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Reportage international / Des entraînements précaires à Cuba à l'évasion au Chili, le parcours de Yunerki Ortega / Participer aux Jeux olympiques constitue probablement le rêve de tout athlète. Mais pour certains sportifs cela représente aussi une porte vers l’exil. Comme pour cette judokate cubaine qui aurait profité des JO de Paris pour rester en France. Mais cet épisode n’a rien d’un cas isolé et Cuba fait face depuis plusieurs années à une véritable défection de ses athlètes qui se servent des compétitions internationales pour abandonner leur pays. L’année dernière, lors des Jeux Panaméricains de Santiago, onze sportifs cubains ont déserté leur délégation pour rester au Chili.
DES ENTRAÎNEMENTS PRÉCAIRES À CUBA À L'ÉVASION
YUNERKI ORTEGA, DE CUBA, PARTICIPE À LA FINALE 2019 À LIMA, AU PÉROU PHOTO CALIXTO N. LLANES |
Yunerki Ortega est un sportif dans l’âme. Assis à la terrasse d’un café, il raconte avoir commencé enfant avec le karaté. Mais après un accident à l’âge de 15 ans, il perd la vue, se tourne alors vers la natation et devient nageur paralympique. « J’ai intégré la sélection nationale de Cuba à 16 ans, soit un an et six mois après avoir perdu la vue. C’est alors qu’a commencé une longue carrière de plus de 10 ans en sélection nationale », dit-il. Une carrière durant laquelle il remporte plusieurs titres panaméricains, il est même finaliste sur plusieurs courses aux JO de Londres et de Rio. « Je n’oublierais jamais cette première impression des Jeux paralympiques à Londres en 2012. C’est gravé dans mon cœur, comme quelque chose de grandiose pour moi », raconte-t-il.
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YUNERKI ORTEGA PONCE PHOTO FACEBOOK 2018 |
Mais il se souvient aussi des conditions d’entrainement très difficiles à Cuba. « L’alimentation était très mauvaise par rapport à nos niveaux d’entrainement. Très souvent, c'était un peu de riz et un œuf… Des fois après l’entrainement, ou même pendant, je m’évanouissais. Mais on se forçait pour être à niveau, car on nous disait : "Si tu ne fais pas ce que l’on attend de toi, tu es viré de la sélection". Cette menace planait sur moi en permanence ».
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La décision de déserter
Alors comme de nombreux athlètes cubains avant lui, Yunerki prend la décision difficile de déserter sa délégation. Ce sera lors des Jeux panaméricains de Santiago, fin 2023. « Un athlète mexicain m’a aidé à m’échapper. On a attendu que le gardien de sécurité s’en aille et vers 4-5 heures du matin, on a pu sortir. On a pris le premier bus d’athlètes qui allait vers la piscine et une fois arrivés là-bas je suis monté dans un taxi. J’ai demandé au chauffeur qu’il m’emmène le plus loin possible et pendant deux heures, nous avons parcouru toute la ville de Santiago », explique-t-il.
La peur de se faire attraper et l’angoisse d’être dans un pays totalement inconnu ne l’ont pas arrêté pour autant, malgré des débuts compliqués. « J’ai dormi dans la rue plusieurs jours. Tout ça pour moi, c'est comme renaître à nouveau. Je dois apprendre énormément de nouvelles choses. Mon cerveau doit analyser chaque espace et chaque nouveau lieu où je vais. À un moment, je me suis sincèrement demandé si j’y arriverais ».
La renaissance au Chili
Mais Yunerki n’a rien lâché et grâce à des mains tendues et quelques contacts, il a réussi à trouver du travail et même a intégré la sélection nationale de natation avec qui il s’entraine aujourd’hui. Son prochain objectif : nager pour le Chili aux JO de Los Angeles. « Ce serait le rêve que je souhaiterais accomplir, celui de représenter ce pays qui m’a ouvert ses portes. Que mes efforts soient reconnus pour ne plus me sentir comme un esclave ».
Mais avant de représenter le Chili, Yunerki va devoir demander la nationalité chilienne et cela prend du temps, mais ce n’est pas impossible… Deux autres athlètes cubains ont réussi à l’obtenir et concourent désormais sous le drapeau chilien.
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