI américain.

Chargée de faire respecter la loi dans ce qui fut autrefois le pays le plus sûr d’Amérique latine, elle se retrouve désormais en première ligne d’une bataille féroce contre le crime organisé.

ERICK MENAY, CHEF DE L'UNITÉ CHILIENNE DE LUTTE
CONTRE LE CRIME ORGANISÉ, LORS D'UN ENTRETIEN
À L'AFP  LE 11 DÉCEMBRE 2025 À SANTIAGO 
PHOTO RODRIGO ARANGUA / AFP

Erick Menay, chef de l’unité de lutte contre le crime organisé et presque 35 ans de service, raconte à l’AFP comment son métier s’est transformé face à l’arrivée de gangs sophistiqués et ultra-violents en provenance du Pérou, d’Equateur, de Colombie et surtout du Venezuela, dont est issue l’organisation criminelle Tren de Aragua.

Les guerres de territoire « ont apporté beaucoup de violence, beaucoup de coups de feu, de victimes et d’insécurité », dit-il.

Titres de presse anxiogènes / « Sécurité, croissance, migration, logement et listes d'attente émergent parmi les points critiques du prochain gouvernement » / « Quand j'essaie de bouger, je vois un pistolet pointé sur moi. Alors, en quelques microsecondes, on pense à ses enfants » / La terreur médiatique au service de l’extrême-droite
Nuances

« Le pays part en lambeaux », affirme avec emphase José Antonio Kast, candidat à la présidentielle pour la troisième fois. Après une campagne centrée sur l’insécurité et l’immigration clandestine, il devance largement la candidate de gauche Jeannette Jara dans les sondages en vue du scrutin de dimanche.

Abrité derrière des vitres pare-balles, le candidat ultraconservateur, père de neuf enfants, promet dans ses discours d’expulser des centaines de milliers de migrants en situation irrégulière, principalement issus du Venezuela en crise, de boucler la frontière avec la Bolivie et de déclarer l’état d’urgence.

Pourtant, les chiffres et les témoignages venus du terrain viennent nuancer ce constat alarmiste: si la criminalité a augmenté et est devenue plus violente, elle est partie d’un niveau très bas.

Selon une récente enquête gouvernementale, 88% des Chiliens estiment que la criminalité a augmenté l’an dernier. Les statistiques policières indiquent pourtant que le taux de crimes violents s’est stabilisé et, dans certains cas, est même en baisse.

La part de la population ayant été victime de délits violents - cambriolages, vols avec violence ou encore extorsion - atteint un peu moins de 6%.

Selon Hassel Barrientos Hermosilla, chef de l’unité anti-enlèvements et extorsion de la police d’investigation, il est rare que des Chiliens soient la cible de ces crimes très médiatisés. En dépit de la perception des habitants.

« Eloigné de la réalité »

La peur a grandi bien plus vite que la criminalité, selon l’ex-général Christian Bolivar, qui dirige la sécurité municipale de Las Condes, banlieue aisée de Santiago. « Il est évident que la perception, ce que les gens ressentent en matière de sécurité, est très éloignée de la réalité », confie-t-il à l’AFP.

Quand les gens ont peur, les rues se vident et deviennent moins sûres, un cercle vicieux. « Cette perception, c’est le plus difficile à aborder », dit-il, malgré les 450 personnes sous ses ordres et un centre de commandement moderne où affluent les images des caméras de sécurité.

DES MEMBRES DU SERVICE D'ENQUÊTES DE LA POLICE CHILIENNE
PROCÈDENT  À UNE PERQUISITION LORS D'UNE OPÉRATION ANTIDROGUE,
LE 11 DÉCEMBRE 2025 À SANTIAGO 
PHOTO RODRIGO ARANGUA / AFP

« Nous pouvons mettre en place des mécanismes de contrôle, de supervision et de lutte contre la criminalité, mais il est bien plus difficile d’atteindre les esprits, d’essayer d’influencer les gens pour qu’ils comprennent que la situation en matière de sécurité n’est pas aussi critique qu’elle est dépeinte ou perçue », souligne-t-il.

Des éléments suggèrent que les médias, dont beaucoup diffusent en direct des opérations anti-drogue mineures, attisent la peur.

D’après un récent sondage UDP-Feedback, les Chiliens qui regardent la télévision sont 25% plus susceptibles d’affirmer que la criminalité violente est un problème par rapport à ceux qui lisent le journal.

