lundi, novembre 29, 2021

CHILI. LES FÉMINISTES, UNE DIGUE CONTRE L’EXTRÊME DROITE

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PHOTO PABLO VERA / AFP 

Contre le programme de régression patriarcale du candidat pinochétiste Jose Antonio Kast, les mouvements féministes ont décrété l’état d’alerte.

Santiago du Chili, envoyée spéciale.

par Rosa Moussaoui

PHOTO REVUE BALLAST

Dans la stupeur des lendemains d’élections, elles furent les premières à sonner le tocsin. Aussitôt connus les résultats du premier tour de l’élection présidentielle, les féministes chiliennes ont décrété « l’état d’alerte », appelant à tout faire pour mettre en échec au second tour, le 19 décembre, le candidat d’extrême droite, Jose Antonio Kast, arrivé en tête avec 27,9 % des voix, devant le candidat de la coalition de gauche Apruebo Dignidad, Gabriel Boric (25,7 %).

Lire aussi : Présidentielle au Chili : José Antonio Kast, ou la résistible ascension d'un nostalgique de Pinochet

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VOTE BORIC PRESIDENTE

Il faut dire que le chef du Front social-chrétien est un ennemi juré des droits des femmes : résolument opposé à l’avortement libre, il entend réserver les aides sociales aux femmes mariées et promet de supprimer le ministère de la Femme et de l’Égalité des genres. Voilà pour la façade policée. En seconde ligne, ses lieutenants n’hésitent pas à fouler des terres plus fangeuses. Comme le député Johannes Kaiser, élu avec le parrainage de Kast, qui affirmait il y a quelques jours dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux que « 62 % des femmes ont le fantasme de se faire violer » et que « les hommes qui violent des femmes laides méritent une médaille ». « Vous avez une sorte de schizophrénie. Les femmes cessent d’aller au parc pour faire du jogging parce qu’elles ont peur des immigrés qui peuvent les violer, mais elles continuent de voter pour les partis qui font venir ces personnes », ajoutait-il, en se demandant « si le droit de vote des femmes est une bonne idée ».

«  Les discours de haine contre les femmes et la naturalisation de la culture du viol sont un élément fondamental de la structure de la violence sexiste que nous devons éradiquer de tous les espaces.» KAROL CARIOLA, DÉPUTÉE COMMUNISTE

Devant l’indignation suscitée par ces déclarations abominables, l’intéressé a fini par s’excuser et son mentor, par le dédire. Signe que les discours de haine des femmes ne passent plus dans un pays où le mouvement féministe a su conquérir, ces dernières années, une certaine hégémonie, et une place centrale dans le mouvement populaire qui a ébranlé, en octobre 2019, un monde politique confit dans ses conservatismes et sa culture néolibérale.

« À partir d’aujourd’hui les féministes et les autres forces démocratiques ont une grande tâche : arrêter l’extrême droite avec son projet de misère et de barbarie.»   BARBARA SEPULVEDA, MEMBRE, DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE

«  Les discours de haine contre les femmes et la naturalisation de la culture du viol sont un élément fondamental de la structure de la violence sexiste que nous devons éradiquer de tous les espaces », prévient la députée communiste Karol Cariola, la mieux élue du pays, à l’origine d’une proposition de « loi Kaiser » visant à incorporer dans le Code pénal le délit d’« apologie du viol », avec des peines allant de l’amende à la révocation des mandats électifs pour toute personne qui encourage, promeut ou incite à la violence sexuelle. Dans l’enceinte de la Convention constitutionnelle, Barbara Sepulveda applaudit cette démarche et appelle à agir sur tous les fronts : « À partir d’aujourd’hui les féministes et les autres forces démocratiques ont une grande tâche : arrêter l’extrême droite avec son projet de misère et de barbarie. »

Lire aussi : Élection présidentielle au Chili : « L’extrême droite tire bénéfice de ses discours de peur »

« Nos vies sont en jeu ! » : dans les institutions comme dans la rue, tel est le mot d’ordre lancé par les mouvements qui appelaient dès le 24 novembre, dans leur diversité, à une assemblée féministe antifasciste à l’université de Santiago du Chili, pour déterminer la marche à suivre dans la bataille électorale et « vaincre le candidat des riches, des propriétaires du Chili, de l’impunité négationniste ». « Nous n’allons pas lâcher prise ou laisser la peur nous paralyser. Nous appelons à la tenue de telles assemblées sur tout le territoire parce que nous sommes très préoccupées par l’avancée de la haine, d’une idéologie qui sème la mort, la pauvreté, la précarisation de la vie et qui cherche à criminaliser les plus défavorisés et ceux qui luttent au jour le jour pour survivre », résume Pamela Valenzuela, porte-parole de la Coordination féministe 8M.

