(De Santiago du Chili.) Lors du traditionnel message du président de la République au Congrès, lundi 21 mai, Michelle Bachelet a cherché à conjurer la crise que traverse son gouvernement à coups de mesures sociales. Au plus bas dans les sondages, notamment à cause du mécontentement grandissant des habitants de Santiago face au nouveau système de transports urbains, la Présidente a délié les liens de la bourse pour mettre en oeuvre les réformes sociales qui étaient la base de ses promesses électorales.
Et pour financer ces réformes, "la Michelle", comme on l'appelle au Chili, a décidé de rompre (en partie) avec la pratique de l'excédent budgétaire que ses prédécesseurs à La Moneda, le Palais présidentiel, avaient rigoureusement respecté depuis l'accès au pouvoir de la Concertation, la coalition de centre gauche qui dirige le pays depuis la fin de la dictature.
Dès 2008, l'Etat chilien ne mettra de coté que 0,5% du PIB national, contre 1% aujourd'hui. Une modification qui permettra de dégager annuellement près de 700 millions d'euros. Une manne que la "chica superpoderosa" (la fille superpuissante) entend redistribuer à ceux qui en ont le plus besoin, et qui constituent la base de son électorat.
Premier secteur à bénéficier de cette nouvelle donne, l'éducation. 600 millions d'euros y devraient être affectés, portant à 3,7 milliards d'euros l’enveloppe destinée à l'amélioration du système éducatif. Une mesure qui fait écho à la "révolte des pingouins", lorsque les lycéens et étudiants du pays ont mené une grève de plus d'un mois en mai 2006 pour réclamer une éducation publique de meilleure qualité, et plus équitable.
Autre point fort : la création d'un régime solidaire de retraite, touchée par tous, y compris ceux qui n'ont pas cotisé, et d'une retraite minimum d'un peu plus de 100 euros par mois. La santé, sujet cher à la Présidente, pédiatre de formation, devrait aussi bénéficier d'une rallonge, avec la construction annoncée de 8 hôpitaux et de 42 cabinets médicaux publics à travers le pays. Dans le même temps, le nombre de pathologies couvertes par le Plan Auge, sorte de CMU locale, passera de 56 à 80.
Mais Michelle Bachelet n'a pas seulement pris des engagements financiers pour son pays. Depuis son accession au pouvoir, en mars 2006, la Présidente a fait de la défense des Droits de l'Homme une priorité. Fille d'un général assassiné par Pinochet, elle-même détenue et torturée dans l'un des centres les plus durs de la capitale chilienne, Mme Bachelet a annoncé la ratification par le Chili du traité de Rome créant le Tribunal Pénal International, ainsi que la création d'un jour national du détenu disparu (le 30 août), d'une nouvelle loi d'indemnisation des victimes de la dictature, et d'un Musée de la Mémoire.
Reste à savoir si ces promesses se concrétiseront, et surtout si elles auront les effets escomptés, notamment en termes d'opinion. Les prochaines élections municipales, début 2008, devraient fournir un premier élément de réponse à la Présidente.