mardi, juin 30, 2020

LA PANDÉMIE RÉVÈLE LA SITUATION RÉELLE DU CHILI

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 LES EFFETS DE LA PANDÉMIE SONT BIEN VISIBLES
DANS LES RUES DE SANTIAGO DU CHILI.
PHOTO KEYSTONE / ALBERTO VALDES
La Covid-19 frappe durement l’Amérique du Sud. Le Chili a désormais dépassé l’Italie et l’Espagne en nombre d’infections. Le pays a franchi le seuil des 270'000 cas, ce qui remet en question sa capacité sanitaire. Deux Suissesses expatriées au Chili, racontent comment elles font face à la crise et parlent de leurs craintes, de leurs familles et de leurs espoirs en cette époque de coronavirus.
MISE À JOUR LE 30 06 2020
Les dernières données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquent que le Brésil, le Pérou, le Chili et le Mexique sont – dans l’ordre – les pays comptant le plus grand nombre d’infections confirmées. Dans le même temps, le CSSE de l’Université Johns Hopkins place le Chili devant l’Espagne et l’Italie. Cette crise sanitaire aggrave encore la crise sociale qui a explosé en octobre 2019 en raison des inégalités qui règnent dans le pays.
Les Suisses en Amérique du Sud
Les statistiques officielles suisses (2019) indiquent que 46'418 citoyens helvétiques sont enregistrés en Amérique du Sud. Parmi eux, 5490 vivent au Chili. Il s’agit de la troisième communauté suisse dans la région, après celles du Brésil et de l’Argentine. 

«Je ressemble à une nonne cloîtrée»


PHOTO FACEBOOK
Les témoignages de Brigitte Ackermann, 72 ans, et de Regula Ochsenbein, 71 ans, concordent sur plusieurs points. Peut-être est-ce dû à la sagesse de l’âge ou à leurs expériences d’expatriées: les deux femmes donnent une vision claire et précise de la situation dans leur pays d’accueil.

Originaire du canton du Jura, Brigitte Ackermann vit à Viña del Mar avec son mari chilien. Née à Lucerne et élevée entre Bâle et Berne, Regula Ochsenbein vit seule à Santiago du Chili, depuis que sa fille est partie au Canada l’an dernier.

Les deux expatriées respectent toutes les indications du gouvernement chilien. De plus, elles avouent écouter les recommandations venant de Suisse, ce qui les a aidées à être prêtes lorsque le virus a atterri au Chili. Bien que sa commune n’ait décrété le confinement qu’il y a une semaine, Brigitte Ackermann s’est mise volontairement en quarantaine en mars, parce qu’elle savait qu’elle devait être suffisamment en forme pour prendre soin de son mari de 90 ans.

Regula Ochsenbein a pris les mêmes précautions. «Je suis en quarantaine volontaire depuis la mi-mars, raconte-t-elle. J’avais alors assisté à la veillée mortuaire d’un prêtre-ouvrier et nous avons ensuite appris que plusieurs religieuses présentes avaient été infectées. Depuis lors, je n’ai jamais pris les transports publics et je ne sors de la maison que pour balayer le passage ou acheter du pain au coin de la rue. Je ressemble à une nonne cloîtrée! Dans ma commune (Gran Santiago), la quarantaine obligatoire dure environ 7 semaines.»

La Suisse, la famille et les craintes


PHOTO FACEBOOK
Le fait d’être loin de sa famille et de ses amis lorsqu’on vit dans des situations extrêmes peut réveiller des craintes et des inquiétudes qui ne sont pas perçues dans des conditions «normales». Un autre point commun de ces deux femmes est leur courage.

«J’ai ma famille en Suisse: mes deux enfants et mes deux petits-enfants sont répartis entre Lausanne et Neuchâtel», raconte Brigitte Ackermann, qui assure qu’à aucun moment elle n’a pensé à rentrer dans son pays lorsque la crise a éclaté, non seulement parce que la pandémie n’y est pas encore terminée, mais aussi parce qu’elle vit au Chili avec son mari depuis une décennie.

