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Depuis quarante ans, Athènes demande à Londres la restitution d’une frise de 75 mètres détachée du célèbre vestige antique. Si le Royaume-Uni affirme que ces marbres ont été acquis légalement, la Grèce, elle, soutient qu’ils ont été l’objet d’un « pillage ». Un accord historique est en cours.
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ce serait l’aboutissement d’une querelle vieille de quarante ans. Les marbres sculptés du Parthénon conservés au Royaume-Uni pourraient « bientôt » être remis à la Grèce grâce à un accord historique en cours de finalisation entre le British Museum de Londres et Athènes, rapporte le journal britannique The Telegraph, mardi 3 janvier.
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Une loi britannique de 1963 interdit au musée de céder ou de vendre des objets de sa collection. Mais son président et ancien ministre des finances, George Osborne, a trouvé une solution qui permettrait de contourner cet obstacle : l’accord prévoirait, d’après les sources citées par The Telegraph, le rapatriement « le plus tôt possible » des antiquités grecques dans le cadre d’un « échange culturel ». Autrement dit, il s’agirait de prêts à long terme.
« Nous cherchons activement un nouveau partenariat concernant le Parthénon avec nos amis en Grèce et alors que nous entrons dans une nouvelle année, des discussions sont en cours », a confirmé mercredi à l’Agence France-Presse (AFP) un porte-parole du British Museum.
Les médias grecs avaient déjà rapporté en décembre 2022 que des négociations secrètes étaient en cours depuis un an entre M. Osborne et le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis.
Dialogue de sourds
Situé sur l’Acropole d’Athènes, le Parthénon est l’un des plus célèbres vestiges de l’Antiquité, inscrit au patrimoine culturel de l’Unesco. Il a été construit au Ve siècle avant notre ère, mais les traces archéologiques les plus anciennes de ce site de trois hectares remontent au deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Dans la Grèce antique, le temple a été dédié à la déesse Athéna avant d’être transformé en église puis en mosquée. Le Parthénon n’est plus un lieu de culte depuis qu’il a été partiellement détruit par les Vénitiens en 1687, puis pillé.
Même si la négociation aboutit, il est « peu probable » que la totalité des pièces détenues par le British Museum soit renvoyée en Grèce immédiatement, estime The Telegraph. Dans un premier temps, l’accord pourrait se concrétiser « par un petit prêt symbolique ». Mais, toujours selon le journal britannique, Athènes est déterminée à obtenir la restitution complète et la pleine propriété de ses trésors nationaux : une frise de 75 mètres détachée du Parthénon, ainsi que l’une des cariatides (statue de femme tenant lieu, en architecture, de colonne) de l’Erechthéion, un temple qui se trouve aussi sur l’Acropole.
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Si le Royaume-Uni affirme que ces marbres ont été acquis légalement, la Grèce, elle, soutient qu’ils ont été l’objet d’un « pillage » à l’époque où le pays était sous occupation ottomane. Reprenons. En 1802, l’ambassadeur britannique à Constantinople, Lord Elgin, transfère la moitié des 160 mètres de la frise de l’édifice à Londres. Et il la revend à l’Angleterre.
Le conflit entre les deux pays est officiellement ouvert en 1983 par l’actrice Melina Mercouri, alors ministre de la culture grecque. La brouille vire rapidement au dialogue de sourds. Londres souligne que Lord Elgin a négocié avec l’autorité compétente de l’époque, l’Empire ottoman. Athènes répond que ledit empire ne représentait pas son peuple. Londres répète que son diplomate a agi en toute légalité. Par la suite, Athènes oppose des recherches montrant que l’ambassadeur britannique n’a obtenu qu’un prêt, devenu un vol. Nouvelle réplique de Londres, qui avance que la frise a le statut de « patrimoine commun de l’humanité » et que le British Museum (6 millions de visiteurs par an) permet à tous de les admirer. Athènes rétorque que ces chefs-d’œuvre sont constitutifs de son identité.
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« Prison obscure »
Pendant des années, le musée londonien a également argué que la Grèce n’avait pas de lieu digne de ce nom pour présenter et protéger les marbres. Un argument battu en brèche en 2019, quand le pays inaugure le très réussi Musée de l’Acropole. Un étage entier du bâtiment reconstitue en taille réelle les quatre côtés du temple, avec les morceaux de frise restés en Grèce. Ceux exposés à Londres sont remplacés par des moulages. En attendant leur retour… C’est ainsi que l’ancien président Prokopis Pavlopoulos oppose « le musée lumineux » d’Athènes à « la prison obscure » du British Museum.
La bataille menée par la Grèce ne concerne pas uniquement le Royaume-Uni : cela fait plusieurs décennies que le pays tente de récupérer d’autres fragments du Parthénon éparpillés dans différents musées du monde. Certains se trouvent au Louvre à Paris, d’autres sont à Vienne en Autriche, ou encore à Würzburg en Allemagne.
Certaines pièces ont déjà fait leur retour en Grèce. En janvier 2022, un morceau de frise représentant un pied d’Artémis, déesse de la chasse, a été prêté par l’Italie à Athènes pour au moins huit ans. En décembre 2022, le pape François a annoncé la restitution à l’archevêque orthodoxe d’Athènes de trois fragments du Parthénon, conservés dans les musées du Vatican. En 2008, le Saint-Siège avait déjà restitué à la Grèce un fragment provenant de la frise, qui lui avait été offerte au début du XIXe siècle.
Marie Slavicek (avec AFP)
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