mardi, novembre 29, 2022

LES POTERIES NOIRES DE DEUX VILLAGES CHILIENS SUR LA LISTE DE SAUVEGARDE DE L'UNESCO


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PHOTO CONSTANCE MUNOZ VIRGILE
La poterie noire façonnée dans deux villages chiliens, Quinchamali et Santa Cruz de Cuca, dont la matière première est en danger de disparition en raison de l'exploitation forestière, a été inscrite mardi sur la liste du patrimoine culturel de l'Unesco nécessitant une préservation urgente.

Tv5monde

 PHOTO PABLO VERA

Au moins six générations de potiers se sont transmis les savoir-faire de cet artisanat dans ces deux villages ruraux qui ne comptent pas plus de 2.000 habitants, dans la région de Ñuble, au centre du Chili.

PHOTO PABLO VERA

Les potiers de Quinchamali et Santa Cruz de Cuca, pour la plupart des femmes, avaient demandé en 2020 l'inscription sur la liste de sauvegarde de l'Unesco afin d'obtenir un mécanisme de protection de l'argile avec laquelle ils fabriquent leurs œuvres, qu'ils n'extraient qu'à la saison estivale mais considèrent menacé par l'essor d'entreprises forestières.

 PHOTO PABLO VERA

"Les sociétés d'exploitation forestière ont planté des pins ou des eucalyptus. Ils ont contaminé notre argile", a déclaré à l'AFP Nayadet Nuñez, 31 ans. Or, "nos ressources sont déjà rares", a-t-elle ajouté.

Les céramiques sont fabriquées à partir de deux types d'argile, l'une grise et l'autre brune, qui sont malaxées et mélangées à de la terre jaune, puis cuites pour former des tasses, assiettes ou des articles décoratifs tels que des figurines d'animaux.

PHOTO CLAUDIO PÉREZ

La caractéristique la plus frappante de ces céramiques est leur couleur noire, qui est obtenue par un processus de teinture à la fumée.

Avant d'être cuits, les motifs en bas relief sont réalisés à l'aide d'une aiguille ou d'un morceau d'étain, puis peints avec un sable blanc local.

Selon le formulaire de candidature présenté à l'Unesco, il n'y a que cinq hommes et 74 femmes potiers qui perpétuent actuellement la tradition, dont beaucoup sont âgés. Dans 10 ans, il n'y aurait plus que 12 potiers de moins de 60 ans.

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LA DAME À LA GUITARE OU LA « TERRE-MÈRE »

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M. ALLENDE TENTE D'ÉVITER LA PARALYSIE DE L'ÉCONOMIE CHILIENNE

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CAPTURE D'ÉCRAN

M. Allende semble avoir décidé de satisfaire les revendications des grévistes. Revenant sur l'attitude de fermeté qu'il avait adoptée quelques jours plus tôt à l'égard des camionneurs, dont la grève, qui paralyse le ravitaillement du pays, était qualifiée de " politique " et de nature à " porter atteinte à la sécurité de l'État ", le président de la République chilienne s'est résolu, dans la nuit du mardi au mercredi 18 octobre, à céder sur beaucoup de points du litige qui l'opposait à la fédération des transporteurs routiers, contrôlée par le parti démocrate-chrétien, principale formation de l'opposition. [Pour mémoire ]

Par CHARLES VANHECKE. ARCHIVES LE MONDE

Publié le 19 octobre 1972

COUPURES DE PRESSE
CHILI 1972

Vendredi dernier, le chef de l'État avait déclaré que les véhicules des camionneurs en grève resteraient réquisitionnés tant que le mouvement se poursuivrait. Si l'on en croit une déclaration des transporteurs publics, il vient d'accepter que les camions soient restitués à leurs propriétaires. M. Allende aurait également retiré la plainte du gouvernement auprès des tribunaux qui avait permis l'arrestation des principaux dirigeants de la fédération des transporteurs. Ceux-ci ont d'ailleurs été relâchés mardi.

Enfin, le chef de l'Unité populaire a fait une autre concession en vue de désamorcer le conflit à l'origine de la grève des camionneurs, qui a entraîné, par " solidarité ", celle des commerçants : en reconnaissant le " caractère privé " des entreprises de transport, il paraît bien avoir renoncé à créer, dans le sud du pays, une organisation publique de transports routiers, dont les autres organisations de transport privées redoutaient la concurrence.