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   ALVARO HENRIQUEZ Y PETTINELLIS
Con un VOTE POR JARA y la presentación de Alvaro Hernirquez y PETTINELLI


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vendredi, décembre 12, 2025

PRÉSIDENTIELLE AU CHILI : LE VOTE TRÈS CONVOITÉ DES « SANS-VOIX » DU QUARTIER DE LA PINTANA

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PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »
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Le Monde

Présidentielle au Chili : le vote très convoité des « sans-voix » du quartier de La Pintana / 
REPORTAGE Dans ce quartier populaire proche de la capitale, les habitants vont devoir choisir entre José Antonio Kast (extrême droite) et Jeannette Jara (gauche), les deux candidats qui briguent la succession de Gabriel Boric dimanche. / 
« Parisi, il sait de quoi il parle, il est économiste. » Carmen Calfanti, 53 ans, en est aussi sûre que le sont ses gestes lorsqu’elle confectionne ses sopaipillas, beignets de farine qu’elle vend sur le marché du quartier de Santo Tomas, à La Pintana, à une quinzaine de kilomètres au sud de Santiago. Au premier tour de l’élection présidentielle au Chili, le 16 novembre, Carmen a voté pour Franco Parisi parce qu’il est « différent » et parce que ses trois garçons le lui ont conseillé.

Par Angeline Montoya (La Pintana (Chili), envoyée spéciale) Publié aujourd’hui à 18h30 Temps de Lecture 8 min.

plus loin sur le marché, Damarhi Carrillo, 19 ans, étudiante en droit, regrette d’avoir voté pour le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast (23,9 %), arrivé deuxième, et non pour Franco Parisi, placé en troisième position (19,7 %) donc écarté. « Maintenant, j’ai peur que Kast, qui veut faire des coupes budgétaires, supprime la gratuité de l’université », dit-elle en démontant le stand où elle travaille les week-ends. Mais « le communisme de [Jeannette] Jara, ce n’est pas possible non plus », ajoute-t-elle.

DAMARHI CARRILLO, 19 ANS, ÉTUDIANTE EN DROIT ET VENDEUSE
AU MARCHÉ DE SANTO TOMAS, QUARTIER DE LA PINTANA (CHILI),
LE 5 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO  CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »


LE MARCHÉ DU QUARTIER DE SANTO TOMAS, À LA PINTANA (CHILI), LE 5 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

Inclassable souvent défini comme « populiste », Franco Parisi, 58 ans, a créé la surprise en remportant presque 20 % des voix au premier tour. Aucun sondage n’avait prévu un tel score. Les médias l’avaient ignoré, aucun n’avait couvert la fin de sa campagne le 12 novembre,  précisément à La Pintana.

Il bénéficiait pourtant d’une certaine notoriété auprès d’un public fidèle à son émission télévisée, « Les Parisi : le pouvoir des gens », où lui et son frère Antonio vulgarisaient des notions économiques, dénonçaient les abus des élites et prodiguaient des conseils financiers, touchant surtout les employés du secteur minier, dans le Nord, qui disposent d’un salaire confortable, mais ne savent pas toujours comment l’investir. « Les mineurs, tant mieux s’ils gagnent de l’argent, il faudrait même qu’ils en gagnent plus, qu’ils puissent s’acheter une camionnette encore plus grosse et faire opérer leur gonzesse s’ils veulent ! », s’est-il acclamé à la télévision. Dans ces régions, M. Parisi est arrivé en tête du scrutin.

🗳️ Yo voto Jara. /Este domingo elegimos entre dos caminos muy distintos. / Yo elijo a quien trabajó por subir las pensiones, por las 40 horas, por cuidar a las familias y la que propone un camino concreto mejorar la vida de los chilenos. / 💙 Y ahora te toca a ti. / Lo que puedas hacer en estos últimos días puede inclinar la balanza. / Si cada uno convence a una persona más: ganamos. / La elección se juega en cada conversación, en cada mensaje, en cada decisión. 

Hommes peu éduqués

Ses 2,5 millions d’électeurs sont désormais convoités par les deux finalistes, la communiste Jeannette Jara (26,8 % des voix) et l’ultraconservateur José Antonio Kast, donné favori pour le second tour, dimanche 14 décembre, grâce au report de voix de la droite. Mme Jara a annoncé qu’elle intégrerait dans son programme certaines propositions de M. Parisi comme le remboursement de la TVA dans l’achat de médicaments. Son nouveau slogan : « Quand les idées sont bonnes, on les applique. » M. Kast, de son côté, souligne leurs convergences en matière de sécurité, d’économie et de politique migratoire.

