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MANIFESTATIONS EN FAVEUR DU DROIT À L’AVORTEMENT À SANTIAGO, AU CHILI, LE 25 JUILLET 2019. PHOTO MARTIN BERNETTI / AFP |
La loi actuelle, qui permet le recours à l’IVG dans trois situations seulement, est très mal appliquée du fait, notamment, de l’objection de conscience invoquée par de nombreux médecins.
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Des milliers de Chiliennes sont descendues dans les rues des grandes villes du pays, jeudi 25 juillet, pour exiger le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le recours à l’avortement a été partiellement dépénalisé en août 2017 au Chili, mettant fin à vingt-huit ans d’interdiction totale de la pratique.
La loi, baptisée « ley tres causales » (« loi des trois cas »), promulguée par la présidente socialiste Michelle Bachelet juste avant la fin de son second mandat et le retour de la droite au pouvoir, permet en théorie d’avorter dans trois situations : risque pour la vie de la femme, non-viabilité du fœtus et viol.
Jeudi, quelque 20 000 personnes, selon le collectif Féministes en lutte (6 000, selon les autorités municipales) ont défilé dans les rues de Santiago avec des foulards verts – un symbole de la lutte pour l’IVG venu d’Argentine. L’autre mot d’ordre de la manifestation était la lutte contre le racisme, à l’occasion de la journée internationale de la femme noire latino-américaine et des Caraïbes.
Porte-parole des Féministes en lutte, Veronica Avila a souligné l’importance de faire coïncider les deux revendications pour exiger une loi qui n’exclue aucune femme en fonction de son origine ethnique. Elle a condamné « les politiques racistes, xénophobes et misogynes du gouvernement de droite et libéral » du président Sebastian Piñera, au pouvoir depuis le 11 mars 2018, et qui a nommé au ministère de la femme et de l’égalité des genres une farouche opposante à l’IVG, Isabel Pla.
Malgré la loi « tres causales », les féministes dénoncent la persistance des difficultés d’accès à l’avortement. Une étude récente sur l’application de la loi à travers le pays montre des résultats « très préoccupants », selon la députée communiste Camila Vallejo, qui dénonce de « nombreux obstacles » empêchant l’accès effectif au droit à l’avortement.
Gloria Maria, porte-parole de la Table d’action pour l’avortement au Chili, dénonce elle aussi « une course d’obstacles » pour les femmes qui ont pourtant le droit d’avorter : « Cela reste une prestation pratiquement clandestine car les femmes ne sont pas informées de leurs droits et il n’y a pas non plus de formation du personnel médical, regrette-t-elle. Le principal problème est l’abus [du recours à] l’objection de conscience de la part des médecins et des centres de santé, autorisé par la loi, qui rend difficile la pratique. »
Le texte voté en 2017 interdisait l’objection de conscience mais, un mois plus tard, sous la pression de l’Eglise catholique et de la droite ultraconservatrice, le tribunal constitutionnel a admis la reconnaissance d’une « objection de conscience institutionnelle », c’est-à-dire étendue collectivement à un centre de santé. De nombreux médecins et établissements privés ont manifesté leur refus de pratiquer des avortements, créant ainsi de nouvelles restrictions d’accès à l’avortement légal et sûr.
Les féministes chiliennes se sont massivement mobilisées l’an dernier contre la violence de genre et le sexisme à l’université.
Dans la foulée des Argentines, les féministes chiliennes sont depuis ces dernières années sur le pied de guerre. De façon inédite dans un pays où l’Eglise catholique est omniprésente et où le machisme est encore très prégnant dans les esprits, elles se sont mobilisées de façon massive l’an dernier contre la violence de genre, mais aussi contre le sexisme à l’université avec l’occupation de dizaines d’université, pendant près de deux mois, dans tout le pays. Avec des réactions d’une violence, parfois, elle aussi, inédite, comme le 25 juillet 2018, quand trois femmes ont été poignardées lors d’une marche en faveur de l’avortement légal. Les partis de la droite au pouvoir sont farouchement opposés à l’initiative de légalisation de l’IVG et souhaitent présenter un projet de réforme de la Constitution pour garantir « le droit à la vie depuis le moment de la conception et jusqu’à la mort naturelle ».
Paradoxalement, le Chili avait été, en 1931, l’un des premiers pays au monde à légaliser l’avortement thérapeutique dans les cas où le fœtus ne pouvait pas survivre hors de l’utérus et en cas de danger pour la vie de la femme, une loi qui a existé durant un demi-siècle, avant même que les femmes chiliennes n’aient le droit de vote (1949). Mais il a été interdit par décret, en 1989, dans les dernières semaines de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990). Toute forme d’avortement était alors devenue interdite et punie de prison.
