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PHOTO WORT.LU Crimes, tortures, pédophilie, trafic d’armes, esclavage... La Colonia Dignidad est un concentré des pires actes dont est capable l’espèce humaine. Fondée par un ancien nazi, cette colonie a bafoué les droits de l’homme en toute impunité durant près de quarante ans. Dans un documentaire exceptionnel, diffusé dimanche soir sur France 5, le réalisateur chilien José Maldavsky retrace l’histoire de cette «colonie dignité».
En septembre 1961, l’ancien nazi Paul Schäfer s’installe au Chili où il achète un immense domaine. Derrière ce que beaucoup considèrent comme une organisation de bienfaisance se cache une secte nazie et pédophile, entourée de barbelés et de miradors. Face à la caméra, les ex-colons témoignent d’un système esclavagiste, totalement coupé de la société. Pour Hernan Fernandez, avocat des victimes de pédophilie, « c’est le seul exemple dans le monde d’un système entièrement conçu pour satisfaire les perversions sexuelles pédophiles du leader d’une organisation ». Autre caractéristique de la colonie : elle est le relais de la dictature de Pinochet. « La situation stratégique de la colonie et son anticommunisme la conduisent à participer au coup d’État contre Allende le 11 septembre 1973, raconte José Maldavsky. Ensuite, elle devient un camp de tortures pour Pinochet. » Paul Schäfer met au service du dictateur chilien ce qu’il a appris sous Hitler. Durant près de quatre décennies, l’ancien nazi continue ses exactions en toute impunité. Il faudra attendre mars 2005 pour qu’il soit arrêté en Argentine où il s’est réfugié. Il est jugé au Chili et condamné à vingt ans de prison pour abus sur des mineurs. Il fait figure de principal accusé dans le seul procès de la dictature chilienne qui s’ouvrira en France en 2008.
Document à charge, ce film est une suite impressionnante de témoignages : ex-colons, avocats, juges, députés, anciens prisonniers politiques, préfets, colons, etc. Fait exceptionnel, Manuel Contreras, chef de la police secrète de Pinochet et son adjoint Pedro Espinoza, actuellement en prison au Chili, ont accepté de témoigner. «C’est la seule interview accordée par Contreras depuis qu’il est incarcéré, précise le producteur, Tancrède Ramonet. Il a accepté parce qu’à l’époque, il ne supportait plus que Pinochet se dédouane sur lui, il voulait donner sa version des faits.» Il a fallu deux ans d’investigation au réalisateur pour réunir ces témoignages : «Ça a été un travail de fourmi de réussir à tous les convaincre de l’importance de témoigner. Mais la vérité devait sortir.» Pour le réalisateur aussi, ce documentaire sert de thérapie. Journaliste, il a lui-même été emprisonné et torturé dans les geôles de Pinochet : «Ce film m’a permis d’aller au bout d’une situation que j’ai connue. J’ai pu avoir une vraie réflexion et me libérer.» Colonia Dignidad sera diffusée en Suisse, aux États-Unis et au Canada : «Je fais des films pour la planète, conclut José Maldavsky. Il est important que ce film soit vu partout dans le monde, parce que ça peut se reproduire n’importe où. Le fascisme n’est pas mort.»
Colonia Dignidad, une secte nazie au pays de Pinochet, à voir dimanche 1er avril, à 21 h 40 sur France 5 (90 min.).
Marie Barbier