«Je n’ai pas eu peur pour les miens, car ils prenaient soin d’eux et parce que la Suisse avait des mesures strictes qui étaient bien respectées. Ma fille avait plus peur pour nous. Je ne suis pas peureuse de nature. Je suis positive et confiante dans la vie. Je crois en mon intuition», confie Brigitte Ackermann, qui est par ailleurs la représentante du Chili au Conseil des Suisses de l’étranger.

Regula Ochsenbein, qui a travaillé à l’ambassade de Suisse au Chili pendant de nombreuses années, a également laissé de la famille dans son pays d’origine. Sa sœur cadette, ses petites-nièces et petits-neveux, ainsi que de nombreux amis de l’école et de l’université. Pourtant, il ne lui est jamais venu à l’idée de revenir en raison de la pandémie.

«Je n’ai pas peur de ne plus les revoir, car les Suisses sont plus disciplinés pour respecter les restrictions imposées par les autorités, et le système de santé est excellent. Ici, j’ai une maison avec six chiens, et 40 ans de ma vie au Chili avec des amis chiliens. Je me sens en sécurité, parce que je ne sors pas. Je parle de porte à porte avec mes voisins et par WhatsApp avec mes amis. J’achète ce dont j’ai besoin en ligne et je n’ai jamais été paranoïaque. Je me lave toujours les mains et je mange bien pour maintenir mes défenses élevées, car personne n’est immunisé», déclare-t-elle.

«Ils ont oublié d’aider les pauvres»


 « SOUPES POPUBER »
DESSIN LAUZAN
Lorsque la pandémie est arrivée au Chili, le 3 mars, les blessures de l’explosion sociale déclenchée en octobre 2019 à cause des inégalités et la pauvreté croissantes n’étaient pas encore cicatrisées. Cela a encore mis en lumière la vulnérabilité du gouvernement.

«Je ne peux pas nier que j’ai ressenti de la peur et que je souffre parfois d’insomnie, confie, angoissée, Regula Ochsenbein. Pas tant pour moi que pour ceux qui ne peuvent pas prendre les mêmes précautions, qui doivent choisir entre aller travailler au risque d’être infecté ou s’enfermer dans des logements sociaux surpeuplés ou des constructions précaires et mourir de faim.»

Brigitte Ackermann partage cette inquiétude. Elle juge la situation «catastrophique», surtout à Santiago. «La pandémie montre la situation réelle du pays, dit-elle. Il est très difficile de mettre en œuvre les mesures sanitaires que le gouvernement a édictées sans aider les pauvres. La situation économique de nombreuses personnes ne leur permet pas de s’y conformer sans être accompagnées.»

Les deux expatriées estiment que le gouvernement a réagi tardivement et que la situation économique de nombreuses personnes ne permet pas de mettre en œuvre ces mesures sans une aide suffisante de l’État.  Les politiques de santé ne peuvent pas réussir si elles ne vont pas de pair avec une politique sociale et économique. Ceux qui sont descendus dans la rue pour protester, puisqu’ils n’avaient rien à perdre sauf leur vie, sont les mêmes qui organisent les soupes populaires dans les quartiers périphériques des grandes villes, explique Regula Ochsenbein.

«Au niveau de la santé, la collaboration entre le secteur public et le secteur privé ne fonctionne pas bien, alors que ce serait nécessaire dans des moments aussi difficiles que ceux que nous vivons», s’inquiète Brigitte Ackermann.

Sans perdre espoir, les Suissesses pensent qu’après cette crise mondiale sans précédent qu’est la pandémie de Covid-19, rien ne changera véritablement...