Tous deux ont attendu que M. Parisi donne ses consignes de vote. Le fondateur du Partido de la Gente (PDG, le « parti des gens ») a d’abord organisé un sondage auprès de ses militants : 78 % d’entre eux ont déclaré qu’ils ne voteraient « ni facho ni comunacho » (« ni fasciste ni communiste »), son slogan de campagne, mais blanc ou nul. Les 20 % restants ont dit qu’ils voteraient pour M. Kast et 2 % seulement pour Mme Jara. Mais que vont réellement faire ces 2,5 millions d’électeurs ? Et qui sont-ils ?

Une étude de Panel Ciudadano-UDD les décrit comme principalement des hommes de 30 à 50 ans, issus des classes moyennes basses ou pauvres, les plus nombreuses au Chili. Une autre étude d’IdealPais note un ancrage fort dans le Nord minier, mais aussi les périphéries urbaines. À Vitacura, commune la plus aisée de l’agglomération de Santiago, M. Parisi n’a recueilli que 0,82 % des suffrages. À La Pintana, la plus défavorisée, marquée par une pauvreté multidimensionnelle de 27 % (contre 17 % au niveau national), il a culminé à 26,7 %, juste derrière Mme Jara et devant M. Kast.

FABIAN GONZALEZ ARAYA, 35 ANS, DANS SON ÉPICERIE, DANS
LE QUARTIER D’EL CASTILLO, À LA PINTANA (CHILI),
 LE 5 DÉCEMBRE 2025. PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

À El Castillo, un autre quartier de La Pintana, Fabian Gonzalez Araya, 35 ans, a lui aussi voté pour M. Parisi au premier tour. « Il a écouté ceux que personne n’écoute. Il a donné une voix aux sans-voix », assure ce technicien en informatique de 35 ans, qui tient aussi une épicerie avec son père. Il anime une page Facebook suivie par 22 000 personnes, appelée « Transparence et probité à La Pintana » dans laquelle il dénonce notamment la corruption et les atteintes à l’environnement.

Pour beaucoup, M. Parisi incarne l’ascension méritocratique, « le winner d’un capitalisme populaire et individualiste », selon l’analyste politique Alex Callis. Né dans un quartier modeste de Santiago, diplômé d’un doctorat de l’université de Géorgie et longtemps installé aux Etats-Unis, « il a cette image de l’entrepreneur qui sait faire fructifier cet argent auprès de personnes qui croient au rêve américain », note M. Callis. Il avait déjà surpris en 2021 en menant campagne de l’étranger, alors qu’il était poursuivi au Chili pour pension alimentaire impayée, obtenant malgré cela 12,8 % des voix. « Il n’existe pas de portrait-robot de l’électeur Parisi, souligne M. Callis, mais ils ont des choses en commun : ce sont des personnes dépolitisées, très désinformées, avec des niveaux d’éducation assez bas. »

Cumul de trois emplois

Son électorat est disparate, mais partage une même défiance envers les institutions et un fort sentiment d’abandon. La Pintana, qu’il n’a pas choisie par hasard pour clore sa campagne, en est l’illustration : 189 000 habitants, un unique commissariat avec un policier pour 1 000 habitants – plus de trois fois moins qu’en France –, très peu d’infrastructures publiques, des services privatisés, aucun restaurant et aucun cinéma. « On fait des logements, mais pas des villes », dénonce la maire, Claudia Pizarro, en poste depuis 2016, qui évoque une « inégalité territoriale historique».

CLAUDIA PIZARRO, MAIRE DE LA PINTANA (CHILI), LE 6 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE 
 »

LA MAIRE CLAUDIA PIZARRO MONTRE DES DOUILLES QUE LES HABITANTS
LUI APPORTENT POUR DÉNONCER LA VIOLENCE ET LES PROBLÈMES LIÉS
AUX BALLES PERDUES DANS LEURS QUARTIERS. LA PINTANA (CHILI),
LE 6 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

La Pintana a été érigée en commune en 1984, pendant la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), qui y a déplacé de force (« éradiqué », dit-on au Chili) des habitants de bidonvilles des faubourgs de Santiago, relogés à La Pintana dans de minuscules maisons, longs blocs de plain-pied divisés en pièces de 30 mètres carrés, alignés et séparés par d’étroits passages. C’était le cas de la famille de Mme Pizarro.