Le 21 août 2018, douze députées chiliennes ont présenté au Congrès de Valparaiso un projet de légalisation de l’avortement pendant les 14 premières semaines de grossesse, sur simple demande de la femme. Il n’a toujours pas été traité au sein de l’Hémicycle.
Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
Des milliers de Chiliennes sont descendues dans les rues des grandes villes du pays, jeudi 25 juillet, pour exiger le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le recours à l’avortement a été partiellement dépénalisé en août 2017 au Chili, mettant fin à vingt-huit ans d’interdiction totale de la pratique.
La loi, baptisée « ley tres causales » (« loi des trois cas »), promulguée par la présidente socialiste Michelle Bachelet juste avant la fin de son second mandat et le retour de la droite au pouvoir, permet en théorie d’avorter dans trois situations : risque pour la vie de la femme, non-viabilité du fœtus et viol.
Jeudi, quelque 20 000 personnes, selon le collectif Féministes en lutte (6 000, selon les autorités municipales) ont défilé dans les rues de Santiago avec des foulards verts – un symbole de la lutte pour l’IVG venu d’Argentine. L’autre mot d’ordre de la manifestation était la lutte contre le racisme, à l’occasion de la journée internationale de la femme noire latino-américaine et des Caraïbes.
Porte-parole des Féministes en lutte, Veronica Avila a souligné l’importance de faire coïncider les deux revendications pour exiger une loi qui n’exclue aucune femme en fonction de son origine ethnique. Elle a condamné « les politiques racistes, xénophobes et misogynes du gouvernement de droite et libéral » du président Sebastian Piñera, au pouvoir depuis le 11 mars 2018, et qui a nommé au ministère de la femme et de l’égalité des genres une farouche opposante à l’IVG, Isabel Pla.
Malgré la loi « tres causales », les féministes dénoncent la persistance des difficultés d’accès à l’avortement. Une étude récente sur l’application de la loi à travers le pays montre des résultats « très préoccupants », selon la députée communiste Camila Vallejo, qui dénonce de « nombreux obstacles » empêchant l’accès effectif au droit à l’avortement.
Toujours une « pratique clandestine »
Gloria Maria, porte-parole de la Table d’action pour l’avortement au Chili, dénonce elle aussi « une course d’obstacles » pour les femmes qui ont pourtant le droit d’avorter : « Cela reste une prestation pratiquement clandestine car les femmes ne sont pas informées de leurs droits et il n’y a pas non plus de formation du personnel médical, regrette-t-elle. Le principal problème est l’abus [du recours à] l’objection de conscience de la part des médecins et des centres de santé, autorisé par la loi, qui rend difficile la pratique. »
Le texte voté en 2017 interdisait l’objection de conscience mais, un mois plus tard, sous la pression de l’Eglise catholique et de la droite ultraconservatrice, le tribunal constitutionnel a admis la reconnaissance d’une « objection de conscience institutionnelle », c’est-à-dire étendue collectivement à un centre de santé. De nombreux médecins et établissements privés ont manifesté leur refus de pratiquer des avortements, créant ainsi de nouvelles restrictions d’accès à l’avortement légal et sûr.
Les féministes chiliennes se sont massivement mobilisées l’an dernier contre la violence de genre et le sexisme à l’université.
Dans la foulée des Argentines, les féministes chiliennes sont depuis ces dernières années sur le pied de guerre. De façon inédite dans un pays où l’Eglise catholique est omniprésente et où le machisme est encore très prégnant dans les esprits, elles se sont mobilisées de façon massive l’an dernier contre la violence de genre, mais aussi contre le sexisme à l’université avec l’occupation de dizaines d’université, pendant près de deux mois, dans tout le pays. Avec des réactions d’une violence, parfois, elle aussi, inédite, comme le 25 juillet 2018, quand trois femmes ont été poignardées lors d’une marche en faveur de l’avortement légal. Les partis de la droite au pouvoir sont farouchement opposés à l’initiative de légalisation de l’IVG et souhaitent présenter un projet de réforme de la Constitution pour garantir « le droit à la vie depuis le moment de la conception et jusqu’à la mort naturelle ».
Paradoxalement, le Chili avait été, en 1931, l’un des premiers pays au monde à légaliser l’avortement thérapeutique dans les cas où le fœtus ne pouvait pas survivre hors de l’utérus et en cas de danger pour la vie de la femme, une loi qui a existé durant un demi-siècle, avant même que les femmes chiliennes n’aient le droit de vote (1949). Mais il a été interdit par décret, en 1989, dans les dernières semaines de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990). Toute forme d’avortement était alors devenue interdite et punie de prison.
Le 21 août 2018, douze députées chiliennes ont présenté au Congrès de Valparaiso un projet de légalisation de l’avortement pendant les 14 premières semaines de grossesse, sur simple demande de la femme. Il n’a toujours pas été traité au sein de l’Hémicycle.
Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
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