vendredi, novembre 17, 2006

MORT DE L'INSPIRATEUR ÉCONOMIQUE DE REAGAN, THATCHER ET PINOCHET.


Peu d'économistes ont vu leur nom associé d'aussi près à des politiques. Il y eut Keynes, bien sûr, et, de manière presque symétrique, Milton Friedman. Celui qui a inspiré l'action de Ronald Reagan, dont il a été un conseiller, et de Margaret Thatcher s'est éteint hier à San Francisco, suite à un problème cardiaque, à l'âge de 94 ans. Prix Nobel d'économie en 1976, il fut le défenseur inlassable de l'ouverture des marchés, de la réduction des impôts et des dépenses publiques. Une position qu'il aimait résumer par cette simple phrase : «Personne ne dépense l'argent de quelqu'un d'autre aussi consciencieusement que le sien.» Manière de signifier que la dépense publique impliquerait nécessairement gaspillage et inefficacité.

Banques centrales. 

Friedman est le principal représentant du courant monétariste. Selon lui, il existe un lien étroit et stable entre la quantité de monnaie en circulation et l'inflation. La hausse des prix peut ainsi être contrôlée en réglant cette quantité de monnaie, tâche qui revient aux Banques centrales au moyen de la fixation des taux d'intérêt directeurs. Aujourd'hui, les principales d'entre elles ont pour priorité d'éviter l'inflation, une mission héritée de cette théorie. L'économiste s'est fait connaître en 1962 avec son livre Capitalisme et liberté. Il y prône un gouvernement dont le rôle se limiterait à fixer les règles du jeu et à veiller à leur application. «Les marchés réduisent considérablement l'éventail des sujets qui doivent faire l'objet d'une décision politique et, en conséquence, minimisent le besoin de participation directe du gouvernement.»


Né à New York en 1912, il fut embauché en 1946 comme enseignant à l'université de Chicago. Il y restera jusqu'en 1976 et devint le chef de file de ce qu'on appela par la suite «l'école de Chicago», un groupe d'économistes aux convictions monétaristes et libérales. C'est en 1956 qu'il formalise la théorie monétariste, en affirmant dans un ouvrage que l'augmentation de la quantité de monnaie, si elle a un effet à court terme sur la production et l'emploi, n'a d'autre impact à long terme que l'augmentation des prix. Un an plus tard, il s'en prend à un autre aspect de la théorie keynésienne en montrant que la consommation ne dépend pas du revenu immédiat des gens, mais de l'anticipation qu'ils font de leurs revenus tout au long de leur vie.

Prostitution. 

En 1975, Friedman fait un voyage controversé au Chili, avec d'autres professeurs de son université, pour y rencontrer Augusto Pinochet. Un an plus tard, la cérémonie de remise du prix Nobel à Stockholm se déroulera sur fond de manifestations critiquant l'économiste pour ses conseils prodigués au dictateur chilien. En théoricien accompli, Milton Friedman soutenait la dépénalisation des drogues ou la libéralisation de la prostitution. Il s'est également montré sceptique au moment de la création de l'euro, aux allures de monopole monétaire contraire à un libre marché des changes entre les devises.

Jusqu'à sa mort, Friedman n'a jamais été ébranlé dans ses convictions. Interrogé en juin 2004 par le Wall Street Journal, il répondait que «réduire la taille et l'étendue du gouvernement» restait le principal défi économique. Et il affichait une confiance totale dans la mondialisation pour réduire «les différences entre les pays» et permettre à ceux du Sud de «parvenir à la croissance économique et à la prospérité».

Par Laurent MAURIAC