Après deux cancers et un AVC, Vilma Espinoza, 69 ans, présidente du conseil de l’association de quartiers, touche une maigre pension d’invalidité. Son mari, du même âge, est obligé de cumuler trois emplois. Depuis trente-deux ans, le couple vit dans un appartement de 40 mètres carrés avec leurs cinq enfants d’abord, puis quelques-uns de leurs 12 petits-enfants. Elle a eu de la chance : dans les années 1990, le premier gouvernement postdictature de La Concertation (alliance des partis de la gauche et du centre) avait remis à des familles sans toit des logements de 12 mètres carrés.

À force de protestation, cette femme énergique a obtenu d’être relogée bientôt dans l’écoquartier La Platina, comptant 4 500 logements aux dimensions plus humaines, en construction au sud du quartier Santo Tomas. Mais là encore, pas d’école, de centre sportif ou récréatif, de restaurants ni de lieux culturels, pas de « ville ».

VUE AÉRIENNE D’UN NOUVEAU COMPLEXE IMMOBILIER SOCIAL
 PRESQUE ACHEVÉ, À LA PINTANA (CHILI), LE 6 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

VILMA ESPINOZA, 69 ANS, PRÉSIDENTE DU CONSEIL VICINAL,
AU CENTRE COMMUNAUTAIRE DU QUARTIER SANTO TOMAS,
 À LA PINTANA (CHILI), LE 5 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

Par manque de centres de santé, Mme  Espinoza est obligée de se rendre dans d’autres communes se faire soigner. Aucune clinique privée, aucun cabinet médical n’a cru bon s’installer à La Pintana. C’est donc à la municipalité qu’il revient de pallier ce manque, avec un budget déjà très serré. C’est elle aussi qui rebouche les nids-de-poule, une dépense normalement dévolue à l’Etat. Mais c’est contre la mairie que les critiques fusent.

« Je croyais, après la dictature, que La Concertation allait nous changer la vie, ça n’a pas été le cas », regrette Ecarlet Pilar Soto, 61 ans, responsable d’une cantine populaire pour personnes âgées, qui reçoit dans la chapelle Padre Hurtado, du quartier de Santo Tomas, une grande croix au cou. Elle aussi touche une pension d’invalidité, de 222 000 pesos (200 euros), qui paye à peine l’électricité, l’eau et les médicaments non couverts. Alors elle vend des plats préparés sur le marché. Dimanche 14 décembre, elle votera pour M. Kast, sans conviction.

« Narcoculture »

À ces difficultés s’ajoutent une croissance atone, une inflation encore douloureuse, même si le président sortant, Gabriel Boric (gauche), a réussi à la juguler, et des inégalités persistantes malgré ses promesses. Pendant la première année de son mandat, il a tout misé sur une réécriture de la Constitution qui lui aurait permis de mener des réformes en profondeur, mais le projet, très progressiste, a été rejeté par la population – tout autant que le projet suivant réécrit par l’extrême droite. Par la suite, les avancées sociales portées par l’ancienne ministre du travail de M. Boric, Mme Jara, n’ont guère profité aux travailleurs informels, nombreux à La Pintana.

L’insécurité, liée aux réseaux de narcotrafic, domine le quotidien : 35 homicides entre janvier et novembre, soit 18 pour 100 000 habitants – trois fois plus que la moyenne nationale. Les balas locas (« balles folles »), balles perdues tirées lors d’affrontements entre bandes rivales, terrorisent les habitants. Toutes les maisons sont protégées par d’immenses grilles. Un jardin d’enfants ressemble à une prison, avec sa clôture barbelée en spirale. Les quelques commerces reçoivent le public à travers un petit carré ouvert dans la grille.

PRESQUE TOUS LES HABITANTS INSTALLENT DES GRILLES EN FER POUR RENFORCER
LA SÉCURITÉ ET ÉVITER LES EFFRACTIONS, À LA PINTANA (CHILI), LE 5 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

UNE FRESQUE MURALE « SANTO TOMAS SANS BALLES PERDUES »,
 À LA PINTANA (CHILI), LE 6 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

À El Castillo, les balas locas peuvent fuser à chaque instant. Fabian Gonzalez Araya désigne le tronc d’un arbre devant son épicerie, criblé d’impacts. Le quartier est survolé par des drones des narcos. Jusqu’à peu se tenaient presque chaque semaine des « funérailles narco », cérémonies exaltant la mémoire de personnes considérées comme des martyrs par les groupes criminels, pendant lesquelles coups de mitraillette en l’air et feux d’artifice étaient tirés.