La menace de la fédération des transports

LA GRÈVE DES CAMIONNEURS

La situation intérieure incitait M. Allende à se montrer conciliant : l'opposition avait menacé, et menace toujours, de se déchaîner. Après avoir lancé les commerçants dans la grève, le parti démocrate-chrétien avait invité ses militants à " se mobiliser " contre le gouvernement et lancé une sorte d'appel à la paralysie générale, en demandant aux paysans, aux médecins, aux ingénieurs, aux employés d'administration et aux étudiants du secondaire de débrayer à leur tour. Cet appel n'a été, mardi, que partiellement suivi par les employés de banque et les élèves des lycées Mais le mouvement risquait néanmoins de faire tache d'huile. Les médecins et dentistes ont, en effet, décidé un arrêt de travail de quarante-huit heures à partir de ce mercredi. Si leur grève s'était prolongée, elle aurait eu des effets désastreux sur l'opinion. Déjà irritée par de longs mois de pénurie alimentaire, les Chiliens se voient depuis la semaine dernière, privés d'essence par suite de la grève des " poids lourds ", qui entraîne de surcroît une raréfaction des produits de première nécessité, bien qu'à la différence des autres magasins les épiceries et les pharmacies restent ouvertes.

Mardi soir, une nouvelle menace a achevé sans doute de convaincre

M. Allende de céder : la fédération des transports publics avait annoncé qu'elle se joignait au mouvement de protestation. Les Chiliens risquaient donc d'être privés des autobus qui servent à beaucoup d'entre eux pour aller au travail. Les négociations engagées entre le gouvernement et les transporteurs ont abouti à un accord général, dont les points principaux ont été lus à la radio par le président de la fédération des propriétaires d'autobus.

Cet accord va-t-il détendre la situation intérieure ? Il n'est pas sûr que l'opposition renonce à l'offensive déclenchée ces jours derniers. Elle entend, en effet, profiter de l'erreur commise par l'Unité populaire, et qui a mis le feu aux poudres : l'annonce qu'une organisation de transport, appartenant à l'État, serait créée dans le sud du pays. On sait que le programme de l'Unité populaire prévoit l'étatisation d'une grande partie de l'économie (80 %, selon l'hebdomadaire chilien Ercilla).

Il était certes compréhensible qu'un gouvernement de gauche, arrivant au pouvoir dans un pays largement dominé par les féodalités financières et économiques, voulût s'assurer le contrôle des secteurs-clés de l'économie. Mais le gouvernement de M. Allende se heurtait à un obstacle majeur, qui n'a pas été suffisamment souligné par les hommes politiques étrangers soucieux de s'inspirer de l'expérience chilienne : l'Unité populaire est arrivée au pouvoir avec 36% des voix, donc en position minoritaire, avec un programme de " socialisation " qu'elle entendait mettre en œuvre dans un Chili où le socialisme ne peut pas être imposé de façon autoritaire.

Or, le gouvernement n'a pas toujours réussi à bien gérer les entreprises passées sous son contrôle, ainsi que le parti communiste l'a révélé dans de nombreuses autocritiques. La réforme agraire n'a pas donné tous les fruits escomptés. Si la production agricole a augmenté de 4 % l'an passé, elle est loin de pouvoir satisfaire la consommation intérieure, qui a été brutalement relancée par des augmentations de salaires l'an passé. En outre, le gouvernement chilien n'a peut-être pas assez tenu compte des possibilités de blocus auxquelles il devrait faire face à l'extérieur. Or, on voit bien qu'en dépit de la prudence au moins verbale observée par M. Allende à l'égard des États-Unis, ceux-ci, ou du moins les sociétés américaines qui avaient des intérêts au Chili, ont déclenché une véritable " guerre économique " contre ce pays. A la coupure des lignes de crédit (M. Allende a révélé que 270 millions de dollars de crédits qui devaient être accordés par des banques privées américaines, seulement 32 millions ont été débloqués) s'ajoute l'embargo mis par la Kennecott sur les cargaisons de cuivre venant de la mine d'El Teniente qu'elle exploitait avant la nationalisation de juillet 1971.