Les mailles d’un solide réseau militant

Membre du même collectif militant, Daniela Osorio appelle à « marquer les positions » : « Nous devons endiguer cette montée du fascisme et pour cela toutes les stratégies, toutes les tactiques sont valides et l’une des dimensions, c’est la lutte sur le terrain électoral. Il est nécessaire pour nous de lancer un appel clair à voter pour Gabriel Boric. Le fascisme, c’est la régression, le recul de nos droits, c’est une politique de mort, d’exclusion, une politique raciste et misogyne. »

Au fil de luttes inventives pour l’égalité, pour le droit à l’IVG, contre les discriminations fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle, les féministes ont imprimé au mouvement social une sensibilité, une esthétique, une culture unitaire aujourd’hui précieuses dans la mobilisation contre une extrême droite qui table sur le rappel à l’ordre et les réflexes archaïques pour refermer la séquence politique ouverte par la révolte populaire de 2019. Cette révolution féministe a tissé les mailles d’un solide réseau militant, ancré dans les quartiers populaires, dans les branches professionnelles, dans le monde de la culture.

Le 8 mars 2020, une vague violette avait ainsi submergé Santiago du Chili : deux millions de personnes mobilisées dans une marche historique remontant, depuis l’emblématique place de la Dignité, l’Alameda, la principale artère de la capitale. Là, le Centre culturel Gabriela-Mistral (GAM), que Pinochet avait fait fermer après le bombardement de la Moneda pour en faire son centre d’opérations, expose les archives de la photojournaliste Kena Lorenzini, qui a photographié, tout au long des années 1980, les luttes des femmes résistant à la dictature

L’exposition éclaire le combat de milliers de femmes qui, pour survivre à la violence, sont descendues dans la rue, ont occupé l’espace public, se sont rebellées contre les politiques et les injonctions qui les confinaient dans l’espace domestique. « La seule unité possible au second tour est celle à laquelle nous, les femmes, nous appellerons, comme nous l’avons fait sous la dictature, assure Kena Lorenzini. Nous devons défendre, d’urgence, tout ce que nous avons conquis jusqu’ici. » L’auteure a longtemps conservé ses négatifs dans des enveloppes ; elle donne aujourd’hui à voir une archive sensible sur le mouvement organisé des femmes et des féministes contre l’arbitraire d’un régime de mort et de peur. Une mémoire féministe propre à nourrir les luttes d’aujourd’hui.

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DESSIN LAUSAN

dimanche, novembre 28, 2021

BÁRBARA SEPÚLVEDA, LA VOIX DES FÉMINISTES DANS LA CONSTITUANTE CHILIENNE

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BÁRBARA SEPÚLVEDA, LA VOIX DES FÉMINISTES
 DANS LA CONSTITUANTE CHILIENNE
Vidéo | Ce jeudi 25 novembre, les féministes ont déferlé dans les rues de Santiago du Chili pour dénoncer les violences sexistes et faire front face au candidat ultraconservateur qualifié pour le deuxième tour de la présidentielle. À plus long terme, les femmes veulent peser dans les choix politiques.
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BÁRBARA SEPÚLVEDA, LA VOIX DES FÉMINISTES DANS LA CONSTITUANTE CHILIENNE

Élections présidentielle et législative, rédaction d’une nouvelle Constitution… De nombreuses figures féministes s’affichent en première ligne des mouvements qui hurlent, depuis deux ans, leur volonté de transformer en profondeur le modèle chilien.

La constellation des mouvements féministes au Chili est aussi engagée que fragmentée. Mais si l’on doit définir le fil rouge qui relie l’action de toutes ces organisations, celui-ci se tisse autour de la lutte contre l’oppression et la violence.


Parmi les nombreux visages qui incarnent l’expression féministe chilienne, celui de Bárbara Sepúlveda. Cette avocate a été élue membre, sous la bannière communiste, de l’Assemblée constituante.

En 2018, cette jeune professeur de droit constitutionnel à l’Université Alberto Hurtado a cofondé l’Association des avocates féministes (ABOFEM), l’idée surgit au milieu de ce que les Chiliennes considèrent aujourd’hui comme leur "Mai Féministe" : "Nous avions bloqué la fac pour protester contre le harcèlement sexuel dans le milieu universitaire, se souvient Bárbara Sepúlveda. Nous voulions nous montrer solidaires du mouvement national, et en réalité, il n’y avait aucune initiative de ce genre dans notre environnement."