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samedi, juin 27, 2020

CHILI: SÉRIE D'ACTIONS VIOLENTES DANS LA RÉGION DES INDIENS MAPUCHE

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LA NOUVELLE « PACIFICATION DE L’ARAUCANIE »
Une douzaine d'actions violentes ont été enregistrés au cours des dernières semaines dans la région de l'Araucanie, dans le sud du Chili, en proie à des tensions avec la communauté amérindienne mapuche, poussant les autorités à renforcer la présence militaire et policière. «Au cours des quinze derniers jours, treize incendies criminels ont été enregistrés dans la région de l'Araucanie», a indiqué vendredi le gouverneur de la province de Malleco, Juan Carlos Beltran.

CHANGEMENT DE FRONTIÈRES AU CHILI LORS 
DE L'OCCUPATION DE L'ARAUCANIE - 1870 
PHOTO WIKIPÉDIA
Le dernier en date a eu lieu jeudi dans la commune de Ercilla, à 600 km au sud de Santiago, lorsqu'un groupe de personnes encagoulées a mis le feu à un autocar qui transportait une vingtaine de personnes. Les passagers ont été forcés de descendre et il n'y a eu aucun blessé, a précisé le gouverneur. Ailleurs, deux camions ont été incendiés et un chauffeur blessé, des antennes de communication ont été dégradées et la route qui relie cette zone au reste du pays a été bloquée avec des troncs d'arbre.

Des banderoles ont parfois été retrouvées sur les lieux, reprenant des revendications du peuple mapuche - le plus important groupe amérindien chilien - qui réclame la restitution de terres qu'ils considèrent comme leur appartenant de droit ancestral et que l'État chilien a cédées à des entreprises privées. Après l'arrivée des Espagnols au Chili en 1541 et à la suite de conflits avec les gouvernements successifs, le territoire des Mapuche s'est considérablement réduit. Aujourd'hui, ils ne possèdent plus que 5% de leurs anciennes terres.

Pour se faire entendre, les plus radicaux ont recours, depuis plus d'une décennie, à des actions violentes, en majorité des incendies volontaires. Face à cette nouvelle vague, le gouvernement a annoncé le déploiement de militaires et de policiers supplémentaires, jusque-là surtout mobilisés pour faire face à l'urgence sanitaire liée à la pandémie de coronavirus. Le Chili, pays de 18 millions d'habitants, est un des plus touchés d'Amérique latine par la pandémie, avec plus de 263.000 cas déclarés et plus de 5000 décès liés à la maladie. Environ 2.000 autres décès sont considérés comme suspects.

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MISE À JOUR LE 28 06 2020

jeudi, juin 25, 2020

AU CHILI, LE GOUVERNEMENT PIÑERA SOUS LE FEU DES CRITIQUES POUR SA GESTION DE LA CRISE SANITAIRE

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«...ET QUE DIEU BÉNISSE LE CHILI »
DESSIN LAUZAN 
Le nombre de cas explose dans le pays, qui vient d’entrer dans l’hiver austral. La communauté scientifique appelle le président à changer radicalement de stratégie de lutte contre le Covid-19. 
AU CHILI, LE GOUVERNEMENT PIÑERA SOUS LE FEU DES
CRITIQUES POUR SA GESTION DE LA CRISE SANITAIRE
PHOTO EL PAIS
Une vingtaine de personnes se recueillent, de noir vêtues et de blanc masquées, autour d’un cercueil. Parmi elles se trouve le président chilien, Sebastián Piñera, neveu du défunt. Tandis qu’on tient, durant quelques secondes, le couvercle ouvert, il s’approche pour observer le corps de son oncle, uniquement protégé par une vitre. Bernardino Piñera, ancien archevêque soupçonné par le Vatican d’agression sexuelle sur mineur, est décédé dimanche 21 juin à l’âge de 104 ans d’une pneumonie liée au Covid-19.