Mise en garde contre l' " alarmisme"

UNE DU QUOTIDIEN 
« EL MERCURIO » DU 
JEUDI 12 OCTOBRE 1972

La pénurie de devises et les insuffisances de la production interne ont conduit le président chilien à annoncer la semaine dernière, à Valdivia, qu'une " économie de guerre " s'imposait désormais au Chili. La viande de bœuf n'est désormais vendue que pendant les week-ends. Pour éviter que les plus pauvres ne souffrent des mesures de rationnement, quinze articles de première nécessité seront commercialisés à des prix extrêmement bas. Les importations de viande de bœuf et de beurre sont suspendues. Mais il n'est pas du tout certain que l'austérité annoncée suffise à juguler l'inflation, qui a atteint le taux de 99,8 % au cours des neuf premiers mois de 1972.

C'est cette situation pour le moins périlleuse que l'opposition entend mettre à profit. En même temps que la démocratie-chrétienne lançait ses troupes dans la grève, plusieurs attentats, sans doute imputables à des groupes d'extrême droite, ont été commis ces dernières heures : pour la deuxième fois, une bombe a explosé mardi le long de la voie ferrée Santiago-Valparaiso ; sur la route qui relie ces deux villes, des inconnus ont tiré des coups de feu contre un camionneur non gréviste ; à Talcahuano, dans le sud du pays, la police est intervenue pour empêcher une cinquantaine d'ouvriers et d'étudiants de mettre à sac des magasins fermés. À Santiago, un cocktail Molotov a été lancé contre un autobus.

Grèves, attentats, " guerre du cuivre " menée par la Kennecott : cette concordance donne à croire aux milieux gouvernementaux que les " forces de réaction", tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, se sont donné le mot pour tenter de renverser le gouvernement de M. Allende. Celui-ci a déclaré mardi devant les employés de la corporation du cuivre que "le pays était au bord de la guerre civile ". C'est la deuxième fois, à notre connaissance, que le président chilien utilise cette expression en public. Tandis que le parti démocrate-chrétien refusait de répondre à une invitation de M. Allende, qui lui demandait de négocier avec lui, le chef de la zone d'urgence de Santiago décidait d'établir le couvre-feu à partir de minuit dans la capitale. Alors que toutes les stations de radio du pays ont été provisoirement placées sous contrôle de l'État, les autorités militaires ont réuni mardi soir les correspondants de la presse étrangère pour leur demander d'éviter la divulgation de " nouvelles alarmantes " sur la situation chilienne. " Nous tenons à vous avertir des risques que vous courez dans vos interprétations ", a déclaré le général Alvarez Aguila, qui a précisé que les agences de presse qui enfreindraient la loi pourraient être fermées.

Par CHARLES VANHECKE

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FUNDACIÓN SOL

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COMMÉMORATION DE LA DISPARITION FORCÉE DE CARMEN BUENO ET JORGE MÜLLER

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JORGE MÜLLER ET CARMEN BUENO 
1974 - 29 novembre - 2022
Commémoration de la disparition forcée de l’actrice Carmen et de son compagnon le cameraman Jorge le 29 novembre 1974.
ARCHIVES DU MUSÉE DE LA MÉMOIRE 
ET DES DROITS DE L'HOMME, CHILI
Il y a 48 ans, le 29 novembre 1974, à Santiago, Jorge Müller Silva, cinéaste de 27 ans, et sa fiancée Carmen Bueno Cifuentes, cinéaste et comédienne de 24 ans, tous deux militants du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) et travaillant à Chile Films, alors entreprise nationale de cinéma, sont arrêtés dans la rue.  Emmenés à la Villa Grimaldi —site clandestin de détention et de torture de la dictature—, ils furent transférés ensuite au camp de concentration de Cuatro Alamos, où ils disparurent entre les mains de la DINA. 


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JORGE MÜLLER ET CARMEN BUENO 
ILLUSTRATION AFFICHE COMMÉMORATIVE 
CONCEPCIÓN BALMES ET J. C. CASTILLO, 1984.