La maire, démocrate-chrétienne qui croit en l’État-providence, a été une des premières, il y a plusieurs années déjà, à dénoncer la « narcoculture ». Elle est depuis sous protection policière. Dans son bureau, elle conserve le trou dans un store provoqué par une balle et des dizaines de douilles rapportées par les riverains. Mme Pizarro, qui associe la drogue à la pauvreté et à la promiscuité, applaudit les mesures récentes du gouvernement, interdisant les « funérailles narco », les feux d’artifice ou les « narcos mausolées » érigés çà et là. Mais elles sont arrivées trop tard, regrette-t-elle.

Quant à Mme Calfanti, qui vend ses sopaipillas sur le marché, elle ne sait pas, elle non plus, pour qui voter au second tour. Elle penche pour Mme Jara : « Kast, c’est un nazi, il veut supprimer les droits des femmes et il est contre les migrants alors que ce sont des gens qui s’échinent pour vivre. » Elle sait de quoi elle parle : son compagnon, Luis Avendaño, avec lequel elle prépare des hamburgers, est un Vénézuélien de 52 ans, arrivé clandestinement en 2020.

CARMEN CALFANTI ET LUIS AVENDAÑO, DANS LEUR STAND DU MARCHÉ DU
QUARTIER DE SANTO TOMAS, À LA PINTANA (CHILI), LE 6 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

La perspective que M. Kast arrive au pouvoir et, comme il l’a promis, expulse les 330 000 sans-papiers, fait horreur à Luis. « Je préfère encore me planter un couteau dans le cou plutôt que de retourner au Venezuela », dit-il. Les discours associant migrants et délinquance le consternent. « Je ne suis pas un voleur, pourquoi on nous met tous dans le même panier ? » S’il est sans papiers, c’est, explique-t-il, parce qu’il n’avait pas de quoi payer les milliers de dollars en pots-de-vin exigés au Venezuela pour obtenir un passeport. Sa compagne, Carmen, a voté pour M. Parisi alors que celui-ci tient peu ou prou le même discours antimigrants que M. Kast. « Mais il est plus modéré », veut-elle croire.

UNE FEMME SE TIENT DERRIÈRE LA PORTE GRILLAGÉE DE SON MAGASIN, OÙ ELLE
VEND DES PRODUITS ALIMENTAIRES, À LA PINTANA (CHILI), LE 5 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

« Sans les étrangers, c’est simple, nous n’aurions pas de médecins à La Pintana », tient à souligner Mme Pizarro. La totalité des médecins du centre des urgences sont étrangers (surtout vénézuéliens, équatoriens et cubains), les Chiliens préférant travailler dans le privé. « Je crains que nous soyons en présence d’un Kast très similaire à Trump qui, par décret, supprime des lois qui bénéficient aux femmes, aux travailleurs, dit-elle, expliquant son soutien à Mme Jara. En tant que maire, il me sera de plus en plus difficile de construire la ville que je voudrais construire. »

Angeline Montoya 

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   ALVARO HENRIQUEZ Y PETTINELLIS
Con un VOTE POR JARA y la presentación de Alvaro Hernirquez y PETTINELLI


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PRÉSIDENTIELLE AU CHILI : RÉHABILITER LA DICTATURE DE PINOCHET, LA STRATÉGIE CYNIQUE DE L’EXTRÊME DROITE POUR PRENDRE LE POUVOIR

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MARTA CISTERNA, DIRECTRICE DE LA MAISON DE LA MÉMOIRE JOSÉ DOMINGO CAÑAS
 ET DÉFENSEUSE DES DROITS DE L’HOMME ET DU DROIT À MANIFESTER,
DÉNONCE LA PERCÉEDE L’EXTRÊME DROITE CHILIENNE ET LE NÉGATIONNISME,
 QUI BANALISE LA DICTATURE DE PINOCHET, DONT ELLE FAIT PART.
 PHOTO PIA DE GOUVELLO
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L'Humanité

Reportage / Présidentielle au Chili : réhabiliter la dictature de Pinochet, la stratégie cynique de l’extrême droite pour prendre le pouvoir / Trente-cinq ans après le départ du dictateur, la campagne met en lumière la normalisation du régime militaire dans un contexte de remise en cause de la mémoire des violations des droits de l’homme. Martelant que le pays est en train de s’effondrer, l’extrême droite se hisse aux portes de la Moneda.

