jeudi, novembre 17, 2022

AU CHILI, LE PROCESSUS CONSTITUTIONNEL EN PANNE AU PARLEMENT

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PHOTO ASSOCIATED PRESS

Les partis négocient les contours d’une nouvelle Assemblée constituante après le rejet par référendum d’un premier projet de texte. / C’était une promesse. Après le large rejet (62 %), par le référendum du 4 septembre, du projet de nouvelle Constitution élaboré par une Assemblée élue, le président chilien, Gabriel Boric (gauche), s’était engagé à mettre en route « au plus vite » la rédaction d’un nouveau texte. Mais, plus de deux mois plus tard, les négociations menées au Congrès pour rédiger la feuille de route du nouveau processus constituant traînent et leur issue demeure incertaine.

Par Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante)

LA DROITE CHILIENNE RETARDE
LE PROCESSUS CONSTITUTIONNEL

Le gouvernement continue de croire à la demande, par les Chiliens, d’une nouvelle Loi fondamentale, comme lorsque, en octobre 2020, 78 % des votants s’étaient prononcés en faveur du remplacement de la Constitution héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). En outre, le texte actuel est accusé d’entraver les éventuelles réformes sociales. Il constitutionnalise en effet le principe d’un Etat minimal, en retrait par rapport au secteur privé. La relance du processus constitutionnel semblait d’ailleurs globalement faire consensus : une frange du centre gauche et de la droite a fait campagne contre le texte soumis au vote, dans le but de formuler une « meilleure » version.

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Mais les tractations actuelles entre partis achoppent sur le processus de rédaction du futur projet de Constitution – le précédent avait été écrit par une Assemblée paritaire de 155 citoyens élus. Cette fois, la taille, le mode de désignation et la composition (avec ou sans experts) de la future Assemblée constituante font encore débat. La droite a proposé une Assemblée réduite de 50 personnes élues par circonscription, sur la base du mode de scrutin sénatorial. « Cela favoriserait sa représentation, avec plus d’élus de zones rurales, traditionnellement à droite, analyse Felipe Aguero, politiste à l’université du Chili. La coalition présidentielle, elle, pousse dans le sens d’une Assemblée totalement élue. Mais le problème est qu’il n’y a pas de consensus là-dessus en son sein, car elle calcule aussi qu’elle aurait à perdre [à un scrutin aujourd’hui]. »

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Sont aussi en suspens l’idée d’un référendum dit « d’entrée », qui interrogerait les Chiliens sur les modalités de désignation et de travail de l’Assemblée, ou encore la représentation des populations indigènes. Ce dernier point est sensible. Les dix-sept sièges (reflétant les 13 % de la population chilienne d’origine indigène) qui leur avaient été réservés dans la précédente Assemblée constituante ont contribué à consacrer le principe de plurinationalité du pays. C’est ce sujet et son corollaire, celui d’une justice indigène, qui ont notamment rebuté de nombreux électeurs.


Caractère indivisible du pays

En octobre, les parlementaires ont ébauché une feuille de route en douze points, ébauche des grandes lignes d’un éventuel nouveau texte. On y retrouve la reconnaissance d’un « Etat social », l’une des grandes revendications nées de la révolte de 2019 contre les inégalités et qui figurait déjà dans le premier projet constitutionnel, et la protection de l’environnement.

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Cette ébauche reconnaît les populations indigènes, mais elle affirme le caractère indivisible du pays, écartant le concept polémique de plurinationalité. Elle maintient deux Chambres législatives, celle des députés et le Sénat, alors que le remplacement de ce dernier par une Chambre régionale avait prêté le flanc à la critique dans le texte soumis au référendum de septembre. « Les douze points donnent aussi des garanties à la droite sur la liberté de culte ou d’enseignement, relève Felipe Aguero. Il reste des marges d’interprétation auxquelles devra répondre une Assemblée constituante, comme ce qu’il advient du système de l’eau, par exemple [dans les mains du secteur privé au Chili]. »

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Par ailleurs, Alvaro Elizalde, le président du Sénat, a annoncé, le 11 novembre, un accord entre les différents partis sur l’idée d’un organe paritaire de quatorze experts, des juristes, qui appuierait l’Assemblée rédactrice. Ces accords doivent encore être consacrés par un vote du Congrès. Les deux prochaines semaines s’annoncent cruciales. L’ancien président de la Chambre basse Raul Soto (centre gauche), cité par le site d’information Emol, a averti qu’en cas d’absence de compromis en novembre, la possibilité d’accord risquait d’être menacée.

La lassitude démocratique d’une population suspendue depuis plus de deux ans à la réforme constitutionnelle est aussi un enjeu. En attendant, le gouvernement avance sur d’autres réformes promises. Après un remaniement qui l’a ouvert au centre gauche, dans la foulée de la victoire du non, il a notamment présenté sa réforme du système des retraites, qui doit maintenant être examinée par le Congrès.

Par Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante)

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