Trois prêtres, deux photographes et pas moins de six musiciens ont accompagné cette cérémonie funéraire, portant le nombre de personnes présentes à 31, bien au-delà de la limite de vingt personnes autorisées pour les enterrements en temps de Covid-19. « Non, eux [les prêtres, musiciens et photographes] ne comptent pas », a répondu Herman Chadwick Piñera, cousin du président, au quotidien La Tercera qui l’interrogeait ait sur la question. « Ils se moquent de nous ! » se sont indignés, en réaction, de nombreux internautes sur Twitter.

L’image de ces « funérailles VIP », comme les a qualifiées le journal en ligne El Mostrador, s’inscrit dans la lignée d’une longue série de polémiques affectant le gouvernement, qui s’est récemment séparé de son controversé ministre de la santé. « Les polémiques s’accumulent et renforcent l’idée que le président et le gouvernement sont au-dessus des lois qui concernent le reste des citoyens, souligne Julieta Suárez-Cao, professeure de sciences politiques à l’Université pontificale catholique du Chili située à Santiago. Cela génère un malaise au sein de la société, dans un contexte de forte défiance envers les institutions. »

« Des milliers de morts peuvent encore être évitées »


Après avoir misé sur une stratégie de confinement dynamique, par communes, le gouvernement a dû revoir sa copie et confiner le Grand Santiago (7,5 millions d’habitants) mi-mai, devant l’accélération de l’épidémie. Au 25 juin, le Chili comptabilisait 259 064 cas positifs pour 18 millions d’habitants – un taux de contagion parmi les plus élevés au monde – et 4 903 morts selon le gouvernement, qui a toutefois reconnu le 20 juin comptabiliser plus de 7 100 décès selon la méthodologie recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (qui recense, en plus des cas de Covid-19 confirmés, des décès suspects pour lesquels un test PCR n’a pas été effectué).

« Dans les trois prochains mois, nous pourrions avoir à déplorer 7 000 morts supplémentaires, s’alarment des représentants de la communauté scientifique dans une lettre ouverte envoyée lundi 22 juin au président de droite. Le Chili est en deuil, mais il y a des milliers de morts qui peuvent encore être évitées si le gouvernement prend des mesures permettant de limiter drastiquement le travail présentiel. »

lundi, juin 22, 2020

MORT DE MGR BERNARDINO PIÑERA CARVALLO, PLUS VIEIL ÉVÊQUE DU MONDE

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PHOTO CRISTOBAL ESCOBAR / AGENCIAUNO
Les faits : Dernier évêque vivant nommé par Pie XII, doyen de l’épiscopat mondial, Mgr  Bernardino Piñera Carvallo, décédé dimanche 21 juin 2020 à 104 ans, n’avait pas été épargné par le scandale des abus sexuels qui a secoué l’Église chilienne.  
Par Nicolas Senèze
«...ET QUE DIEU BÉNISSE LE CHILI »
DESSIN LAUZAN 
Né en 1915 à Paris dans une grande famille de la bourgeoisie de Santiago (il était l’oncle de l’actuel président chilien Sebastián Piñera), Bernardino Piñera fit des études de médecine avant d’entrer au séminaire. Nommé évêque auxiliaire de Talca en 1958 par Pie XII, il devient évêque de Temuco en 1961 jusqu’en 1977 où il démissionne pour se consacrer à sa charge de secrétaire général de la Conférence épiscopale du Chili qu’il présidera ensuite de 1984 à 1987 et organisant à ce titre la visite de Jean-Paul II dans le pays en 1987.

Accusé dans les scandales d’abus sexuels au Chili


BERNARDINO PIÑERA, ONCLE DE L'ACTUEL
PRÉSIDENT SEBASTIAN PIÑERA
PHOTO AGENCIA UNO


En 1983, le pape polonais l’avait nommé archevêque de La Serena, fonction qu’il avait conservée jusqu’en 1990. Les scandales d’abus sexuels touchant l’épiscopat chilien n’avaient pas épargné cette figure importante de l’Église du Chili. En 2018, le dénonciateur de Francisco José Cox, son successeur à La Serena, l’a ainsi accusé d’avoir couvert et protégé pendant 34 ans celui que le pape François avait, en raison de ses crimes, renvoyé de l’état clérical en 2018.

