mercredi, juin 08, 2022

RÉFORME CONSTITUTIONNELLE AU CHILI : UNE OCCASION HISTORIQUE D’ENTÉRINER LES DROITS DE L’HOMME

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PHOTO IVAN ALVARADO

Lorsqu’elle avait 10 ans, Elisa Loncon, qui a grandi dans la région l’Araucanie au Chili, devait marcher pendant une heure sur un chemin de terre pour aller à l’école, puis une autre heure pour rentrer chez elle. Parfois, un bus qui passait s’arrêtait pour elle, facilitant ainsi le trajet de huit kilomètres. Malgré les difficultés, elle s’estimait chanceuse : elle avait des chaussures, alors que sa mère marchait pieds nus, les pieds couverts d’ampoules.

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Cette Chilienne, qui appartient à la communauté autochtone mapuche, a été élue première présidente de l’assemblée constitutionnelle du Chili, l’organe chargé de rédiger la nouvelle constitution du pays.

« Jamais auparavant les communautés autochtones du Chili n’avaient été invitées à participer à la rédaction d’une nouvelle constitution », a déclaré Mme  Loncon, qui, pour subvenir aux besoins de sa famille, vendait des légumes sur un marché local, avant de devenir linguiste et professeure à l’Université de Santiago, où elle a obtenu deux doctorats.

« Pour la première fois de notre histoire, des Chiliennes et des Chiliens de tous horizons et de tous bords politiques participent à un dialogue démocratique », a-t-elle ajouté.

La réforme constitutionnelle au Chili représente un moment déterminant pour cette nation d’Amérique du Sud. Rédigé par une assemblée constitutionnelle composée d’un nombre égal de femmes et d’hommes, le projet consacre les droits de l’homme et les valeurs d’une société plus égalitaire et inclusive, et accorde une attention particulière aux groupes historiquement exclus, ainsi qu’à la protection des droits économiques et sociaux.

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Cette réforme constitutionnelle est épaulée par le bureau régional du HCDH pour l’Amérique du Sud. Dans le cadre du projet intitulé « Chile: Los derechos humanos al centro de la nueva Constitución » (Chili : les droits de l’homme au cœur de la nouvelle constitution), le bureau régional a notamment organisé des webinaires, des auditions publiques avec les différents comités de l’assemblée et des groupes de la société civile, et la publication d’une série de documents courts, clairs et accessibles qui résument le cadre international des droits de l’homme.

Les 27 documents portent sur des droits de l’homme, des interdictions et des groupes vulnérables spécifiques, allant de l’accès à la justice et du droit à la réparation aux droits humains des femmes, des personnes d’ascendance africaine et des personnes LGBTI.

Selon Jan Jarab, représentant régional du HCDH pour l’Amérique du Sud, ce projet de nouvelle constitution intègre les normes relatives au droit international des droits de l’homme.

« Cette réforme constitutionnelle incite à la confiance, à l’espoir, et à l’établissement de bases permettant au pays de devenir plus égalitaire et plus juste. »

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Une constitution née de troubles sociaux

La réforme constitutionnelle est le résultat d’un large accord national entre les divers partis politiques chiliens pour mettre fin à un mouvement de contestation populaire contre les inégalités et les services publics inadaptés qui a éclaté en octobre 2019. Des millions de Chiliens avaient envahi les rues et les places publiques du pays pour appeler au changement.

Appelé estallido social (troubles sociaux), ce mouvement était un appel à plus de justice et de dignité pour l’ensemble de la population, et avait pour but de dénoncer les profondes inégalités économiques et sociales. Un an après le début des manifestations, les Chiliens se sont prononcés, à une écrasante majorité, en faveur de la rédaction d’une nouvelle constitution. Lors d’un scrutin ultérieur, ils ont élu les 155 membres de l’assemblée constitutionnelle. 

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Pour Marcela Guillibrand, qui fait partie du groupe de la société civile Ahora Nos Toca Participar (Il est temps de participer), la nouvelle constitution offre au Chili l’occasion de surmonter les injustices structurelles, de réaffirmer son engagement en faveur des droits de l’homme et d’ouvrir la voie à un développement durable et inclusif qui ne laisse personne de côté.

« Notre constitution actuelle ne répond pas aux exigences sociales et économiques des Chiliens et ne reflète pas la société actuelle dans toute sa diversité. » MARCELA GUILLIBRAND, DU GROUPE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE AHORA NOS TOCA PARTICIPAR

« En termes d’égalité et de droits de l’homme, ce projet représente un énorme pas en avant et inclut bon nombre des changements profonds que les Chiliens réclament depuis des années. »

Participation démocratique

RÉFÉRENDUM 
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La réforme constitutionnelle est sans précédent en raison de ses mécanismes participatifs, qui ont permis à des communautés historiquement discriminées de participer au processus, a déclaré Valentina Contreras, la représentante chilienne de l’organisation de la société civile Global Initiative for Social, Economic and Cultural Rights (GI-ESCR).

Selon elle, le projet de constitution est le fruit d’un dialogue riche et varié au sein de l’organe représentatif. Le projet accroît l’autonomie des territoires autochtones, renforce les droits environnementaux et fait de la lutte contre les changements climatiques un devoir constitutionnel pour l’État.

« Les droits de l’homme sont le fil conducteur de cette réforme constitutionnelle », a déclaré Valentina Contreras.

Selon Elisa Loncon, ce projet de constitution inclut pour la première fois les droits des populations autochtones. Les droits des peuples autochtones sont absents de la charte actuelle. Sur les 155 sièges de l’assemblée constitutionnelle, 17 étaient réservés aux peuples autochtones.

Pour Mme Loncon, la réforme constitutionnelle est une occasion unique pour le Chili de régler une dette historique envers les communautés autochtones et d’établir un nouveau contrat social fondé sur la coexistence respectueuse des différents groupes nationaux et culturels du pays.

Un référendum national pour voter sur la nouvelle constitution est prévu pour le 4 septembre. Si elle est approuvée, elle remplacera la charte actuelle, qui avait été rédigée en 1980 sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990) et avait subi plusieurs modifications par la suite.

« Les êtres humains reprennent espoir », a-t-elle affirmé. « Ce rêve est en train de devenir réalité. »

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RÉFÉRENDUM SUR LA NOUVELLE CONSTITUTION  4S 2022
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