C’est dans la chaleur de ce premier printemps que naît ce projet destiné à ouvrir un front féministe sur un terrain jusqu’ici inoccupé.
En tant que féministes, nous reconnaissons que le droit est un espace de contestation, de pouvoir, de conflit hégémonique, car il intègre également dans son champ d'application, dans la création de lois, des normes qu’il est parfois nécessaire de rediscuter.
"Les femmes au service des femmes"

Ce jour-là, avant de revêtir sa robe d’avocate et de se pencher sur le cas de femmes victimes de violences sexuelles dans un quartier voisin, Bárbara Sepúlveda participe à un "cabildo", une réunion participative destinée à recueillir les doléances des citoyens, écouter leurs idées et s’en faire le relais lorsque les travaux de l’Assemblée constituante reprendra ses travaux.

"C’est une semaine de terrain." L’échange, la discussion, le débat et une prise direct avec le terrain, font partie des valeurs défendue par l’une des 155 personnes (77 femmes, 78 hommes) chargées de rédiger la nouvelle constitution.


En mai dernier, le Chili a élu la première Convention constitutionnelle entièrement paritaire de l’histoire mondiale, avec comme présidente Elisa Loncón, représentante du peuple autochtone Mapuche. Bárbara Sepúlveda voit dans cette nouvelle mission, une continuité de la démarche qu’elle mène au sein de l’ABOFEM, en tant que féministe.

"Comprendre le monde issu du féminisme, mettre les femmes au service des femmes", c’est l’idée qu’elle porte à chacun de ses discours, dans chacune de ses réflexions. "Aujourd'hui, les espaces syndicaux, les espaces académiques ou les tribunaux eux-mêmes, sont des espaces très masculinisés qui reproduisent beaucoup de violence."

Le combat intersectionnel

Que ce soit au sein de l’ABOFEM ou dans son rôle de constituante, Bárbara Sepúlveda prône une action protéiforme et simultanée : "Nous avons des membres de l'association qui travaillent dans les institutions, mais également des alliances avec les autorités, avec des députés, avec des sénateurs, notre action est aussi militante dans nos espaces territoriaux, dans les régions ou les communes où nous sommes situées en tant qu'avocates féministes."
PHOTO JUAN CARLOS CANCINO
C’est une des singularités de l’action féministe au Chili: son articulation, son organisation, sa discipline, créent l’engrenage qui lui donne toute sa force et sa dynamique. "Cette composition permet aussi de traduire un langage devenu parfois beaucoup trop technocratique et qui appartient à l’appareil bureaucratique, poursuit-elle. Notre but est d’incorporer toutes ces voix dans un seul et même mouvement."

Dans leur montée en puissance fulgurante, les mouvements féministes chiliens n’ont pas échappé aux divergences de visions. Une fracture nette entre féminisme institutionnel et féminisme autonome apparaît aujourd’hui, parfois de manière violente et rédhibitoire dans les discours. Une opposition entre l’action de terrain anti-système et l’intégration du paysage politique pour projeter le modèle féministe. 

Bárbara Sepúlveda rejette cette fausse dichotomie : "De nombreuses avancées, en particulier dans la région latino-américaine, ont été conquises par l'intégration des deux points de vue et des deux forces, de ces différents mouvements." L’avocate féministe tourne son regard vers l’autre versant de la cordillère des Andes pour appuyer son discours. En Argentine, l’obtention de la loi autorisant l’avortement est un progrès conquis, selon elle, grâce à la pluralité de l’action féministe. 
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DESSIN LAUSAN

LA LITTÉRATURE ESPAGNOLE EN DEUIL APRÈS LA MORT DE LA ROMANCIÈRE ALMUDENA GRANDES

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ALMUDENA GRANDES
CAPTURE D'ÉCRAN

Agée de 61 ans, elle avait annoncé en octobre souffrir d'un cancer.

L'écrivaine et journaliste espagnole Almudena Grandes, passée à la postérité pour un roman érotique avant de faire sensation plus récemment pour une histoire de l'Espagne contemporaine, est morte samedi, a annoncé le Premier ministre espagnol, saluant "une référence de notre temps". Agée de 61 ans, elle avait annoncé en octobre souffrir d'un cancer.

