jeudi, juillet 08, 2021

ELISA LONCON, INDIGÈNE MAPUCHE À LA TÊTE DE LA CONSTITUANTE, PROMET « UN NOUVEAU CHILI »

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ELISA LONCON PHOTO AGENCIA UNO

L’universitaire, linguiste et militante de 58 ans a été élue à 96 voix sur 155 à la présidence de l’Assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution.

Par Intérim 

ELISA LONCON.
PHOTO CÉSAR CORTÉS.
Elisa Loncon rêve d’un Chili « pluriel, démocratique et participatif ». Son élection, dimanche 4 juillet, à la présidence de l’Assemblée constituante chargée de rédiger la nouvelle Loi fondamentale est historique à plus d’un titre. Femme et mapuche, l’ethnie majoritaire du Chili, elle incarne les principales aspirations des révoltes populaires d’octobre 2019 : une société et un modèle économique plus justes et plus égalitaires, la reconnaissance des peuples indigènes et une meilleure distribution du pouvoir.

« Nous allons convoquer jusqu’au dernier recoin du pays pour les droits de notre nation autochtone, de la terre-mère, de l’eau, des femmes, des enfants », a-t-elle déclaré, dimanche après son élection avec 96 voix sur 155, à la fin de la séance inaugurale de l’Assemblée constituante. Vêtue de la robe traditionnelle de son ethnie et brandissant le drapeau mapuche, cette universitaire sait qu’elle vit un moment sans précédent, fruit d’une série d’événements historiques : la révolte sociale de 2019, le référendum du 25 octobre 2020, lors duquel les Chiliens ont massivement exprimé la nécessité d’une réforme de la Constitution, et la sélection, les 15 et 16 mai, des 78 citoyens et 77 citoyennes qui composent désormais l’Assemblée constituante. Leur mission sera la rédaction d’une nouvelle Constitution nationale, en remplacement du texte actuel hérité de la dictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990).

L’élection d’Elisa Loncon, 58 ans, qui occupait jusqu’alors l’un des 17 sièges de l’Assemblée qui étaient réservés aux peuples indigènes, est donc le produit d’un processus démocratique unique au Chili, mais aussi d’un parcours personnel hors du commun.

« Un sens du bonheur »

Quatrième d’une famille de sept enfants, Elisa naît en 1963 dans la communauté mapuche Lefweluan, à Traiguén, dans la région de l’Araucanie (sud). Sa mère est femme au foyer et son père menuisier. Autodidacte, il apprend à lire seul à l’âge de 17 ans. Quant à son arrière-grand-père, chef de la communauté, il s’était opposé à l’armée chilienne au milieu du XIXe siècle, luttant même contre l’occupation de la région aux côtés du grand chef mapuche et résistant historique, José Santos Quilapan.

Elisa Loncon raconte que, petite, elle devait parfois marcher huit kilomètres sur un chemin de terre pour aller à l’école. « Je viens d’une famille simple, comme toutes les familles mapuches touchées par la pauvreté, mais intègre du point de vue de nos codes, inspirés par les normes collectives, la mémoire, le récit social, l’histoire, expliquait-elle au quotidien espagnol El Pais juste avant son élection. Ma famille m’a légué un sens du bonheur. »

Depuis toute jeune, Elisa Loncon s’engage dans différentes organisations sociales pour la restitution des terres mapuches et les droits des peuples autochtones. Elle devient membre particulièrement active du Conseil de toutes les terres, organisation indigène cherchant à créer un Etat mapuche sur les territoires argentin et chilien. En 1992, elle participe à la création du drapeau mapuche qui, durant les révoltes de 2019, aura presque détrôné le drapeau chilien.

Faire du Chili un pays plurinational

« Jamais les nations autochtones n’avaient été convoquées pour participer à un processus si important. Il y a un avant et un après », affirme-t-elle lors d’un entretien télévisé à l’agence de presse Efe, ajoutant que cette élection est aussi « la conséquence de la lutte de tant de femmes qui ont fait entendre leur voix contre le patriarcat ». Son projet : transformer le Chili en un pays plurinational, reconnaissant les dix peuples originaires du pays, écologiste et féministe.

Le militantisme ne l’empêche, cependant, pas de parcourir le monde et de se former. Pendant la dictature, la jeune femme étudie la pédagogie à Santiago, entre deux pièces de théâtre clandestines anti-Pinochet, puis obtient un master de linguistique au Mexique. La démocratie de retour dans son pays, elle décroche deux doctorats, l’un en sciences humaines à l’université de Leiden aux Pays-Bas, l’autre en littérature à l’Université catholique du Chili. Aujourd’hui professeure d’anglais dans sa région natale, elle poursuit ses recherches sur l’enseignement du mapudungun, la langue mapuche.

Elisa Loncon compte laisser son empreinte, son histoire et ses croyances dans ce processus démocratique historique et reconstruire « un nouveau Chili plurilingue avec toutes les cultures, tous les peuples, avec les femmes, avec les territoires. C’est ça, notre rêve. » Elisa Loncon et les 154 autres membres de l’Assemblée auront un an pour le réaliser, avant qu’il soit soumis à un nouveau référendum.

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VOTO 6
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