jeudi, février 07, 2008

UNE VIEILLE QUERELLE DE FRONTIÈRES REFAIT SURFACE


Le dernier conflit frontalier entre deux pays d’Amérique latine a eu lieu en 1995. Mais le spectre de la discorde refait son apparition dans la région.

Il y a douze ans, pendant la guerre dite “du Cenepa” [du nom du district péruvien contesté], l’Equateur et le Pérou avaient pris les armes pour se disputer un territoire frontalier délimité en 1942 par le protocole de Rio. Face au coût humain et financier du conflit, mais surtout à son inutilité, les uns comme les autres avaient fini par reconnaître que la guerre était le pire mode de résolution des différends territoriaux.

Depuis plusieurs mois, les tensions hier apaisées n’ont cessé de se raviver, en raison notamment de l’arrivée au pouvoir de gouvernements populistes qui ont placé ces enjeux limitrophes au cœur de leur campagne, mais aussi parce que subsistent des haines et des rancœurs de longue date.

Dans ce dernier “round”, le Chili et le Pérou se disputent 35 000 kilomètres carrés dans l’océan Pacifique, une zone riche en anchois, poisson qui entre dans la fabrication d’une farine dont le Pérou est le premier producteur mondial. Le gouvernement du président péruvien, Alan García, vient donc de déposer devant la Cour internationale de justice de La Haye une plainte contre son voisin, exigeant que cette zone soit reconnue comme faisant partie du Pérou. Le Parlement péruvien a d’ailleurs entériné son intégration l’année dernière en adoptant une loi ad hoc et a réalisé des cartes où la frontière est délimitée de façon unilatérale

Le Pérou se fonde pour cela sur la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, en vertu de laquelle les pays peuvent réclamer la souveraineté sur 320 kilomètres de plateau continental à partir d’un point de leur territoire. Les autorités de Lima ont ainsi délimité leur frontière maritime avec le Chili suivant une diagonale qui part de leur frontière terrestre.

Il s’agit en fait d’un conflit beaucoup plus profond : il y a près d’un siècle et demi déjà, les deux pays, ainsi que la Bolivie, s’étaient violemment affrontés et la guerre du Pacifique avait été remportée par le Chili ; le Pérou comme la Bolivie perdirent de larges pans de leur territoire tant maritime que terrestre. Aujourd’hui, pour les Péruviens, cette revendication est une question d’orgueil. Et plus encore pour les Boliviens, qui ont dû tirer un trait sur leur seul accès à la mer.

La querelle péruano-chilienne actuelle est compliquée par l’offre faite par le gouvernement de [la présidente du Chili] Michelle Bachelet à la Bolivie : Santiago a proposé de mettre fin à la dispute en donnant aux Boliviens des droits d’exploitation (mais pas la souveraineté) sur un corridor qui leur donnerait accès au Pacifique. Pour le Pérou, cela déboucherait sur une reconnaissance des frontières que les Chiliens tiennent pour acquises. Pour l’universitaire Antonio Rengifo, la façon dont on résoudra ce conflit et d’autres querelles territoriales sera décisive, car elle créera un précédent pour tout le XXIe siècle.