Au Chili, c'est ce jeudi 4 mai que se termine la campagne pour l’élection des conseillers constitutionnels. Pour la deuxième fois en trois ans, le pays rédige une nouvelle Constitution, après le rejet il y a 8 mois de celle écrite par une Convention constituante. Plus de 15 millions de personnes sont appelées aux urnes le dimanche 7 mai et vont devoir élire 50 conseillers qui seront chargés de poursuivre la rédaction du nouveau texte.
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RFI ÉMISSION «AMÉRIQUES / REPORTAGE»
«Chili: fin de la campagne pour l’élection
des conseillers constitutionnels» NAÏLA DERROISNÉ,
DIFFUSION ÉMISSION DU LUNDI 4 MAI 2023
Avec notre correspondante à Santiago, Naïla Derroisné
PHOTOMONTAGE DE FIN DE LA CAMPAGNE DE KAREN ARAYA |
Traditionnellement, lors d’élections, les rues de la capitale se remplissent de pancartes promotionnelles affichant le visage des candidats. Cette fois-ci c’est à peine si on en trouve. L’ambiance électorale n’a jamais vraiment décollé.
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Mais certains candidats se rendent tout même sur le terrain pour tenter d’informer et de convaincre. C’est le cas de Yerko Ljubetic, à gauche sur l’échiquier politique. Il distribue des flyers sur un marché dans une commune populaire du nord de Santiago.
« Avoir une Constitution écrite en démocratie, c'est le minimum de la dignité nationale. J’ai honte que l’actuelle ait été écrite sous la dictature. Et il faut que la nouvelle Constitution tienne compte également de ce qui s’est passé pendant la crise sociale, c'est-à-dire les revendications pour plus de droits sociaux. Nous avons la possibilité de résoudre cette crise de façon politique. Et ça, très peu de pays ont pu le faire », explique Yerko Ljubetic.
Ce sont aujourd’hui les partis politiques qui mènent la barque, contrairement au précédent processus où de nombreux constituants venaient de la société civile. Et selon Yerko cette nouvelle dynamique ne plaît pas à tout le monde. « Les gens voient ce processus comme un accord entre les partis politiques, où tout se fait à la va-vite et cuisiné en interne. Et cette idée s’est répandue dans la population. »
Un processus compliqué
Sans grand enthousiasme, le candidat discute et serre quelques mains, il salue également une jeune fille et lui tend un flyer. Sur son stand, Paula, 24 ans, vend des statuettes de bouddha et de l’encens.
« Le Chili a la possibilité d’écrire une constitution qui répond aux nécessités de notre temps. Nous pouvons écrire des normes pour avoir un bon système de santé, pour que l’eau ne puisse plus être privatisée. C’est très important, car il y a beaucoup de lois, de projets, qui n’ont jamais pu voir le jour parce qu'ils étaient anticonstitutionnels », comment la jeune femme.
Même si elle est emballée par l’idée d’une nouvelle constitution, Paula reconnaît que ce second processus n’est pas simple à comprendre : « La propagande de campagne à la télévision dure plusieurs minutes, mais c’est confus. Ils n’expliquent pas qu’il y a cinq alliances, ni combien de candidats se présentent. Pour moi, ce n’est pas clair, alors j’imagine que ça l’est encore moins pour ceux qui ont du mal à saisir ce genre de choses. »
Et selon un sondage réalisé un mois avant le vote, la moitié de la population disait ne pas s’intéresser à l’élection. Octavio Avendaño est sociologue à l’Université du Chili.
« Les sujets qui préoccupent le plus les Chiliens aujourd’hui sont : la délinquance, la migration, la sécurité interne ou encore l’inflation. La nouvelle Constitution n’apparaît que très peu, par conséquent, il n’y a pas d’attente particulière. Les gens se demandent pourquoi il y a un nouveau processus. Et pourquoi les moyens qui lui sont alloués ne sont pas plutôt destinés à des sujets plus urgents. C’est ça ce que pense le citoyen lambda aujourd’hui », estime Octavio Avendaño.
Ce désintérêt notoire est également très fort chez près de 5 millions de Chiliens qui avaient, il y a 8 mois auparavant, voté en faveur du premier texte écrit par la Convention constituante.
« Pour une partie importante de la population, et pour le secteur de la gauche, le processus constitutionnel a échoué le 4 septembre dernier. Et celui qui est en cours est complètement différent du précédent, car il est entre les mains des élites et des partis politiques. C’est la vision d’une partie de la population qui était notamment très mobilisée lors de la crise sociale », ajoute Octavio Avendaño.
Selon l’académicien, les partis de droite et d’extrême droite pourraient obtenir une majorité de sièges si la participation au scrutin est élevée, et il est probable qu’elle le soit puisque le vote est obligatoire.
Le dimanche 7 mai 2023 aura lieu l'élection de 50 citoyens et citoyens qui discuteront et approuveront une proposition de texte pour une nouvelle constitution |
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