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vendredi, novembre 25, 2022

AU CHILI, LES MÉGABASSINES NÉFASTES DEPUIS 35 ANS

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PHOTO CLAUDIO REYES / AFP

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REPORTERRE
Frappé par une mégasécheresse, le Chili multiplie les retenues d’eau depuis 1985. Le but : exporter toujours plus d’avocats, de noix... Bilan : un cycle naturel de l’eau altéré et un accaparement par les grands agriculteurs.

Par Marion Esnault correspondance Santiago (Chili)

DESSIN NESTOR SALAS

À Petorca, à 200 kilomètres au nord de Santiago-du-Chili, de grandes bassines d’eau jalonnent les plantations verdoyantes d’avocats destinés à l’exportation. Depuis une dizaine d’années, la province est considérée comme « zone de catastrophe pour pénurie d’eau ». Autour de ces retenues d’eau et de ces tâches vert foncé, le paysage méditerranéen de garrigue provençale d’il y a quinze ans a disparu. Aujourd’hui, seuls les cactus survivent. Le climat est devenu désertique. La rudesse de la « mégasécheresse » a fait perdre une grande partie de leur bétail aux petits éleveurs. Depuis 2012, la plupart des habitants reçoivent par camion-citerne 50 litres d’eau potable par jour et par personne.

► À lire aussi :  SÉCHERESSE CHRONIQUE, ACCAPAREMENT DE L’EAU : AU CHILI, LES AVOCATS DE LA COLÈRE

Avec ses 1 200 fleuves et 3 500 glaciers perchés dans les Andes, le Chili est la troisième réserve mondiale d’eau douce. Et pourtant, il est aussi parmi les vingt pays au monde qui subissent le plus haut stress hydrique : les ressources en eau disponibles sont inférieures à la demande. Estefanía González, coordinatrice chez Greenpeace, explique que « le problème de l’eau n’est pas seulement dû à la sécheresse et au changement climatique, mais aussi à la manière dont l’eau est gérée. Seulement 2 % sont utilisés pour l’eau potable ». Depuis la dictature de Pinochet, l’eau au Chili est une propriété privée. Le plus grand consommateur, et donc propriétaire de l’eau, est l’agriculture, à hauteur de 73 %. Grand exportateur d’avocats, de noix ou de raisins, le pays andin a privilégié depuis 1985 les retenues d’eau (barrages, bassins…) pour sécuriser le développement de son modèle agroexportateur.

► À lire aussi :  VIDÉO. CHILI : LA CULTURE DE L'AVOCAT PRIVE LES HABITANTS D'EAU

« Les petits agriculteurs sont dépossédés de l’eau »

Chloé Nicolas, géographe au Centre du climat et de la résilience, étudie les systèmes d’irrigation d’une vallée semi-aride du Chili, l’Elqui. Selon elle, il existe « une représentation hégémonique de l’eau impulsée par l’État et défendue par les grands agriculteurs : l’eau doit être gérée de manière efficiente et ne doit pas se perdre dans l’océan ». De nombreux fleuves ne débouchent plus dans le Pacifique à cause de la sécheresse et des retenues d’eau. Malgré tout, « l’idée que les pratiques modernes [barrages, bassines ou usines de dessalement] vont résoudre la sécheresse reste bien installée », comme le constate Chloé Nicolas. Selon elle, « ces grandes bassines permettent l’accaparement » : au Chili, « les petits agriculteurs sont dépossédés de l’eau par plusieurs moyens, mais, clairement, l’accumulation de l’eau dans les réservoirs a renforcé cette dépossession ».

PHOTO HEINRICH BÖLL STIFTUNG / TERRAM

Après douze ans de sécheresse, le modèle des réservoirs et barrages commence doucement à être remis en question. Claudia Galleguillos, responsable des stratégies d’eau à la Fundación Chile, fait partie de ces voix critiques. Elle « se demande si les ouvrages de stockage d’eau sont la politique adaptée pour atténuer la sécheresse ». Mauricio Galleguillos, docteur en sciences agronomiques de Montpellier et chercheur associé au CR2 du Chili, observe trois grandes conséquences environnementales après plus de trente ans d’usage des bassines. Tout d’abord, en accumulant l’eau dans des zones spécifiques, « on modifie sa distribution dans l’espace et on déconnecte l’eau de son cycle naturel ». Ensuite, « on diminue la quantité d’eau disponible à cause de l’évaporation » et enfin, « on interfère sur le temps nécessaire pour que l’eau se régénère ». Si « on puise l’eau dans les nappes phréatiques, on capte une “eau fossile” accumulée depuis des décennies et on affecte, là aussi, le cycle de l’eau ».