N.B. avec l'AFP

ALMUDENA GRANDES
CAPTURE D'ÉCRAN

 

"Nous perdons une des écrivaines de référence de notre temps. Engagée et courageuse, et qui a raconté notre histoire récente avec un point de vue progressiste. Ton souvenir, ton oeuvre, seront toujours avec nous, Almudena Grandes", a tweeté le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.

ALMUDENA GRANDES
CAPTURE D'ÉCRAN

"Nous disons adieu avec un grand poids à Almudena Grandes, narratrice fondamentale de la littérature espagnole, partie beaucoup trop tôt. Almudena Grandes a dépeint avec maestria notre histoire récente et donné une voix à ceux qui ne l'avaient jamais eu", a salué sur Twitter l'institut Cervantes dont elle a été l'invitée à de nombreuses reprises à travers le monde.

Un roman qui a fait scandale

AFFICHE

Née à Madrid en 1960, Almudena Grandes s'est fait connaître avec un roman érotique qui fit scandale en 1989, Las edades de Lulú, porté à l'écran et traduit en français en 1990 sous le titre Les vies de Loulou.

Elle avait ensuite publié en 1991, dans un genre différent, Te llamaré viernes, une histoire d'amour entre des marginaux dans une Madrid hostile puis, en 1994, Malena es un nombre de tango (en français, Malena c'est un nom de tango), roman acclamé où elle traitait l'un de ses thèmes récurrents: une jeune fille imparfaite et rebelle bataillant pour trouver sa place dans le monde contre les normes sociales.

En 2010, elle s'était lancée dans un projet ambitieux en six volumes racontant les années d'après la guerre civile en Espagne.

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"Un bon pronostic et un combat"

Elle signait régulièrement des éditoriaux dans le grand quotidien El Pais, et mi-octobre, elle avait écrit sur le cancer qu'on lui avait diagnostiqué et qui allait la tuer.

"J'ai eu à écrire dans ma vie des articles très compliqués. Aucun comme celui-ci", disait-elle. "Tout a commencé il y a un peu plus d'un an: un examen de routine, une tumeur maligne, un bon pronostic et un combat".

Militant pour de nombreuses causes, les femmes ou encore l'aide aux migrants, elle avait pris en 2010 la défense du juge Garzon accusé d'avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme, signant un manifeste avec le cinéaste Pedro Almodovar et le poète communiste Marcos Ana.

N.B. avec AFP

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samedi, novembre 27, 2021

LE VOTE POUR L’EXTRÊME DROITE AU CHILI EST « LE SIGNAL D’UN RETOUR À L’ORDRE »

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    DESSIN RAINER HACHFELD

Pour la sociologue Stéphanie Alenda
, le premier tour du scrutin présidentiel, qui a porté l’extrême droite en tête, exprime une réaction à la révolte sociale initiée en 2019 et au conflit des indigènes mapuche dans le sud du pays. 

Un apparent grand écart : le Chili a placé en tête du premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 21 novembre, le candidat d’extrême droite José Antonio Kast (27,9 %), admirateur du général Augusto Pinochet (1973-1990) et opposé à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Pourtant, un an plus tôt, en octobre 2020, 78 % des Chiliens avaient voté lors d’un référendum pour l’élaboration d’un nouveau texte destiné à enterrer la loi fondamentale actuelle, héritée de la dictature. En mai 2021, une Assemblée constituante franchement marquée à gauche avait même été désignée.

Stéphanie Alenda, sociologue à l’université Andrés Bello de Santiago, revient pour Le Monde sur ce «paradoxe » qui caractérise la campagne. Le 19 décembre, M. Kast affrontera au second tour le député et ex-leader étudiant Gabriel Boric (gauche, 25,8 % au premier tour).
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FLYER PCCh
Comment expliquer le score de l’extrême droite, à contre-courant des changements induits par le mouvement social contre les inégalités de 2019?

On peut expliquer ce paradoxe par une sorte de signal de retour à l’ordre, en faisant le parallèle avec la France et les événements de mai 1968, suivis de l’élection de la droite. Concernant la révolte sociale de 2019, les petits commerçants situés dans la zone de manifestation de Santiago, pour qui la mobilisation a eu des retombées économiques négatives, ont, par exemple, commencé à avoir une visibilité médiatique. Une partie de l’opinion publique est beaucoup plus critique envers la mobilisation [qui se poursuit, dans une moindre mesure, tous les vendredis] et moins tolérante envers les violences qu’elle a pu générer.