L’an dernier, le Saint-Siège avait par ailleurs annoncé l’ouverture d’une enquête à son encontre après une plainte d’abus sexuel sur mineur remontant à plus de 50 ans. Mgr Piñera avait été hospitalisé le 30 mai dernier pour une infection pulmonaire. Le Covid-19 avait alors été diagnostiqué.

Le plus vieil évêque du monde est désormais espagnol


Après la mort de Mgr Piñera, il ne reste plus que deux évêques vivants à avoir participé aux quatre sessions du concile Vatican II : Mgr Eloy Tato Losada, ancien évêque de Magangué (Colombie), et Mgr Remi De Roo, ancien évêque de Victoria (Canada), tous deux âgés de 96 ans. Le plus vieil évêque catholique du monde est désormais Mgr Damián Iguacén Borau, ancien évêque de Tenerife, aux Canaries (Espagne), âgé de 104 ans.

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MISE À JOUR LE 25 06 2020
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SEVERIANO DE HEREDIA : PREMIER MAIRE NOIR DE PARIS

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SEVERIANO DE HEREDIA
Premier maire noir de Paris (et, à ce jour, le seul), Severiano de Heredia est né à Cuba avant de connaître un destin exceptionnel... mais ignoré. 
Descendant d’esclaves né à Cuba, Severiano de Heredia a connu un destin en tout point exceptionnel. Sa vie fut romanesque, épique, prestigieuse et pleine de succès. Pourtant, aussitôt enterré, cet homme noir a été rangé dans les oubliettes de l’Histoire. La preuve : plus personne ou presque ne se souvient que Severiano de Heredia a été ministre de notre République et, même, maire de notre capitale, Paris. Retour sur la vie d’un homme qui a servi la France… mais que notre patrie a préféré renier en raison de la couleur de sa peau.
SEVERIANO DE HEREDIA
DESSIN DE GILL
En 2011, un historien du nom de Paul Estrade, a publié un livre entièrement consacré à cet homme. Son titre : Severiano de Heredia. Ce mulâtre cubain que Paris fit « maire », et la République, ministre. Bizarrement (ou pas) cet ouvrage est passé inaperçu. Dommage, car il expliquait justement pourquoi la France avait préféré tirer un trait sur le souvenir de l’un de ses serviteurs. Extrait :
« Pas de portrait de lui, même pas à l’Hôtel de Ville de Paris qui collectionne, pourtant, portraits et statues de ses anciens maires ; pas de trace de son existence dans la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, ni dans les ouvrages qui évoquent « ces Noirs qui ont fait la France », etc. Severiano de Heredia a été une victime – je ne sais si centrale ou collatérale – de la politique coloniale de la France en Afrique, et de la persistance d’un état d’esprit colonialiste chez nous, même après l’étape dite de la « décolonisation » ».
Heureusement, un premier pas a récemment été fait vers plus de reconnaissance. Le 5 octobre 2015, Anne Hidalgo, successeur de Severiano de Heredia au poste de maire de Paris (à l’époque, on disait président du conseil de Paris) a enfin baptisé une rue du nom de cet afro-cubain naturalisé français en 1870.