Les autorités misent sur les usines de dessalement

Selon Claudia Galleguillos, « la solution n’est pas dans les retenues d’eau. Si nous avons besoin de stocker l’eau, nous avons les aquifères ! » — des sols ou des roches réservoirs. Mauricio Galleguillos partage cette vision. Il souligne que dans le monde « les sols contiennent de plus grandes quantités d’eau que les fleuves » et qu’« il y a peu de connaissance du système sol-plante-eau ». Les sécheresses prolongées « exigent de nouvelles formes de penser et d’utiliser les sols, qui fonctionnent comme des éponges ». Mais cela sous-entend d’« investir davantage dans la connaissance que dans les infrastructures » et de « passer à un modèle où le débit naturel de l’eau est privilégié ».

À ce jour, les changements structurels suggérés par Mauricio ne sont pas à l’agenda. Face à une sécheresse durablement installée et des nappes phréatiques qui s’épuisent, les pouvoirs politiques et économiques misent sur les usines de dessalement qui se construisent par dizaines sur la côte Pacifique.

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CHILI : LE DÉSERT D'ATACAMA, UNE SPLENDEUR DE LA NATURE DEVENUE LA DÉCHARGE DU MONDE

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CAPTURE D'ÉCRAN

Une décharge à ciel ouvert s'étend dans le désert d'Atacama, au Chili. S'il revendique un écosystème unique, il est menacé par les déchets de la planète.

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par M.De Chalvron, L.Hauville - France 2
PHOTO MARTIN BERNETTI


Des milliers de tonnes de déchets sont entreposés dans le désert chilien d'Atacama, l'un des plus beaux d'Amérique du Sud. On y trouve des carcasses de voitures par milliers, mais aussi des vêtements à perte de vue, qui viennent du monde entier. La plupart sont usagés, mais d'autres sont neufs. "Un risque environnemental, un danger pour la santé des gens", résume Paulin Silva, avocate et militante écologiste.


"Nous sommes la poubelle du monde" Au cours des dernières années, le désert d'Atacama s'est rempli de décharges sauvages et illégales. Le Chili s'est fait la spécialité du commerce de seconde main. Les marchandises arrivent au port d'Iquique (Chili) en provenance d'Europe, d'Asie ou des États-Unis, avant d'être mis sur le marché chilien ou réexportées vers les pays voisins. Celles qui ne trouvent pas preneurs atterrissent à Atacama, où elles sont abandonnées par des intermédiaires peu scrupuleux. "Nous sommes la poubelle du monde", déplore Patricio Ferreira, maire d'Alto Hospicio (Chili), qui dénonce la passivité de l'État.

mercredi, novembre 23, 2022

EN 2022, LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE FRANCE-CHILI FÊTE SES 30 ANS

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Créé en 1992, le programme franco-chilien de coopération scientifique ECOS-ANID fête ses 30 ans en 2022. Après des célébrations au Chili en octobre, le comité scientifique s’est réuni au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) les 21 et 22 novembre 2022 pour distinguer la 30e promotion de chercheurs français et chiliens accompagnés par la coopération franco-chilienne.

France Diplomatie

Les membres du comité scientifique, des chercheurs participant au programme ainsi qu’une importante délégation chilienne ont été reçus à l’Ambassade du Chili à Paris, avec la participation du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et de l’Unesco, pour mettre à l’honneur la solidité et le dynamisme de la coopération universitaire et scientifique entre la France et le Chili et les perspectives de coopération en matière de formation professionnelle.

► À lire aussi :  EXTRAITS DU POINT DE PRESSE (19 NOVEMBRE) DE LA PORTE-PAROLE DU MINISTÈRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

En 30 ans d’existence, le programme scientifique ECOS-ANID a permis de soutenir près de 600 projets de recherches franco-chiliens dans les domaines de la santé, de l’environnement durable ou encore des sciences humaines et autant de publications scientifiques, en accordant une attention particulière à la formation des jeunes chercheurs. Il a également permis la création de centres de recherche bilatéraux (Centre de modélisation mathématique, notamment) qui mettent en commun, de manière fructueuse et équilibrée, l’expertise des scientifiques des deux pays.