Or, la question du maintien de l’ordre et du respect de l’Etat de droit est centrale dans le discours de José Antonio Kast, avec cette sensation que le pays n’est pas tenu. De même pour les incidents violents qui ont eu lieu dans le sud du Chili, autour du conflit mapuche [population indigène qui réclame la restitution des terres ancestrales], en partie infiltré par des groupes armés. C’est dans cette région que José Antonio Kast a remporté le plus grand nombre de voix.

La thématique de l’ordre est tellement passée au premier plan du débat que le candidat de gauche, Gabriel Boric, est en train de reprendre à son compte, dans l’entre-deux tours, cet agenda de la sécurité, en mettant l’accent sur les victimes de la délinquance. En parallèle, il y a aussi une certaine perte de confiance de la population dans l’Assemblée constituante, alimentée par les querelles internes pendant l’adoption de son règlement. Les Chiliens doutent de sa capacité à améliorer la situation du pays. Le contexte économique marqué par l’inflation explique aussi le résultat du premier tour : José Antonio Kast a rencontré un certain succès auprès des groupes socio-économiques plus vulnérables.

Avec quelles propositions M. Kast a-t-il convaincu les électeurs ?

La lutte contre le narcoterrorisme, avec davantage de moyens donnés à la police et à l’armée. Il propose aussi des politiques restrictives à l’immigration. Sur le plan des valeurs, José Antonio Kast est ultraconservateur, voire réactionnaire, notamment sur la question de l’avortement : il est opposé à la loi actuelle [permettant l’interruption de grossesse uniquement en cas de viol, de danger pour la vie de la personne enceinte ou de non-viabilité du fœtus]. Il est aussi libertaire, en faveur de la réduction de la taille de l’Etat [en débauchant au moins 30 000 fonctionnaires] et des impôts. Enfin, il est populiste, avec un discours antiélite et des critiques voilées à la démocratie représentative.


Avec José Antonio Kast, la droite radicale renaît de ses cendres, après un très mauvais score à l’élection de l’Assemblée constituante et aux municipales, en mai. Aux législatives qui se tenaient en même temps que la présidentielle, il y a une avancée de la droite conservatrice, au détriment du centre droit.

Pour la première fois depuis le retour à la démocratie, en 1990, le second tour se joue sans les partis traditionnels de centre gauche et centre droit. Peut-on parler d’un pays polarisé ?

Ce serait excessif, alors que plus de la moitié des Chiliens n’ont pas voté (53 %). En revanche, il y a une polarisation des élites et des programmes. En face de Kast, Gabriel Boric souhaite augmenter les impôts, il défend un système de santé et de retraites universel, la parité, et il est progressiste sur les questions de mœurs.


Comment expliquer la présence de millions de personnes dans la rue en 2019, et le taux d’abstention du premier tour ?

Même si la population était sensible aux demandes du mouvement de 2019, cette mobilisation contrastait déjà avec l’apathie de la société chilienne à l’époque. On ne peut donc pas attendre un sursaut de participation à l’élection. D’ailleurs, le taux de participation, de 50,9 %, lors de l’approbation d’une nouvelle Constitution était finalement très faible. L’abstention est une constante de la démocratie chilienne depuis la fin de la dictature. Depuis la suppression du vote obligatoire en 2012, la participation a fortement diminué, ce qui reflète la crise de confiance dans les institutions en général. Au Chili, il y a peu d’éducation civique : la population ne se sent pas obligée d’aller voter.

L’esprit de la révolte de 2019 est-il mort ?

Tout dépend de l’interprétation de cet esprit. Dans son expression la plus radicale, en partie. En revanche, si l’on interprète la révolte comme une demande de construction d’un système de sécurité sociale, cet esprit n’est pas mort. Il devra d’ailleurs être recueilli par le prochain président, sinon le pays sera ingouvernable.  

jeudi, novembre 25, 2021

CHILI : LE COMBAT FÉMINISTE À L'ÉPREUVE DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

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Alors qu'une nouvelle Constitution plus égalitaire est en cours de rédaction, José Antonio Kast, candidat d'extrême droite au discours passéiste, pourrait l'emporter lors du 2e tour de la présidentielle, le 19 décembre. Sa victoire mettrait des bâtons dans les roues au mouvement féministe qui était au cœur du soulèvement populaire de 2019 contre les inégalités socio-économiques. Mais quel que soit le résultat du vote, les féministes et les activistes transgenres entendent poursuivre leur combat.

mercredi, novembre 24, 2021

ISABEL PARRA : « AL FINAL DE ESTE VIAJE»

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« TOI ET MOI N'AVONS UN RÊVE EN ATTENTE RÉALISONS-LE»

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