Pia de Gouvello 8 min Publié le 11 décembre 2025

« Ils ne peuvent pas nous oublier, même s’ils le souhaitent. » Les mots, prononcés par une voix anonyme préenregistrée, viennent rompre le silence d’un lieu où résonnaient autrefois les cris de douleur. En cette Journée internationale des droits de l’homme, une cinquantaine de personnes sont réunies dans la cour de la Maison de la mémoire José Domingo Cañas, dans un quartier résidentiel tranquille de Santiago du Chili, pour un concert hommage aux victimes de la dictature d’Augusto Pinochet.


ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU CHILI
Second tour le dimanche 14 décembre 2025

«¡Es oficial! Somos el número 2 en la papeleta2️⃣✌️»
FLYER JANNETTE JARA

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Les visages des 67 disparus dont la trace s’arrête ici – un centre de détention et de torture de 1974 à 1987 – guettent les visiteurs depuis les poteaux qui remplacent aujourd’hui les murs des cellules. Dans quelques jours, le second tour de la présidentielle opposera la candidate communiste Jeannette Jara à José Antonio Kast, fils de nazi et leader du Parti républicain, qui domine largement dans les sondages.

Hans Andia va aller jusqu'à Paris à vélo pour inciter ses
 compatriotes à voter lors du deuxième tour
de la présidentielle au Chili. •
© Hans Andia

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L’extrême droite s’en prend aux symboles de la résistance

Cinquante-deux ans après le coup d’État qui a mis fin à la présidence de Salvador Allende et inauguré dix-sept ans de dictature militaire, l’extrême droite pourrait bien récupérer les clés de la Moneda, par la voie démocratique cette fois.

Dans ce contexte, les lieux qui préservent la mémoire des crimes de la dictature voient se multiplier les actes de vandalisme et d’intimidation. L’ex-clinique Santa Lucía, autre lieu de torture de la police secrète, a suspendu ses activités à quelques jours du premier tour après trois attaques en moins de deux mois, dont une tentative d’incendie.

Il y a un an, les caméras de surveillance de la Maison de la mémoire José Domingo Cañas permettaient d’identifier les deux militants du Parti républicain qui avaient détruit et piétiné, en riant et en se filmant, des photos de victimes. La vidéo, qui a fait le tour des réseaux sociaux, n’a pas empêché l’un des auteurs d’être élu au conseil municipal de la commune.

Marta Cisterna, la directrice de la Maison José Domingo Cañas, balaie d’un air blasé l’espoir de recevoir un jour les excuses officielles et l’amende dérisoire de 100 000 pesos (environ 100 euros) ordonnée par la justice. Il y a d’autres problèmes plus urgents.

La droite chilienne banalise la dictature militaire

Elle revient de Valparaíso, où elle a dû, comme chaque année, négocier avec les parlementaires pour sauver le maigre budget de la Maison. Depuis 2023, le Congrès, dominé par la droite, tente systématiquement de supprimer les financements publics des lieux de mémoire. Si celui-ci a finalement validé – sous les cris des sénateurs de droite – un budget raboté pour la Maison pour 2026, la Fondation Salvador-Allende, elle, se retrouve sans ressources.

« Les lieux de mémoire sont un danger », explique Marta Cisterna. Parce qu’ils ont pour mission de générer une pensée critique sur le présent autant que sur le passé, ils gênent une droite qui cherche à imposer « l’idée que ce qu’ils ont fait n’était pas mal, et qu’ils le referont si nécessaire ».

Les sondages montrent depuis quelques années que ces efforts paient. En 2013, seuls 10 % des Chiliens soutenaient le coup d’État ; en 2023, ils étaient 36 %, et 46 % jugeaient qu’il y avait eu du bon et du mauvais dans le régime de Pinochet. En septembre, l’enquête 5C Chilenidad plaçait même Pinochet à la seconde place des personnalités les plus admirées, devant Salvador Allende.

La réhabilitation de la figure du dictateur et de son bilan (ou du « gouvernement militaire », dans le vocabulaire négationniste) doit beaucoup à l’échec des gouvernements de l’après à confronter la dictature et ses représentants. Le Chili a ceci d’unique qu’il s’est débarrassé de son dictateur par la voie démocratique, et que celui-ci a accepté de quitter le pouvoir sans faire de remous, mais au prix de concessions.