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Vidéo en espagnol avec option de traduction automatique en français :

Christian Gonzalez, président de la Société chilienne des neurosciences et professeur de neurologie cellulaire et moléculaire à l’Université du Chili, parle de la force du programme ECOS ANID et de deux projets qu’il a développés grâce à cette coopération.

Une coopération ancienne et pionnière

La recherche joue un rôle central pour éclairer la décision politique Depuis plusieurs années, la France renforce l’articulation entre ses politiques scientifique et étrangère, en développant une diplomatie scientifique ouverte et dynamique, pour tenter de relever les défis communs, tels que le changement climatique ou l’émergence de maladies nouvelles.

► À lire aussi :  ENTRETIEN DE JEAN-YVES LE DRIAN AVEC SON HOMOLOGUE CHILIEN (PARIS, 18 JUILLET 2018)

La coopération scientifique franco-chilienne témoigne de cette ambition : le CNRS a fait du Centre de modélisation mathématique (CMM), créé en 1990, sa première « Unité Mixte Internationale » hors de France, toutes disciplines confondues. Le Chili est le pays d’Amérique latine dans lequel le CNRS a développé le plus grand nombre de laboratoires internationaux (astronomie, mathématiques, biologie marine…). L’INRIA Chili, présent à Santiago depuis 10 ans, est premier centre Inria hors de France. La France est le 4ème partenaire scientifique du Chili (1000 co-publications), notamment grâce à des programmes de recherche et de mobilité structurants bilatéraux (ECOS Chili ;1992) et régionaux (STIC AmSud, Climat AmSud et MATH AmSud), et il existe près de 16 laboratoires de recherche franco-chiliens.

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mardi, novembre 22, 2022

LE CHANTEUR CUBAIN PABLO MILANÉS EST MORT À MADRID

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PHOTO CLAUDIA DAUT

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PABLO MILANÉS - « YO PISARÉ LAS CALLES NUEVAMENTE »
 DANS LE VINYLE, LP COMPAÑERO PRESIDENTE (1975)
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Souffrant depuis plusieurs années d'une « maladie onco-hématologique », l'artiste de 79 ans avait obligé à s'installer en 2017 en Espagne pour «recevoir un traitement qui n'existait pas dans son pays».

Par Le Figaro avec l'AFP

CAPTURE D'ÉCRAN

Le chanteur et compositeur cubain Pablo Milanés est mort mardi 22 novembre à l'âge de 79 ans à Madrid, où il était hospitalisé depuis plusieurs jours, a annoncé son agence artistique.

[ Pour écouter, cliquez ici ]



PABLO MILANÉS - « A SALVADOR ALLENDE EN SU COMBATE POR LA VIDA »
 DANS LE VINYLE 45T Grupo Tema IV (1974)
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«C'est avec une grande douleur et tristesse que nous avons le regret de vous informer que le maître Pablo Milanés est mort ce matin le 22 novembre à Madrid», a écrit son agence sur la page Facebook officielle du chanteur. «La culture cubaine est en deuil après le décès» de Pablo Milanés, a tweeté le premier ministre cubain, Manuel Marrero Cruz.

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À l'annonce de sa mort, les réseaux sociaux à Cuba ont été inondés de message d'hommages et de soutien à sa famille, agrémentés de photos et de vidéos de l'artiste.

Représentant de la Nueva Trova

Le chanteur avait été récemment hospitalisé à Madrid. Il souffrait depuis plusieurs années d'une «maladie onco-hématologique» qui l'avait obligé à s'installer en 2017 à Madrid pour «recevoir un traitement qui n'existait pas dans son pays», avait fait savoir son agence artistique le 11 novembre, indiquant alors que son état était «stable». Il avait annulé des concerts prévus en Espagne et en République dominicaine.

PHOTO YAMIL LAGE / AFP

Né le 24 février 1943 à Bayamo, dans l'est de Cuba, Pablo Milanés avait commencé sa carrière dans les années 1960. Il était un des représentants de la Nueva Trova, ce genre musical fondé sur des textes poétiques et engagés surgi dans la foulée de la révolution cubaine de 1959. Il avait soutenu la révolution de Fidel Castro à ses débuts, avant de s'en éloigner puis de s'installer dernièrement en Espagne, tout en maintenant par sa musique un lien indéfectible avec les Cubains.

