[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
Analyse En dix ans de pontificat, le pape François s’est attaqué au fléau de la pédocriminalité. Le scandale de la gestion des violences sexuelles dans l’Église du Chili avait été tel en 2018 qu’il avait conduit l’épiscopat à présenter sa démission. Cinq ans plus tard, la défiance envers l’Église atteint toujours des records. [Luc 18:16- Mais Jésus appela à lui ces enfants, en disant : " Laissez les petits enfants venir à moi, ne les empêchez pas ; car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu.]
ILLUSTRATION THOMAS AZUELOS
Temps de Lecture en 3 min.
PHOTO LA CROIX |
Le geste avait frappé les esprits : en mai 2018, l’ensemble des évêques alors en poste au Chili remettaient leur charge dans les mains du pape François. La décision était une réponse au fiasco du voyage papal dans leur pays quelques mois plus tôt, qui avait mis en lumière leur gestion calamiteuse des violences sexuelles commises par des membres du clergé chilien… Cela avait éclaboussé au passage François, qui s’était empêtré dans la défense de l’un d’entre eux.
► À lire aussi : MORT DE MGR BERNARDINO PIÑERA CARVALLO, PLUS VIEIL ÉVÊQUE DU MONDE
« Après la visite du pape, il est apparu clairement que, derrière les abus, se cachaient des problèmes relationnels et des questions structurelles qu’il fallait examiner de plus près afin de forger une culture de la prise en charge », analyse Mgr Sergio Pérez de Arce Arriagada, évêque de Chillán et secrétaire général de la Conférence épiscopale du Chili. Depuis, liste-t-il, nombre de mesures ont été prises, allant du «renforcement » du conseil de prévention – « dont la présidence est désormais confiée à une femme laïque et non à un évêque » – à diverses mesures de formation des agents pastoraux. En parallèle, le nombre de procédures pénales contre des prêtres a « augmenté de manière significative », aboutissant sur le plan canonique à la perte de l’état clérical pour nombre d’entre eux.
Les évêques démissionnaires toujours majoritaires
Ces mesures ne semblent toutefois pas convaincre les Chiliens. Selon un récent sondage, seul un sur cinq déclare faire confiance à l’Église catholique – contre sept sur dix il y a seulement quinze ans. Une situation « tout à fait compréhensible, étant donné la gravité des crimes commis », reconnaît l’évêque de Chillán.
[ Cliquez sur la flèche pour visionner la vidéo ]
Pour certains, à l’instar de José Andrés Murillo, cofondateur d’une association de protection des mineurs, lui-même victime d’un prêtre dans sa jeunesse, l’attitude même des évêques ne permet pas de restaurer la confiance. « Seuls un ou deux membres de la Conférence épiscopale veulent faire avancer les choses, les autres restent dans une attitude d’attente que la tempête passe », tacle-t-il.
► À lire aussi : Au Chili, la paroisse du Sacré-Cœur tourne la page de la pédocriminalité, sans oublier
De fait, note l’historien des religions Marcial Sánchez Gaete, sur la trentaine de démissions remises entre ses mains en 2018, François n’en a finalement accepté que sept. Avec pour conséquence, selon l’historien, que l’épiscopat n’a pas fondamentalement été remanié depuis la crise de 2018 – même si quelques autres démissions se sont ajoutées aux sept initiales, notamment pour des raisons d’âge. « Les évêques nommés après 2018 restent minoritaires », note-t-il, y voyant un frein à un virage réel de l’épiscopat sur le sujet.
Une Église « spectatrice »
« Beaucoup de victimes espèrent des changements profonds, dans l’écoute et dans les procédures ainsi que dans le système ecclésial, mais cela ne se voit pas pour le moment », considère encore l’historien. Ainsi José Andrés Murillo espère une « véritable prise de conscience que lutter contre les abus implique des décisions sur la gestion, la répartition et sur l’exercice du pouvoir dans l’Église ». Pour lui, le financement par l’Église d’une commission indépendante, similaire à la Ciase française, serait un premier pas.
« Il reste encore beaucoup à faire pour contribuer aux voies de réparation des victimes », ce qui passe par un « changement culturel à l’intérieur de notre Église », reconnaît le secrétaire général de la conférence épiscopale. Il y a urgence car, bien que les Chiliens se détournent de la pratique, ils n’en perdent pas pour autant la foi. Un constat à double tranchant, selon Marcial Sánchez Gaete : « l’Église n’intéresse plus », et la religiosité semble parvenir à s’exprimer sans elle.
Autre conséquence, l’Église catholique est restée hors du coup lors de l’important mouvement social, suivi d’une remise à plat constitutionnelle, qu’a connu le Chili ces dernières années. « Alors qu’elle avait été tellement importante pour la transition démocratique après la chute de Pinochet, analyse l’historien, elle n’a pas été au milieu du peuple cette fois-ci. Pour la première fois dans l’histoire du pays, elle est restée spectatrice. »
SUR LE MÊME SUJET :
- REMANIEMENT MINISTÉRIEL AU CHILI
- À LA UNE : NOUVEL ÉCHEC CUISANT POUR LE PRÉSIDENT CHILIEN GABRIEL BORIC
- CHILI : DEUX MORTS LORS D'UN BRAQUAGE AVORTÉ À L'AÉROPORT DE SANTIAGO
- CHILI: RETOUR À LA PHASE D'ÉCRITURE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION APRÈS L'ÉCHEC AU RÉFÉRENDUM
- JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES 2023