Présent pour cette inauguration, Paul Estrade en a profité pour redire l’injustice que la France a fait subir à l’homme honoré ce jour-là :
« Severiano de Heredia a été oublié parce que Noir. Sa tombe refermée, l’ex-ministre est aussitôt mis sous le boisseau dans la patrie qu’il avait choisie et servie de façon admirable. Lui, l’étranger né aux colonies, lui, l’étranger descendant d’esclave. La subite dégradation de son image, puis sa disparition totale, ont été la conséquence inéluctable des méfaits du racisme et du colonialisme. La République a été son tremplin, le colonialisme son tombeau. La ville de Paris s’honore de se reconnaître en lui. »

Anne Hidalgo n’a pas dit autre chose, expliquant simplement les raisons de son geste :
« Nous sommes là pour sortir de cet oubli coupable.»
« Cette inauguration est particulièrement adaptée à un moment où notre débat public est occupé par des polémiques qui me semblent indignes de notre modèle de République, à un moment où certains continuent à utiliser le mot race comme une sorte de repoussoir ou comme une manière de trier les gens.»
Pour en savoir plus sur cet homme volontairement oublié, voici sa vie résumée en quelques dates clefs :
8 novembre 1836 : Naît à Cuba de parents noirs mais libres.
1846 : Envoyé par son parrain, il arrive en France.
1855 : Il reçoit le grand prix d’honneur du lycée Louis-le-Grand à Paris.
28 septembre 1870 : Il obtient sa naturalisation par décret.
1873 : Entre au conseil municipal de Paris pour le quartier des Ternes (17è arrondissement).
1879 : Devient président du conseil de Paris à 42 ans (équivalent du maire aujourd’hui).
1881 : Entre à la chambre des députés.
30 mai 1887 : Devient ministre des travaux publics (ministère au sein duquel il lutta pour réduire la journée de travail en usine à 10 heures pour les enfants de moins de douze ans).
12 février 1901 : Meurt à son domicile rue de Courcelles après avoir consacré les dernières années de sa vie à la littérature.

dimanche, juin 21, 2020

UN SOUTIEN MASSIF À LAS TESIS

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PHOTO ATON
Les féministes qui ont créé la performance « Un violeur sur ton chemin», connues sous le nom de groupe Las Tesis, ont été dénoncées par les Carabiniers du Chili pour avoir « tenté de créer une animosité intentionnelle envers cette institution, en mettant en évidence et en accusant directement, d’une part, des comportements répressifs contre l’intégrité physique du public, en termes de victimes présumées de l’action policière, et d’autre part, à la fin du message vidéo, en appelant à une intimidation claire envers les membres de cette institution ». Ceci après que le groupe ait créé et fait circuler pendant tout le mois de mai, une vidéo où elles manifestent pacifiquement devant un poste de police, vêtues de combinaisons rouges, de masques et d’un drapeau chilien noir. Pressenza
« #NousSommesToutesLasTesis »
Au milieu du confinement dû à la pandémie, qui fait des ravages dans le pays non seulement en termes de nombre d’infections, de maladies et de décès, mais aussi en termes de chômage et de pauvreté, avec les caractéristiques de la crise économique la plus intense depuis de nombreuses décennies, l’institution des carabiniers n’a pas eu de meilleure idée que de déposer une plainte auprès du ministère public pour « incitation à des actions violentes contre l’institution ». Ils considèrent aujourd’hui que Las Tesis sont en partie responsables de certains des « actes de violence » enregistrés dans le pays lors des manifestations de réveil social vécues en octobre, novembre et décembre 2019. Bien que l’action en justice soit dirigée « contre tous les responsables », les prénoms et noms de famille des quatre membres du groupe ont été mentionnés.

Face à cela, les expressions de soutien du monde entier, principalement par le biais des réseaux sociaux, n’ont pas tardé à affluer.

« Non à la persécution artistique » souligne la photo publiée par Adtreshile et partagée par Delight Lab, une organisation qui a également été victime de la censure et de la persécution de leurs interventions artistiques lumineuses, avec lesquelles ils projettent sur des bâtiments des phrases reflétant le mécontentement social.