Lors d'un concert particulièrement émouvant à La Havane en juin, quelque 10.000 spectateurs avaient repris en chœur l'un après l'autre ses grands succès, tels que «Yolanda» et «Vivir». Après trois ans sans venir à Cuba, le chanteur qui se déplaçait avec difficulté, avait renoué avec son public pour ce récital qui avait eu aussi un goût d'adieu.

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jeudi, novembre 17, 2022

HOMMAGE : CHARLES MELMAN, LE PSYCHANALYSTE QUI A DIAGNOSTIQUÉ UNE NOUVELLE ÉCONOMIE DU DÉSIR

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CHARLES MELMAN

Figure importante du milieu analytique français, élève de Lacan, le psychanalyste Charles Melman (1931-2022) est décédé le mois dernier. Le psychanalyste Stéphane Thibierge l’a bien connu. Dans un texte d’hommage, il revient sur la grande mutation culturelle qu’il avait diagnostiquée, qui nous a fait passer d’une économie du désir à une économie de la jouissance.

par Stéphane Thibierge

« L'HOMME SANS GRAVITÉ »

Le 20 octobre dernier disparaissait Charles Melman, psychanalyste et psychiatre, et l’un des élèves de Jacques Lacan les plus talentueux sans doute à transmettre le vif de la psychanalyse, au-delà des spécialistes. À côté de l’attention généreuse qu’il portait à qui venait le trouver comme analyste, il avait un souci constant de la société et de la cité. À la suite de Freud et de Lacan, il savait que les difficultés et les symptômes individuels recoupent toujours en quelque façon nos difficultés ou nos impasses collectives. Il le montrait avec intelligence et finesse dans sa pratique, et dans un séminaire tenu depuis plus de 40 ans, dont une part a été publiée aux éditions Érès.

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C’est surtout avec L’Homme sans gravité. Jouir à tout prix, publié en 2002, que Charles Melman s’est fait connaître d’une plus large audience. Dans ce livre d’entretiens avec son confrère Jean-Pierre Lebrun, il donnait du sujet moderne et de l’époque une analyse qui n’a pas vieilli vingt ans plus tard. S’appuyant sur une lecture précise de Freud et de Lacan, dont il connaissait très bien et revisitait constamment l’enseignement, il montrait dans un style simple et clair comment se présente le rapport au monde et au réel de l’homme – et de la femme – d’aujourd’hui. 

Il relevait de quelle façon nous étions passés d’une économie du désir, organisée par le rapport singulier de chacun à une loi et à un interdit qui animent ses propres questions et ses actes possibles, à une économie de la jouissance, visant à réaliser un rapport sans entraves à la satisfaction, désormais conçue comme question surtout technique d’ajustement efficace à l’objet.

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« À LACAN SES LACUNES »

Cet avènement d’une primauté de la jouissance sur le désir, où il relevait une véritable mutation culturelle, Melman l’appelle la « nouvelle économie psychique ». Elle entraîne un changement de nos repères habituels, nous obligeant à envisager de façon nouvelle notre rapport au réel et ses aléas, si nous ne voulons pas nous retrouver désorientés et démunis devant ce qui se passe ainsi sous nos yeux. Beaucoup de nos références traditionnelles concernant la filiation, le rapport à l’autre, à la loi, au désir, au sexe, et somme toute aux enjeux de la vie et de la mort, sont ici remises en question, et appellent une réflexion renouvelée tant en elle-même que dans la pratique. Cela vaut particulièrement pour ces tâches que Freud relevait comme « impossibles », c’est-à-dire soutenues par rien d’autre qu’un pari sur le langage et son efficacité symbolique : la psychanalyse bien sûr et le soin psychique, mais aussi la politique, et l’éducation. Il n’est pas surprenant que les effets de désorientation de la mutation en cours s’observent spécialement dans ces trois champs de la pratique. 

Mais au-delà, c’est bien le rapport au réel de chacun qui se trouve remis en question, comme en témoignent les expressions contemporaines de la plainte, de la demande ou de l’angoisse, qu’elles soient individuelles ou collectives.

