En dissipant nos illusions sur nous-mêmes et sur le monde, la sociologie sait être à la fois utile et déprimante. Cet effet, l’ouvrage de Wolfgang Streeck, tiré des «Conférences Adorno» prononcées en 2012, le produira immanquablement. Car le rideau qu’il déchire n’est autre que la tranquille certitude entretenue depuis la guerre froide, puis renforcée par l’effondrement du communisme, de la compatibilité entre capitalisme et démocratie. En France, l’historien François Furet (1927-1997) et ses disciples ont longtemps nourri de cette conviction leur lecture de l’époque contemporaine.
COUVERTURE « DU TEMPS ACHETÉ »
Certes, que le fonctionnement du capitalisme le
plus déchaîné ait été aussi le fait de régimes autoritaires, voire dictatoriaux (du Chili post-Allende à la Chine actuelle), nous en avons de nombreux exemples. Mais on pouvait toujours s’imaginer que la liberté et le bien-être du plus grand nombre restaient à l’horizon, qu’il ne s’agissait là que d’incidents de parcours et que la liberté elle-même finirait par être au rendez-vous de la société de marché. A lire cet ouvrage, on comprend qu’il n’en sera rien et que, au contraire, la séparation des voies entre démocratie et capitalisme semble inéluctable.
LE SOCIOLOGUE ALLEMAND WOLFGANG STREECK |