« Le Réseau des actrices chiliennes RACH : nous exprimons publiquement notre soutien au collectif @lastesis face à la dénonciation faite par les carabiniers à leur encontre. Nous trouvons absurde et inadmissible que l’institution qui exerce directement la violence contre les gens dans les rues depuis le 18 octobre, battant, tirant, gazant, torturant et exerçant des violences sexuelles contre les femmes et les enfants, ait le culot de porter plainte pour incitation à la violence contre un collectif artistique féministe », a déclaré RACH.

« Il est inacceptable que les Carabiniers du Chili s’inquiètent de persécuter un collectif artistique comme Las Tesis avant de garantir le respect de la quarantaine et la sécurité dans les quartiers », a déclaré le maire du quartier Recoleta, Daniel Jadue.

« Le monde est sens dessus dessous : les carabiniers, qui violaient systématiquement les droits de l’homme, tiraient dans les yeux des gens, torturaient, abusaient, violaient, tuaient, ne trouvent rien de mieux que d’accuser #LasTesis d’incitation à la violence. @GeneralRozas comprenez, les violents, c’est vous ! », déclare le député humaniste Tomás Hirsch sur Twitter.

« Le gouvernement se joint à la persécution contre Las Tesis. Que se passe-t-il ? Veulent-ils se venger des féministes qui ont dénoncé avec un impact mondial leur administration autoritaire ? Et la ministre des Affaires féminines ? Va-t-elle faire quelque chose ? Tout notre soutien contre cette action pathétique », déclare le député Gael Yeomans.

#TodasSomosLasTesis 


[#NousSommesToutesLasTesis] est devenu le hashtag le plus utilisé et les messages de différentes parties du monde continuent d’arriver. « Alors qu’en Argentine #LasTesis sont invitées en tant qu’artistes internationales à donner des conférences sur l’art et l’activisme, au Chili @Carabdechile menace et criminalise leur travail malgré le fait que leur vérité se fait l’interprète de milliers de femmes », a déclaré l’éditrice de Revista Rosa, Carolina Olmedo.
Traduction de l’espagnol, Claudie Baudoin
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DAFNE VALDES, SIBILA SOTOMAYOR, LEA CACERES ET PAULA COMETA
DU COLLEFTIF LAS TESIS, À VALPARAISO LE 11 DÉCEMBRE 2019.
PHOTO / REUTERS / RODRIGO GARRIDO
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vendredi, juin 19, 2020

TRANSPORTS.À VALPARAÍSO, AU CHILI, LES FUNICULAIRES SONT À L’ARRÊT

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L'ASCENSEUR CORDILLÈRE, 
 PHOTO DEDVI MISSENE
Plusieurs des célèbres funiculaires de Valparaíso ont été fermés au public afin d’éviter les allées et venues des riverains, alors que la ville est confinée. Il reste les escaliers pour rejoindre la ville basse, moyennant un parcours éreintant.
L'ASCENSEUR BARON EST ÉGALEMENT ARRÊTÉ
PHOTO DEDVI MISSENE
cent soixante-quatre marches à monter et descendre à 84 ans, c’est un défi dont se serait bien passée Delia Castro, qui vit dans les hauteurs de Valparaíso, ville portuaire du Chili, sur la côte Pacifique, rapporte La Tercera. De fait, le funiculaire San Agustín, qui la hisse habituellement sans problème à proximité de sa maison, est à l’arrêt depuis le 23 mars pour limiter les déplacements de la population, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Mais Delia, qui est pourtant tombée dans cet escalier au début de mai et a dû être hospitalisée, prend les choses avec humour : “Si n’était cet œil qui me fait mal, je serais prête à aller faire la fête”, confie-t-elle au journal.

Un confinement forcé sans funiculaires


Depuis la pandémie, qui harcèle toujours le Chili, la fermeture de la moitié des seize ascensores (“funiculaires”) de Valparaíso répond, selon un fonctionnaire local interrogé par le quotidien, “à la nécessité de créer les conditions pour que les populations restent à la maison et sortent le moins possible”. Le fonctionnaire ajoute que des services d’approvisionnement de proximité ont été mis en place.

