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L’Église chilienne n’a pas fini de panser ses plaies, encore béantes. À peine le pape François avait-il annoncé, vendredi 27 décembre, les nominations du nouvel archevêque de Santiago et du nouvel archevêque de Puerto Montt qu’elles ont fait l’objet de critiques dans la presse chilienne, sur les réseaux sociaux et chez une partie des fidèles.
En cause : la proximité supposée de Mgr Celestino Aós Braco et surtout de Mgr Luis Fernando Ramos Pérez avec les évêques ayant participé à l’enfouissement de cas d’abus sexuels dans l’Église chilienne. Latente depuis plusieurs années, la crise de l’Église au Chili avait véritablement explosé en janvier 2018 à l’occasion d’un déplacement du pape François dans ce pays. Interrogé par la presse locale, le pape avait pris la défense d’un évêque chilien Mgr Juan Barros accusé d’avoir passé sous silence des abus sur mineurs dont il aurait été témoin. Les propos du pape avaient provoqué une vive réaction et il s’en était longuement excusé et expliqué quelques jours plus tard. Il avait ensuite commissionné Mgr Charles Scicluna pour mener une enquête sur les abus dans ce pays, dont l’ampleur avait conduit, en mai 2018, le pape à convoquer à Rome l’ensemble des évêques chiliens. Dans un geste inédit, tous avaient remis leur démission à François, qui en avait accepté sept, maintenant tacitement en poste les autres.
Le cardinal Ricardo Ezzati, archevêque de Santiago et très controversé sur sa gestion de la pédocriminalité, était au nombre de ces derniers. Le pape François avait toutefois fini par accepter sa démission en mars dernier, le prélat étant âgé de 77 ans. Jusque-là évêque de Copiapó, le capucin espagnol Celestino Aós Braco, 74 ans, avait alors été nommé administrateur apostolique du diocèse. Jusqu’à ce qu’il soit donc désigné, vendredi 27 décembre comme archevêque de plein exercice de la capitale chilienne.
Si l’âge de Mgr Aós Branco étonne les observateurs - né le 6 avril 1945, il devra théoriquement présenter sa démission dans moins de quatre mois pour raison d’âge - ce sont surtout les liens passés de Mgr Fernando Ramos Pérez, jusqu’ici évêque auxiliaire de Santiago, avec le cardinal Ezzati, qui provoquent une vive polémique.
« Une Église qui ne veut pas de réforme »
La communauté des laïcs d’Osorno, diocèse dont Mgr Barros fut l’évêque, a décoché les premières flèches contre Mgr Ramos Pérez, aussitôt déclaré « persona non grata ». « Il appartient à un cercle de pouvoir qui opère dans une Église qui ne veut pas de réforme », a déclaré son porte-parole Mario Vargas, estimant que le nouvel archevêque a protégé Mgr Barros, lui-même accusé d’avoir « couvert » Fernando Karadima dont la mise au jour des multiples abus a révélé la grave crise de l’Église chilienne.
« Ces personnages n’ont rien à voir avec l’Église de Jésus-Christ et le renouveau que la hiérarchie ecclésiastique chilienne devrait mener, sans taches et à la recherche d’une nouvelle renaissance », indique, par ailleurs, la communauté des laïcs d’Osorno, dans un communiqué.
Ces propos sont à l’unisson de nombreux commentaires qui affleurent dans la presse chilienne et sur les réseaux sociaux, reprochant aux deux nouveaux archevêques d’appartenir à l’ancien système. Là encore, les mots les plus durs sont adressés à Mgr Ramos Pérez, auquel est accolé le substantif de « complice ». Face à ces critiques, Mgr Ramos Pérez, s’est dit « attristé » et a réfuté toute volonté de camoufler des abus sexuels.
Ces nominations épiscopales sont seulement les deuxièmes au Chili depuis la renonciation simultanée de tous les évêques du pays. En juin dernier, le pape avait ainsi nommé deux évêques auxiliaires pour Santiago. Mais l’une de ces nominations avait tourné court, l’un des deux prêtres concernés ayant démissionné avant même d’avoir eu le temps de recevoir la consécration épiscopale. Cette décision avait été prise à la suite de la polémique suscitée par certaines de ses déclarations sur les abus et sur les femmes.