samedi, novembre 05, 2022

LE CHILI MISE SUR LE TRAIN

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PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT

Transport et environnement / Largement abandonné sous la dictature, le réseau ferroviaire chilien fait l’objet d’un plan de relance de 14 milliards CAN. Malgré les grandes distances et la densité de population relativement faible — comme au Canada —, le Chili mise sur le train pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et la congestion routière.

TEXTE JEAN-THOMAS LÉVEILLÉ / PHOTOS SARAH MONGEAU-BIRKETT

 (Chimbarongo, Chili) 

Prise d’assaut par la végétation et les graffitis, ses portes et fenêtres disparues, la petite gare de Chimbarongo n’a pas accueilli de train depuis quelques décennies.

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Comme tant d’autres au Chili, cette station située à quelque 150 kilomètres de la capitale, Santiago, a été abandonnée, au grand dam de l’entreprise qui possède aujourd’hui le vignoble voisin, dont les vins sont exportés partout dans le monde.

LA PETITE GARE DE CHIMBARONGO, EN DÉCRÉPITUDE 
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT


LA PETITE GARE DE CHIMBARONGO, EN DÉCRÉPITUDE 
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT

LE RETOUR DU TRAIN SERAIT « UNE IMMENSE AMÉLIORATION
POUR TOUTE LA COMMUNAUTÉ », ESTIME SOLEDAD MENESES PASTÉN,
CHEFFE DES COMMUNICATIONS ET DE L’ŒNOTOURISME DE CONO SUR. 

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« On pense à l’utiliser depuis nos tout débuts », confie à La Presse Soledad Meneses Pastén, cheffe des communications et de l’œnotourisme de Cono Sur, qui vinifie à Chimbarongo les raisins provenant de la dizaine de domaines viticoles qu’elle possède au Chili.

Le vin de Chimbarongo a d’ailleurs déjà voyagé par train, avant que Cono Sur n’achète le domaine de 300 hectares en 1996, souligne-t-elle en montrant le portail dans la clôture du vignoble, qui donnait directement accès à la gare, à une certaine époque.

Le retour du train serait aussi « une immense amélioration pour toute la communauté », estime Mme Meneses Pastén, qui évoque les gens devant se déplacer dans d’autres villes pour différents services, les étudiants voyageant vers la capitale et les touristes venant visiter la région.

Ce jour pourrait venir, puisque le train amorce son retour avec le Plan national de développement ferroviaire du gouvernement chilien, qui prévoit des investissements équivalant à 14 milliards de dollars canadiens, dont le tiers concerne des projets déjà lancés.

JUAN CARLOS MUÑOZ ABOGABIR, MINISTRE DES
TRANSPORTS ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS DU CHILI
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« On ne fait pas qu’étendre le réseau, le ramener à ce qu’il était avant ; on améliore aussi le service, on augmente la fréquence, on achète de nouveaux trains et on réutilise les vieux pour tester de nouveaux services là où il n’y a pas de service du tout », explique le ministre des Transports et des Télécommunications du Chili, Juan Carlos Muñoz Abogabir, que La Presse a rencontré à Santiago.

Tripler les passagers, doubler les marchandises

Le gouvernement chilien ambitionne de faire passer le nombre de passagers voyageant par train de 51 millions en 2019 (avant la pandémie) à 150 millions par année d’ici 2030, et compte augmenter de 11 millions à 22 millions de tonnes la quantité de marchandises transportées annuellement sur les rails.

DES TRAINS ET DES PASSAGERS DANS
LA GARE CENTRALE DE SANTIAGO.
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT

DES TRAINS ET DES PASSAGERS DANS
LA GARE CENTRALE DE SANTIAGO.
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT

DES TRAINS ET DES PASSAGERS DANS
LA GARE CENTRALE DE SANTIAGO.
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Fait intéressant à noter : contrairement au Canada, l’essentiel du réseau ferroviaire chilien appartient à l’entreprise publique de transport de passagers EFE (pour Empresa de los Ferrocarriles del Estado, littéralement « Compagnie des chemins de fer de l’État »), que les sociétés privées transportant des marchandises paient pour emprunter.