Les psychanalystes rencontrent au quotidien ces nouveaux sujets dans leur pratique. Alors que le sujet freudien se présentait tout encombré de son surmoi et de son refoulement, de sa névrose en un mot, dont il demandait de pouvoir démêler les fils pour se mettre un peu au clair avec son désir, ce sujet contemporain vient à nous autrement. Il est en un sens plus libre : moins embarrassé par ce désir dont le sépareraient la loi ou l’interdit. Ce qui le fait venir chez l’analyste, c’est plutôt son rapport à l’objet de jouissance, dont il n’est plus séparé : objet à consommer, à jouir, par lequel il est constamment sollicité. 

« LA NOUVELLE ÉCONOMIE
PSYCHIQUE »

Et pourquoi pas, dira-t-on ? Le souhait d’une vie polyamoureuse, l’ivresse d’un corps libéré des contraintes de la loi familiale ou sociale, l’affranchissement d’une sexuation reçue comme arbitraire, cela peut s’entendre. Pourtant ceux et celles qui viennent nous trouver – et ils sont nombreux – montrent que ce nouveau rapport à l’objet peut se révéler plus contraignant que ne l’étaient, jusqu’à présent, les questions posées à chacun par son rapport à la loi, à l’interdit, et donc au désir. 

Ainsi ce jeune homme reçu récemment, affichant une orientation sexuelle ouverte et sans exclusivité, qui vient consulter en raison d’une angoisse qui ne le lâche pas et rend ses nuits difficiles. Il viendra me voir pendant quelques mois avant d’interrompre les rendez-vous, lorsque l’angoisse sera un peu calmée. La liberté sexuelle et de genre où il cherchait sa place, au demeurant peu assurée dans ses tentatives de réalisation, était une façon de répondre comme il le pouvait à la recherche d’une reconnaissance qu’il ne trouvait pas sur la scène familiale. Ses parents le dispensaient, père et mère confondus, de toute référence à un idéal, et lui témoignaient une sollicitude constante, sans conditions. C’était le laisser seul dans une relation à l’objet sans tiers, directe : d’où l’angoisse, et aussi la culpabilité d’une dette qu’il ne pouvait payer, devant l’amour omniprésent de ses parents.

Cette angoisse et cette culpabilité, souvent associées à une tonalité dépressive, sont des traits fréquents chez les sujets, et surtout les jeunes, qui viennent nous trouver aujourd’hui.

Les réflexions exposées dans L’Homme sans gravité ont rencontré un accueil attentif du public, car elles parlent de ce que nous rencontrons aujourd’hui dans la clinique et dans la société. Elles donnent aussi quelques éclairages utiles pour trouver une orientation, autre que spontanément idéologique ou religieuse, dans la mutation en cours. Elles sont proches en cela du Freud de Malaise dans la civilisation (1930), et en partagent quelquefois une note de pessimisme. Pourtant, la pratique et l’enseignement de Charles Melman ne se fermaient pas sur l’amertume facile du constat pessimiste : il cherchait toujours l’ouverture et la surprise déconcertante de l’issue parfois rencontrée à portée de main, et souvent pas sans l’autre. C’est à cela qu’il invitait régulièrement qui venait le voir.

Enfin, son rapport à l’enseignement de Jacques Lacan n’était pas convenu. Il le recevait un peu dans le style de l’école antique : pas seulement livresque, mais exigeant à vivre. Il n’a jamais révéré comme des fétiches les énoncés de son maître. Il les lisait, et les reprenait à la faveur d’une énonciation singulière, renouvelée jusqu’à la toute fin de son propre enseignement. Me revient ici le souvenir d’un colloque qu’il avait suscité, intitulé « Intelligence et limites des disciples » : comment accepter de se reconnaître un maître sans en devenir idiot ou infatué, ou les deux : c’était l’un des aspects les plus vivants de sa pratique, de son style et de son enseignement. 

Il laisse une œuvre en partie publiée, qui donne des points d’appui précieux à qui cherche à s’orienter dans le réel d’aujourd’hui.

Cet homme engagé et courageux, ce Mensch comme on dit aussi dans une tradition qui était la sienne, méritait ici l’hommage du souvenir.


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