Le négationnisme de la dictature s’ancre dans la jeunesse

Marta Cisterna résume : « Nous avons des tortionnaires qui sont ensuite devenus maires ou députés. Le dictateur lui-même est devenu sénateur. Il n’y a pas eu de déclassification d’archives, on n’a pas éliminé des lois importantes que la dictature a installées pour garantir l’impunité. Il n’y a jamais eu de politiques publiques de mémoire. »

Résultat : la condamnation des crimes de la dictature n’a pas intégré le sens commun de la nation, comme le souligne le sociologue Alberto Mayol, alors que l’idée que l’ère Pinochet était une période d’ordre, de stabilité et de développement économique est parvenue à prendre racine dans une société de plus en plus accrochée aux valeurs néolibérales.

« Les nouvelles générations contribuent aussi à ce négationnisme parce que, au collège, on ne leur parle pas de la dictature », explique Paulina Acevedo. Coordinatrice des activités éducatives de la Maison, elle a vu passer des centaines d’adolescents. Beaucoup ne savent presque rien des violations des droits de l’homme sous Pinochet. À ce manque d’information s’ajoute la désinformation, qui circule abondamment sur les réseaux sociaux et crée chez certains jeunes une résistance initiale à l’histoire racontée ici.

Traduisant et accentuant ces changements, la campagne électorale a marqué le retour sur la scène politique de discours relativistes un temps relégués à la marge. Les trois principaux candidats de droite, qui ont récolté plus de 50 % des voix au premier tour et présentent un front uni pour le second, défendent tous l’héritage de Pinochet : l’un affirmant qu’il soutiendrait un nouveau coup d’État (Johannes Kaiser, Parti libertaire), les autres apparentant le Plan national de recherche des disparus à une vengeance (Evelyn Matthei, Chile Vamos) ou envisageant de gracier les condamnés pour crimes contre l’humanité (José Antonio Kast). Si ce dernier s’est efforcé de lisser son image en misant sur l’ambiguïté, sa trajectoire politique est claire : il est, selon ses propres dires, le candidat pour lequel Pinochet voterait s’il était encore en vie.

La sécurité, nouvel argument de l’extrême droite au Chili

Le négationnisme est entré dans la vie de Maria Eugenia Jorquera Encina le 5 août 1974, jour de l’arrestation de son frère Mauricio, alors âgé de 19 ans. Son visage fait partie de ceux qui peuplent la cour de la Maison José Domingo Cañas, où elle est venue assister au concert hommage.

Maria Eugenia se bat depuis cinquante ans pour faire la lumière sur le sort de Mauricio, et elle a vu évoluer les attitudes. « Il y a un ou deux ans, explique-t-elle, les gens comprenaient, mais maintenant avec Kast, on revient à l’avant, les gens pensent que ce sont des mensonges, que peut-être que les disparus sont simplement partis ailleurs. » Ou, comme fait remarquer Marta Cisterna, qu’ils l’avaient cherché. Un discours qui résonne particulièrement avec le sentiment d’insécurité qui s’est emparé de la société chilienne ces dernières années.

Sujet marginal lors de la précédente présidentielle, la sécurité est aujourd’hui la première préoccupation des Chiliens et le thème principal de la campagne. José Antonio Kast et la surmédiatisation des faits divers sont parvenus à cultiver la peur, et à imposer l’idée que le pays est en train de s’effondrer, justifiant la proposition du candidat de gouverner par état d’urgence. « La dictature a installé la catégorie suspecte d’ennemi de l’intérieur. Ça a ouvert la porte à ce que nos camarades soient enlevés, disparus. Maintenant, il y a d’autres ennemis de l’intérieur », analyse Marta Cisterna. En premier lieu le délinquant et l’immigré.

Devant la Maison José Domingo Cañas, Maria Eugenia s’assombrit lorsque est évoquée la possibilité d’une victoire de Kast ce dimanche. « Pour moi ce serait terrible. C’est une chose qui n’a pas de nom. Mais je l’ai déjà vécu. Ce sera la deuxième fois, et je suis mieux préparée maintenant », affirme-t-elle avec un air déterminé.

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   ALVARO HENRIQUEZ Y PETTINELLIS
Con un VOTE POR JARA y la presentación de Alvaro Hernirquez y PETTINELLI


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