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CHILI /JEANNETTE JARA PEUT-ELLE L'EMPORTER FACE AUX PARTIS DE DROITE QUI TOTALISENT PRÈS DE 70 % DES VOIX ?

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PRIVÉE DE RÉSERVES DE VOIX, LA CANDIDATE COMMUNISTE JEANNETTE JARA FAIT FACE À UN RAPPORT DE FORCES DÉFAVORABLE ET TENTE D’EXISTER DANS UNE CAMPAGNE DOMINÉE PAR LA PEUR ET L’AGENDA A SÉCURITAIRE DE LA DROITE. PHOTO PABLO SANHUEZA

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Analyse / Présidentielle au Chili : la communiste Jeannette Jara peut-elle l'emporter face aux partis de droite qui totalisent près de 70 % des voix ? / Malgré l'arrivée de la candidate de la coalition de gauche, Jeannette Jara, en tête lors du premier tour, le risque est grand de bientôt voir José Antonio Kast succéder à Gabriel Boric. Les droites totalisent près de 70 % des voix.

par Luis Reygada 6 min Publié le 17 novembre 2025

LUIS ALBERTO REYGADA
JOURNALISTE À L'HUMANITÉ 

Finalistes d’un premier tour marqué par une droitisation du vote, la communiste Jeannette Jara et l’ultra-droitier José Antonio Kast s’affronteront en ballotage le 14 décembre prochain dans le cadre de la course à la succession présidentielle du Chili. Candidate d’une coalition de gauche à l’ampleur historique (réunissant neuf partis politiques, des communistes aux démocrates-chrétiens), l’ex-ministre du Travail du président Gabriel Boric s’est imposée en tête du scrutin, ce dimanche, avec 26,8 % des voix. 

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Une victoire aux allures de défaite annoncée : si elle devance son premier rival et prochain adversaire de trois points, les scores obtenus par les candidats arrivés en troisième, quatrième et cinquième position – tous conservateurs – montrent un clair basculement de l’électorat vers la droite, et la volonté de renvoyer la gauche hors du Palais de La Moneda. 

Le vote obligatoire profite largement aux droites radicales

L’autre ultra-droitier du scrutin, le libertarien Johannes Kaiser, a obtenu un score de 13,9 %, tandis que la candidate de la droite traditionnelle, Evelyn Matthei, seulement 12,4%. Si les sondages prédisaient son débordement par le candidat d’extrême droite José Antonio Kast (23,9 %), celle-ci a également été dépassée – grande surprise de ces élections – par le « populiste de droite » Franco Parisi, qui a obtenu 19,7 % des voix.

Ainsi, au total, droites et extrêmes droites cumulent 70 % des voix exprimées lors de ce premier tour, pour lequel plus de 15,6 millions d’électeurs étaient appelés à départager huit candidats, le vote étant obligatoire pour la première fois dans une élection présidentielle depuis le rétablissement de la démocratie, en 1990. 

« Il sera difficile pour Jeannette Jara de remonter », analyse Pierre Cappanera, spécialiste du Chili et membre de la commission Amérique latine du parti communiste français. « En 2021, Gabriel Boric avait pu compter sur le report de voix d’une candidature de gauche indépendante et de la candidate démocrate-chrétienne, respectivement 7,6 % et 11,6% des voix au premier tour, pour s’imposer face à José Antonio Kast », rappelle-t-il. « La situation est très différente aujourd’hui : Jeannette Jara n’a presque aucune réserve de voix à gauche ou au centre-gauche, et doit à priori se contenter d’un total de 28 %. »

À n’en pas douter, les campagnes politiques et médiatiques portées par les droites autour des thèmes de l’insécurité et de l’immigration ont fonctionné. Tout comme la virulente campagne anti-communiste, qui « a réduit la candidature de Jara à une candidature du Parti communiste chilien (PCCh), alors qu’elle représentait toute la gauche et le centre-gauche. Au total, elle a reçu 700 000 voix de moins que les candidats de la gauche aux législatives », ajoute Pierre Cappanera. 

Une victoire écrasante de la droite au Parlement

Alors que les électeurs étaient aussi appelés à renouveler la Chambre des députés et la moitié du Sénat, la défaite pour le bloc progressiste y est d’ores et déjà plus claire, dans un scrutin qui a vu les partis modérés de tendance social-démocrate (25 députés au total) être dépassées par leurs alliés de gauche plus radicaux (28 députés pour le Front large de Gabriel Boric et le PCCh).

À l’opposé, pour José Antonio Kast et son Parti républicain, on peut parler de triomphe : avec 42 députés (+15), son pacte « Changement pour le Chili » (avec les partisans de Johannes Kaiser et le Parti social-chrétien) devient le premier groupe à la Chambre basse. 

S’ajoutent à eux les 34 députés de la droite « traditionnelle » et les 14 députés du Parti des Gens de Franco Parisi, soit une écrasante majorité absolue pour toute l’aile droite avec un total de 90 députés (+16) sur 155. Au Sénat, Kast obtient sept sièges de sénateurs (+6). Avec 27 sénateurs au total sur 50, droite traditionnelle et extrême y disposeront également d’une majorité.  

Si, comme cela semble probable, José Antonio Kast remporte le second tour de l’élection présidentielle, l’ultraconservateur pourra compter sur un Parlement en sa faveur. De quoi détricoter les quelques conquêtes sociales obtenues par l’actuel gouvernement. 

José Antonio Kast, l’héritier du pinochétisme, à un pas du pouvoir

Pour José Antonio Kast, avocat de 59 ans rejetant aujourd’hui l’étiquette d’ultra-droite bien qu’il se classe lui-même dans la famille idéologique de Donald Trump ou Javier Milei, la troisième tentative de briguer la présidence pourrait enfin être la bonne. Admirateur de la dictature d’Augusto Pinochet (dont son frère Miguel Kast a été ministre et président de la Banque centrale), principal champion d’une extrême droite chilienne ultraconservatrice et antisociale des plus décomplexées, ce fils d’un immigré nazi ayant combattu au sein de la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale promet un « gouvernement d’urgence ». Ses priorités : la sécurité, la croissance économique, l’affaiblissement de l’État et la lutte contre l’immigration clandestine, considérée comme une menace existentielle. 

Durant la campagne, Kast – qui a visité le Salvador de Nayib Bukele, l’Italie de Giorgia Meloni et la Hongrie de Viktor Orban – a notamment promis d’expulser les plus de 330 000 étrangers en situation irrégulière (en majorité des Vénézuéliens) ou encore de construire un mur frontalier, en s’appuyant sur un discours ultra-sécuritaire prônant répression et militarisation. Membre du mouvement religieux Schönstatt – un courant catholique conservateur d’origine allemande –, il est marié et père de neuf enfants et admet volontiers s’être inspiré du parti d’extrême droite espagnol Vox pour créer son parti, en 2019. 

S’il s’était incliné au second tour il y a quatre ans, les élections d’alors avaient en toile de fonds la grande révolte sociale de 2019, avec un débat public centré notamment sur les droits sociaux, les droits humains et l’urgence climatique. Des questions presque totalement éclipsées du débat public aujourd’hui, bien qu’elles constituent toujours des préoccupations pour la grande majorité de la population. De quoi assurer la victoire à Kast ? Le défi est immense pour la gauche chilienne. Face à une possible régression néolibérale brutale aux relents pinochétistes, c’est bien un choix entre deux voies diamétralement opposées que devront faire les Chiliens ce 14 décembre.

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   ALVARO HENRIQUEZ Y PETTINELLIS
Con un VOTE POR JARA y la presentación de Alvaro Hernirquez y PETTINELLI


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