Le cerro Cordillera, colline où se situe le funiculaire San Agustín, est l’un des secteurs où les habitants sont le plus touchés par le Covid-19 dans la zone métropolitaine de Valparaíso. Le 10 juin, le gouvernement a imposé un confinement strict aux 1,8 million d’habitants de la région de Valparaíso.

“Monuments nationaux”


Dans cette ville carte postale du Chili, les habitations perchées sur des promontoires rocheux et les collines (cerros) avec vue imprenable sur la mer ont inspiré des photographes du monde entier. Valparaíso est célèbre pour ses funiculaires qui relient la ville basse à ces sommets, “déclarés monuments nationaux et reconnus par l’Unesco”, précise La Tercera.

La crise sociale de l’automne 2019, qui a fait fléchir le pouvoir, a eu du bon : les habitants ont obtenu une baisse du prix du ticket et l’exonération pour les personnes âgées et les écoliers, rappelle le journal. Mais, à l’heure actuelle, la carte postale a un goût amer pour les habitants qui se lancent à l’assaut d’escaliers sans fin.
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ILLUSTRATION 
PABLO DELCAN
« Grâce aux données collectées par les chercheurs de l'université américaine Johns-Hopkins, (JHU) qui recensent les cas et les décès confirmés, il est possible de suivre jour après jour l’évolution de l’épidémie au Chili. »
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FENÊTRE SUR COUR

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« JE NE PEUX PLUS RESPIRER   »




jeudi, juin 18, 2020

CHILI: JUSQU’À CINQ ANS DE PRISON POUR NON-RESPECT DU CONFINEMENT

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CHILI: LE NON-RESPECT DU CONFINEMENT PASSIBLE DE CINQ DE PRISON
« LE TOUT-RÉPRESSIF » : UN INSTRUMENT DE CONTRÔLE SOCIAL
PHOTO REUTERS


Le Chili a porté jeudi à cinq ans de prison la peine maximale imposée pour non-respect du confinement, durcissant la législation pour réussir à enfin maintenir la population à son domicile. 
« LE TOUT-RÉPRESSIF » : UN INSTRUMENT DE CONTRÔLE SOCIAL
LE CHILI ÉTABLIT ÉGALEMENT UN COUVRE-FEU DE NUIT. 
LA PANDÉMIE FRAPPE DUREMENT LE PAYS TRANSANDIN.
PHOTO AFP
Le Journal de Montréal 
Le pays a atteint, jeudi, 225 103 cas de coronavirus, pour 3841 morts, et selon ses spécialistes de santé publique, il est crucial qu’il limite encore davantage les contacts entre personnes.

Dans la région de la capitale Santiago, qui regroupe 7 des 18 millions d’habitants du pays, les déplacements ont ainsi diminué de quelque 30% seulement par rapport à la période avant la pandémie. Or, les épidémiologistes estiment qu’il faudrait atteindre une chute d’au moins 50% pour que le rythme des contaminations ralentisse.

Une loi adoptée en un temps record par le Congrès punit le non-respect du confinement de trois ans d’emprisonnement, et de cinq ans d’emprisonnement si la personne est consciente d’être dans une phase contagieuse.

«Meilleur sera le respect du confinement, plus courte sera la durée nécessaire des mesures, et moins grandes seront les restrictions des libertés», a affirmé le président Sebastian Pinera au moment de la promulguer.

Le confinement au Chili limite les déplacements aux courses dans des commerces autorisés (supermarchés et commerces alimentaires, santé, banques, postes et points de retrait de colis, bricolage) et vers les lieux de travail, avec permis obligatoire.

L’armée est chargée des contrôles dans l’espace public et selon ses données, elle ne constate d’infractions que dans 0,5% des cas. Mais obtenir un permis d’un employeur ne présente pas de difficulté.