Si la France élit une femme en mai prochain,ce ne sera pas la première fois qu’elle fera comme le Chili. C’est en tout cas l’avis – lyrique – d’un universitaire franco-chilien.
Dans chaque port/attend une femmePablo Neruda
J’ai deux pays, le Chili et la France, comme plusieurs milliers de mes compatriotes qui, pendant les jours sombres de notre histoire, se sont vus contraints de demander la protection des autorités françaises. Les deux pays ont connu des épisodes similaires ces quarante dernières années. Le Chili a été le premier à porter au gouvernement une coalition de socialistes et de communistes par le biais du suffrage universel. Il faut rappeler l’implication de François Mitterrand dans la campagne du futur président Salvador Allende, qui s’était traduite par deux visites du Français au Chili à la veille de l’élection présidentielle de 1970. Près de vingt ans plus tard, le 14 juillet 1989, Mitterrand invitait plus de 100 chefs d’Etat à un déjeuner au palais de l’Elysée à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française. A droite du président, Hortensia Bussi, la veuve de Salvador Allende, représentait tous les Chiliens, malgré les protestations officielles de Pinochet. Aujourd’hui, Michelle Bachelet, fille d’un général de l’armée de l’air chilienne, a bénéficié, depuis le début de son ascension vers le palais présidentiel de la Moneda, du soutien de la fille d’un colonel français qui s’est elle aussi rendue dans notre pays pour être aux côtés de la candidate. Michelle Bachelet a depuis lors reçu des mains de son prédécesseur, Ricardo Lagos, l’écharpe présidentielle, qui a fait d’elle la première femme à accéder à la magistrature suprême du pays. Ségolène Royal, elle, est officiellement la candidate du Parti socialiste à la présidence française et certains sondages la donnent gagnante. Elle recevra probablement en mai prochain le symbole du pouvoir des mains de Jacques Chirac, devenant ainsi la première présidente de la République française. Mes deux pays ont avancé ensemble, peut-être sans s’en rendre compte, sur les chemins de l’Histoire. Et cela sans parler de l’intérêt profond de Bernardo O’Higgins et plus encore de José de San Martín [les deux grandes figures de l’indépendance du Chili] pour les campagnes napoléoniennes, ni de ce que notre diplomatie doit à l’organisation française en politique étrangère. Le Chili a pour la première fois une femme pour président. La France en aura une en mai. De nouveau, les histoires de mes deux pays se rencontrent et s’entremêlent. Il est important, je crois, que nous regardions vers cette lointaine République européenne où nous avons toujours eu notre place à table, où nous avons toujours été estimés, respectés et compris, contre vents et marée.
André Grimblatt Hinzpeter
André Grimblatt Hinzpeter