Environ la moitié des nouveaux passagers proviendront de la bonification des services de train de banlieue, assurés par EFE, explique le ministre Muñoz.

«  Une fois que vous êtes parvenu à assurer une forte desserte des banlieues, que vous avez une demande assurée, vous pouvez commencer à penser à aller plus loin. Il faut y aller petit à petit.  »

Juan Carlos Muñoz Abogabir, ministre des Transports et des Télécommunications du Chili

 L’ESSENTIEL DU RÉSEAU FERROVIAIRE CHILIEN APPARTIENT
À L’ENTREPRISE PUBLIQUE DE TRANSPORT DE PASSAGERS EFE.
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Le reste des efforts sera investi entre Valparaíso et Puerto Montt, un corridor de quelque 1100 km où se concentre 86 % de la population chilienne, la même distance que le corridor Québec-Windsor, où vit environ 57 % de la population canadienne.

Un nouveau pont ferroviaire est en construction à Concepción, des rails démantelés sont réinstallés çà et là, d’autres — toujours présents — sont remis en état, énumère le ministre, citant quelques-uns des 140 projets de son plan de relance du train.

Concurrencer l’avion

Dans un pays aussi étendu que le Chili, le train fait face à une forte concurrence de l’avion, d’autant plus que l’offre à bas prix abonde, reconnaît le ministre Juan Carlos Muñoz Abogabir.

C’est pourquoi son plan mise d’abord sur le développement des liaisons ferroviaires de moins de 500 km, pour lesquelles « le train est un concurrent formidable de l’avion », dit-il.

« Une fois que vous avez ça, vous pouvez rêver à des trajets plus longs », ce qu’il fait lui-même en évoquant d’éventuels trains de nuit avec couchettes, qui permettraient de relier la capitale à des villes éloignées, évitant les départs très matinaux ou les nuitées à l’hôtel qu’impose l’avion.

LE GOUVERNEMENT ESTIME QUE L’INVESTISSEMENT DANS LE
RÉSEAU FERROVIAIRE EST ESSENTIEL POUR ATTEINDRE
LA CARBONEUTRALITÉ, AINSI QUE POUR RÉDUIRE LA
CONGESTION ROUTIÈRE ET LES ACCIDENTS DE LA ROUTE.
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L’investissement en vaut la peine, croit le ministre, pour qui le train — qui est en grande partie électrique, au Chili — est essentiel pour atteindre la carboneutralité, mais aussi pour réduire la congestion et les accidents de la route.

C’est pourquoi son gouvernement en a fait « l’un des six piliers » de son mandat, qui s’est amorcé à la fin de l’année dernière avec l’élection du président de gauche Gabriel Boric.

Mais le développement du train est une « décision d’État » qui dépasse la couleur du parti au pouvoir, insiste le ministre Muñoz, qui veut éviter d’en faire un sujet clivant, parlant d’un « effort national ».

« On n’a pas défait le plan du gouvernement précédent, dit le ministre. C’est une course à relais. »

LE TRAIN, VICTIME DE LA DICTATURE


LE TRAIN A PÂTI SOUS LA DICTATURE, QUI NE LE JUGEAIT
QUE DANS UNE OPTIQUE DE RENTABILITÉ FINANCIÈRE.
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT

Construit à partir de 1851, le réseau ferroviaire chilien reliait à son apogée Puerto Montt à Iquique, sur quelque 2800 km, sans compter les nombreux embranchements secondaires. Aujourd’hui, le réseau ne compte plus que 2200 km au total. «À la fin des années 1970, sous la dictature [d’Augusto Pinochet], l’approche économique était très orientée vers une philosophie d’entreprise privée voulant que les rails devaient générer des revenus pour l’État », ce qui a mené à l’abandon de plusieurs liaisons, rappelle le ministre des Transports et des Télécommunications du Chili, Juan Carlos Muñoz Abogabir. À la fin des années 1980, la pertinence de conserver une entreprise ferroviaire publique était même remise en question, ajoute-t-il.


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