vendredi, avril 26, 2024

KANT A 300 ANS, ET QU’ON DIRAIT PAS

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EMMANUEL KANT


DIFFUSION MERCREDI 26 AVRIL 2024 

Kant a 300 ans, et qu’on dirait pas / À l'occasion du tricentenaire de la naissance d'Emmanuel Kant (1724 - 1804), les Matins de France Culture reviennent sur la pensée et la personnalité du singulier philosophe allemand. Universalisme, religion, morale : être kantien est-il encore synonyme de modernité ?

Avec Michaël Foessel Philosophe, spécialiste de la philosophie allemande et de la philosophie contemporaine, et professeur à l'école Polytechnique
EMMANUEL KANT
Pour y répondre, Guillaume Erner reçoit Michaël Fœssel, philosophe, professeur à l’École polytechnique, conseiller à la direction de la revue Esprit et codirecteur de la collection "L’Ordre philosophique", chez Seuil. Il a co-écrit Kant (in)actuel (PUF, 2024) et publié Kant et l'équivoque du monde en 2022 aux éditions du CNRS.

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Repenser la manière de savoir

Si nous célébrons aujourd’hui sa naissance le 22 avril 1724, il faut attendre ses 57 ans pour qu’Emmanuel Kant publie sa Critique de la raison pure en 1781, le texte fondateur de sa renommée. Un ouvrage radical de la pensée philosophique moderne et qui a eu une influence majeure sur l'avenir de la discipline. Michaël Fœssel nous aide à saisir la portée de cette "critique" : "Kant est un philosophe qui essaye de montrer que la première démarche philosophique n’est pas seulement le doute, mais justement la critique. Aujourd’hui, nous avons l’habitude de considérer la philosophie comme un moyen de remettre en cause les autorités, les pouvoirs et les savoirs qui ne sont pas fondés. Cette évidence actuelle est en réalité un fondement kantien. Il est pleinement ancré dans la philosophie des Lumières en interrogeant les savoirs sans jamais les considérer comme dogmatiques ou indubitables."

Le 18ème siècle où vit Kant est celui de profondes crises de savoir où les controverses métaphysiques ne se comptent plus. Les penseurs réfléchissent et s’opposent sur des questions qui dépassent la nature et le sensible : que sont Dieu, l’âme, le monde… ? Des conflits théoriques qui souvent pouvaient aussi se traduire en affrontements d'une grande violence. Dans ce contexte, "Kant a voulu refonder la pensée pour sortir de la crise du savoir caractéristique de la fin du 18e siècle", affirme Michaël Fœssel. Il tentait de réfléchir non pas tant à ce que l'on pouvait savoir de Dieu, de la liberté, de l'âme, mais aux conditions qui faisaient que l'on pouvait avoir un savoir objectif. Cette critique est donc transcendantale. Celui qui l’adopte ne se jette pas dans l'arène des savoirs, ne prends pas parti immédiatement, mais interroge les conditions réflexives qui permettent de dire quelque chose sur Dieu, sur l'âme, sur la liberté." Comme un moyen de repenser la production de connaissances, "une réflexion sur les catégories du savoir".

Le modèle kantien dans le débat contemporain

Le modèle kantien, en s’interrogeant sur ces catégories de la pensée et de l’entendement, soutien un modèle politique où l’État s’éloigne de la morale pour ne faire allégeance qu’au droit. "Les conceptions substantielles du bien, s’opposent le plus souvent au nom de préceptes religieux, moraux ou anthropologiques à des modes et formes de vie. Aujourd’hui, la politique contemporaine semble se reconstituer en Europe autour du principe de conflit civilisationnel. Une vision que Kant a cherché à exorciser du politique, affirme Michaël Fœssel. Pour le philosophe des Lumières, la politique est une question de formes et non de fond, de droit et de procédures."
Notre invité se dit ainsi "inquiet" de cette tendance à vouloir faire parler l’autorité politique sur ce que doit être une bonne vie et par là d’un "retour en force du thème des valeurs. Notre République se fonde sur la raison et le polythéisme des valeurs, comme dirait Max Weber. Au fond, nous avons tous et toutes des évaluations et des préférences. La violence en politique commence là, une communauté porte ses propres valeurs et évaluation au rang de l’universel et veut les imposer aux autres."

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 IMMANUEL KANT (1724-1804),
DATE 1759
/ GRAVURE D'AUTEUR ANONYME
D'APRÈS UN TABLEAU ANONYME

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