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L'HumanitéÉlection présidentielle au Chili : Jeannette Jara, une communiste aux portes de la Moneda ? / À dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, le 16 novembre, la candidate de la coalition progressiste, Jeannette Jara, pointe en tête des sondages. L’ex-ministre du Travail symbolise quelques-unes des conquêtes sociales les plus marquantes sous Gabriel Boric. Suffisant pour maintenir la gauche au pouvoir ?
por Luis Reygada Publié le 6 novembre 2025 5min
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| LUIS ALBERTO REYGADA JOURNALISTE À L'HUMANITÉ |
Au Chili du compañero Allende, un pays transformé en laboratoire de l’horreur puis d’un néolibéralisme constitutionnalisé depuis ce fatidique 11 septembre parrainé par la CIA, la gauche arrive unie à l’élection présidentielle derrière une candidature communiste.
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| «¡Es oficial! Somos el número 2 en la papeleta2️⃣✌️» FLYER JANNETTE JARA |
► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR
Jeannette Jara, membre du PC chilien depuis ses 25 ans (avant neuf ans de militance au sein des jeunesses communistes), représente Unité pour le Chili, la coalition de neuf partis – de la gauche jusqu’au centre gauche modéré – réunis pour remporter l’élection présidentielle dont le premier tour aura lieu le 16 novembre prochain.
Une large victoire lors des primaires
Des communistes jusqu’aux démocrates-chrétiens, le bloc progressiste est parvenu à souder un accord politico-électoral extrêmement large – le plus ample depuis le retour de la démocratie, en 1990 –, conférant à la candidate de 51 ans un potentiel sans précédent pour le scrutin, qui comprendra aussi des élections législatives.
Suffisant pour maintenir la gauche au pouvoir, après un mandat du président Gabriel Boric qui n’a pas manqué de décevoir auprès d’une grande partie de ses électeurs les plus en attente de radicalité ?
Arrivé à la Moneda en mars 2022, l’ancien leader du mouvement étudiant avait dû recentrer son cabinet – et son projet politique gouvernemental – à la suite de l’énorme camouflet qu’avait représenté le rejet par référendum d’une nouvelle Constitution progressiste, en septembre de la même année.
Ainsi, la victoire de Jeannette Jara, en juin dernier, lors d’une primaire dans laquelle elle s’était très largement imposée (60 %) face à des figures incarnant l’élite politicienne et la social-démocratie, est sans doute le reflet de cette attente de changement en profondeur de la part de nombre de militants.
► À lire aussi : Chili : qui est la communiste Jeannette Jara, qui a remporté la primaire de gauche et briguera la présidence ?
Issue d’une famille humble et élevée dans un quartier populaire de la périphérie nord de Santiago, cadre communiste, Jeannette Jara représente très certainement une rupture du point de vue idéologique. Mais c’est aussi très certainement son rôle en tant que ministre du Travail de Gabriel Boric, jusqu’en avril dernier, qui a su attirer vers elle des sympathies – sans mentionner un charisme redoutable.
À ce titre, Jara symbolise à elle seule quelques-unes des conquêtes sociales les plus marquantes du mandat en cours. Diminution du temps de travail hebdomadaire (de 45 à 40 heures par semaine), hausse très significative du salaire minimum (+ 50 %), réforme des retraites avec la mise en place d’un nouveau système semi-public s’appuyant sur la hausse des pensions ainsi que des cotisations patronales, presque inexistantes jusqu’alors…
Figure la plus à gauche au sein de l’exécutif, la communiste incarne ainsi des avancées concrètes améliorant la vie de millions de travailleuses et travailleurs, dans un pays au revenu national brut par habitant le plus élevé d’Amérique latine, mais qui reste néanmoins l’un des plus inégalitaires du continent.
« Nous avons besoin de créer davantage d’emplois, de davantage de croissance, (mais aussi que) cette croissance profite à toutes les familles chiliennes (car) plus de 90 % des ménages n’arrivent pas à joindre les deux bouts », exprimait-elle il y a peu, durant une campagne que les droites ont réussi à focaliser sur leur terrain de prédilection : l’insécurité et l’immigration.
La droite cumule 60 % d’intentions de vote
Au point de voir la droite traditionnelle se faire dépasser, de nouveau, par l’ultra-droite. Avec 14 % des intentions de vote, la candidate Evelyn Matthei (coalition Chile Vamos) est devancée par l’ultra-droitier José Antonio Kast (20 %, Parti républicain qui s’était incliné au second tour en 2022). Mais aussi par Johannes Kaiser, député de 49 ans, leader du Parti national libertarien et sorte de Javier Milei local classé encore plus à l’extrême droite que Kast.
Au total, la droite cumule autour de 60 % des intentions de vote pour le second tour, qui devrait se tenir le 14 décembre. Le défi reste donc majeur pour la candidate communiste. Si celle qui ambitionne d’améliorer les services publics, conquérir de nouveaux droits sociaux pour les Chiliens et mener une gestion interventionniste se positionne actuellement en première place des sondages pour le premier tour, reste à voir s’il sera possible de transformer l’essai au second.
D’ici là, ce sont les voix du centre que sa campagne cherche à attirer, au point de créer des frictions avec son parti. Vis-à-vis duquel elle a pris ses distances… et qui le lui rend bien. Pour le moment, les sondages indiquent que la candidature de Jeannette Jara récolterait 29 % des intentions de vote le 16 novembre.
Une première place, certes, mais, tout comme les 38 % atteints en faveur du référendum constitutionnel de 2022, un score insuffisant pour marquer l’histoire d’une victoire. Réponse dans les semaines à venir.
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