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Par Alan LoquetPORTRAIT - Devenue en quelques jours la voix la plus écoutée du Chili, cette médecin de 34 ans a réussi l’exploit de réunir l’ensemble des partis politiques pour alerter sur la crise sanitaire à venir.
FACE AUX ATERMOIEMENTS DES AUTORITÉS, IZKIA SICHES
RÉCLAME LA MISE EN QUARANTAINE DU PAYS.
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IZKIA SICHES PHOTO TWITTER |
Regard noir charbon, mains jointes et ton posé, la présidente de l’Ordre des médecins est devenue en quelques jours la voix la plus écoutée du Chili. La doctoresse de 34 ans a même réussi l’exploit de réunir l’ensemble des partis politiques pour alerter sur le «tsunami sanitaire à venir». Dans la foulée, elle a reçu les maires de la région de Santiago, les organisations patronales, syndicales et étudiantes. Une danse du ventre indispensable dans un pays où la parole publique est discréditée, avec un président - Sebastian Piñera (droite) - plafonnant à 6 % de soutien, selon les dernières enquêtes.
Dans un premier temps, la légitimité d’Izkia Siches s’est avérée essentielle pour faciliter l’acceptation des mesures prises par l’exécutif. En tête, le report du référendum portant sur un changement de Constitution, prévu initialement le 26 avril et reporté au 25 octobre. Une décision sensible dans un contexte de crise sociale sans précédent déclenchée par l’augmentation du prix du ticket de métro, en octobre dernier.
Depuis quelques jours, ce bref sentiment d’union nationale se délite devant les atermoiements du gouvernement. En réaction, la présidente de l’Ordre des médecins ne se contente plus du rôle de soupape de sécurité. «Izkia Siches pousse fort pour que soient prises au plus vite des mesures drastiques, dont la mise en quarantaine totale du pays, comme en Argentine, observe Matias Goyenechea, politologue et spécialiste des questions de santé publique. Elle fait face à la résistance de l’exécutif qui rechigne à donner accès aux données qui permettraient d’améliorer la gestion de crise. Pire, les autorités jouent la montre pour éviter à tout prix un ralentissement de l’activité économique, en préservant les intérêts d’une minorité au détriment de la protection de tous les Chiliens.»
Depuis des années, elle promeut la défense du système public de santé, une gageure dans un pays où ce secteur est très largement privatisé. Interne dans un hôpital public d’un quartier populaire de Santiago, chargée des patients atteints du VIH, elle doit s’adapter chaque jour pour faire face aux carences du système, tout en prônant «une médecine plus humaine».
Réputée pour son franc-parler, elle n’hésite pas à critiquer vertement la répression des manifestations au plus fort de la crise sociale. «Ce ne sont pas des erreurs, mais plutôt des horreurs», tance alors la professionnelle de santé, en référence aux 460 cas de traumatismes oculaires provoqués par les tirs des carabiniers, selon les chiffres de l’Institut national des droits de l’homme, un organisme indépendant chilien.
Certains vont jusqu’à lui prêter un destin gouvernemental. Une idée balayée d’un revers de la main par Patricio Meza, vice-président de l’Ordre des médecins. «Ma collègue agit dans l’intérêt général, pour le bien du pays», où l’on recense 922 cas confirmés de Covid-19 et deux décès, selon un dernier bilan. «Nous devons éviter de suivre la même trajectoire que l’Italie, l’Espagne ou la France. Pour cela, nous allons avoir besoin de son intelligence, de ses connaissances, de son caractère et de sa force de persuasion pour traverser au mieux cette grave crise sanitaire», conclut-il.
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Interne à l’hôpital public
Depuis quelques jours, ce bref sentiment d’union nationale se délite devant les atermoiements du gouvernement. En réaction, la présidente de l’Ordre des médecins ne se contente plus du rôle de soupape de sécurité. «Izkia Siches pousse fort pour que soient prises au plus vite des mesures drastiques, dont la mise en quarantaine totale du pays, comme en Argentine, observe Matias Goyenechea, politologue et spécialiste des questions de santé publique. Elle fait face à la résistance de l’exécutif qui rechigne à donner accès aux données qui permettraient d’améliorer la gestion de crise. Pire, les autorités jouent la montre pour éviter à tout prix un ralentissement de l’activité économique, en préservant les intérêts d’une minorité au détriment de la protection de tous les Chiliens.»
En 2017, elle avait créé la surprise en devenant, à 31 ans, la première femme à prendre la tête de l’Ordre des médecins, une corporation réputée pour son conservatismeCe n’est pas la première fois que la médecin entend bousculer une institution. En 2017, elle avait créé la surprise en devenant, à 31 ans, la première femme à prendre la tête de l’Ordre des médecins, une corporation réputée pour son conservatisme. La native d’Arica, dans l’extrême nord du pays, s’était distinguée en se prononçant à titre personnel pour un accès total, libre et gratuit à l’avortement - partiellement dépénalisé il y a trois ans.
Depuis des années, elle promeut la défense du système public de santé, une gageure dans un pays où ce secteur est très largement privatisé. Interne dans un hôpital public d’un quartier populaire de Santiago, chargée des patients atteints du VIH, elle doit s’adapter chaque jour pour faire face aux carences du système, tout en prônant «une médecine plus humaine».
Destin gouvernemental
Réputée pour son franc-parler, elle n’hésite pas à critiquer vertement la répression des manifestations au plus fort de la crise sociale. «Ce ne sont pas des erreurs, mais plutôt des horreurs», tance alors la professionnelle de santé, en référence aux 460 cas de traumatismes oculaires provoqués par les tirs des carabiniers, selon les chiffres de l’Institut national des droits de l’homme, un organisme indépendant chilien.
Elle a été à la tête de plusieurs organisations à l’université et a participé au mouvement étudiant de 2011. Elle a toujours eu en elle ce leadership Matias Goyenechea, politologue et spécialiste des questions de santé publiqueIzkia Siches se revendique de gauche - elle a milité chez les Jeunesses communistes - mais réfute toute appartenance à un parti. Elle n’hésite pas à remettre en cause le ministre de la Santé ou à cogner sur Daniel Jadue, le très populaire maire PC d’une commune de Santiago, qui préconisait d’importer un médicament cubain pour soigner le Covid-19. «Elle a été à la tête de plusieurs organisations à l’université et a participé au mouvement étudiant de 2011, détaille Matias Goyenechea. Elle a toujours eu en elle ce leadership.»
Certains vont jusqu’à lui prêter un destin gouvernemental. Une idée balayée d’un revers de la main par Patricio Meza, vice-président de l’Ordre des médecins. «Ma collègue agit dans l’intérêt général, pour le bien du pays», où l’on recense 922 cas confirmés de Covid-19 et deux décès, selon un dernier bilan. «Nous devons éviter de suivre la même trajectoire que l’Italie, l’Espagne ou la France. Pour cela, nous allons avoir besoin de son intelligence, de ses connaissances, de son caractère et de sa force de persuasion pour traverser au mieux cette grave crise sanitaire», conclut-il.
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DESSIN MARCO DE ANGELIS |