samedi, février 22, 2014

PIERRE DUBOIS, UN PRÊTRE FRANÇAIS AU CHILI. 50 ANS AU SERVICE DU MONDE OUVRIER

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Suite à l’encyclique Fidei donum (1957) de Pie XII et, plus spécifiquement, la lettre de Jean XXIII au Cardinal Liénart (1961), des centaines de prêtres français sont partis en Amérique Latine, pour consacrer leurs vies aux pauvres. Parmi eux, Pierre Dubois (1931-2012) qui deviendra aumônier de l’Action Catholique Ouvrière (MOAC) au Chili, et missionnaire dans différentes poblaciones (bidonvilles ou banlieues pauvres) près de Santiago. 
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MICHAËL LÖWY  
OCTOBRE 2010.
PHOTO GÉRALD 

BLONCOURT

par Michael Löwy 

Ce livre est composé des lettres à sa famille, bientôt transformées en « Circulaires aux amis », qui racontent de 1963 à sa mort, au jour le jour, ses 
LE PRÊTRE DUBOIS.  PHOTO INÉS PAULINO
activités religieuses et sociales. Il s’agit donc de documents « bruts », qui témoignent de l’évolution d’une religiosité européenne confrontée aux réalités d’un pays du Sud. Si, au début, sa principale préoccupation est « l’évangélisation du monde ouvrier », assez rapidement sa perspective va changer : comme le dit un document qu’il a signé avec des centaines d’autres prêtres français d’Amérique Latine (1966), « envoyés pour travailler à l’évangélisation, nous avons été évangélisés ». Un des changements les plus importants est enregistré dans une de ses circulaires (mars 1971) : chez les prêtres et encore plus chez les religieuses se développe la conviction qu’il faut revoir rapidement la manière d’agir – « il ne faut plus créer des organisations à part, entre catholiques, mais participer au maximum aux organisations de la communauté humaine en général».

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LE PRÊTRE PIERRE DUBOIS S'INTERPOSE ENTRE LES POLICIERS ANTI-ÉMEUTE ET DES MANIFESTANTS, POUR EMPÊCHER LES FORCES DE RÉPRESSION D’ENTRER DANS LE QUARTIER PAUVRE DE LA VICTORIA, QUI MANIFESTE SON OPPOSITION À LA DICTATURE D’AUGUSTO PINOCHET. CETTE IMAGE CAPTÉE LE 27 MARS 1984 AU CHILI A FAIT LE TOUR DU MONDE. PHOTO INÉS PAULINO  
Il est intéressant de constater que Dubois n’a pas été concerné par les évolutions plus radicales du catholicisme au Chili, notamment au début des années 1970 : ni les partis politiques chrétiens de gauche (MAPU, Izquierda Cristiana), ni le mouvement Cristianos por el Socialismo, ni la théologie de la libération ne sont mentionnés dans ses « Circulaires». Mais il va suivre son propre chemin de «radicalisation», notamment pendant les années 1980, quand la répression du régime dictatorial du général Pinochet s’acharne contre les habitants de la población La Victoria, dont il était devenu le curé, avec l’aide d’un autre prêtre français, André Jarlan. Les deux Fidei donum sont des partisans convaincus de la résistance antisystémique non violente ; selon une formule d’André Jarlan que son ami Dubois citait souvent, « On n’arrête pas le capitalisme par un fleuve de sang, mais en coupant le fleuve d’argent qui l’alimente ». La tentative des deux prêtres de protéger les habitants contre la répression conduira, en 1984, à l’assassinat, par les carabiniers, d’André Jarlan, et, en 1986, à l’expulsion de Pierre Dubois du Chili. Ces événements dramatiques auront un impact considérable en France, mais cet aspect est peu documenté dans le livre. À ce moment, Dubois donnera un interview au journal La vie mutualiste (décembre 1986), qui reprend, à sa manière, certains thèmes de la théologie de la libération : « Notre action a nécessairement des conséquences politiques. Mon but, c’est de rendre le peuple solidaire, qu’il ne soit pas à genoux en attendant l’aumône, mais debout et prenant la responsabilité de son destin ».

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LE PRÊTRE PIERRE DUBOIS. LE 27 MARS 1984 AU CHILI. PHOTO INÉS PAULINO  

Après la fin de la dictature, Pierre Dubois revient au Chili (1990) où il est reçu avec enthousiasme par ses paroissiens de La Victoria. Le Président (socialiste) Ricardo Lagos lui attribue la nationalité chilienne en 2001.

Le livre est enrichi par divers documents du Comité épiscopal France Amérique Latine (CEFAL) et par un intéressant album de photos, où l’on voit la foule devant la cathédrale au moment des obsèques d’André Jarlan, des policiers effaçant un mural populaire en hommage à André Jarlan à La Victoria, Pierre Dubois s’interposant entre les carabiniers et les manifestants (il sera tabassé et arrêté par la police), ainsi que... Jean Paul II reçu par le général Pinochet lors de sa visite au Chili (1987).




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