mercredi, octobre 23, 2019

LE PAPE FRANÇOIS LANCE UN APPEL POUR LE CHILI

LE PAPE FRANÇOIS LORS DE L'AUDIENCE
GÉNÉRALE DU 23 OCTOBRE 2019 
(VATICAN MEDIA)
Au terme de l’audience générale de ce 23 octobre, le Pape a appelé au dialogue au Chili, alors que le pays vit le sixième jour d’un mouvement de contestation massif, émaillé de violences.Depuis la place Saint-Pierre, le Pape François a lancé un appel pour le Chili, assurant suivre «avec inquiétude» la situation dans le pays. Il espère que le dialogue, «en mettant fin aux manifestations violentes», «permettra de trouver des solutions à la crise et de faire face aux difficultés qui l'ont engendrée». Le Saint-Père invoque «l'intérêt de toute la population».
Le Chili connaît depuis plusieurs jours un mouvement de colère sociale inédit depuis la fin de la dictature en 1990. Les contestataires dénoncent le pouvoir économique des dirigeants et l’injustice de la politique libérale. Les manifestations ont débuté après l'annonce ce mois-ci de la hausse du prix des titres de transport, donnant lieu à des scènes de chaos dans la capitale, Santiago, où l'état d'urgence a été déclaré et un couvre-feu instauré le week-end dernier. Au total, au moins 15 personnes ont été tuées et 5 400 arrêtées depuis le début des manifestations. C’est un pays «en guerre» que le chef de l’État Sebastián Piñera a décrit dimanche soir, après deux jours d’émeutes.

Ce mardi, le président chilien a annoncé un paquet de mesures destinées à apaiser la fronde, parmi lesquelles l'instauration d'un salaire minimum garanti, la hausse des retraites et la stabilisation des coûts de l'électricité. Mais de nouvelles manifestations sont attendues ce 23 octobre.

LE THÉOLOGIEN CARLOS SCHICKENDANTZ
Le théologien Carlos Schickendantz, théologien et chercheur de l’Université Alberto Hurtado, invité au Synode sur l'Amazonie, a été interrogé par la section hispanophone de Vatican News pour donner son analyse de cette crise au Chili: «Comme le dit la majorité des commentateurs, ça a été une explosion, inattendue, organisée par personne, ni des politiciens, ni des politologues, ni des sociologues, ni le gouvernement, ni l’opposition.»

Le Chili est une des économies latino-américaines les plus prospères, avec une croissance du PIB de 2,5%. «Mais il reste des inégalités qui ne peuvent pas être corrigées économiquement. La situation ne s’améliore ni n’empire. Mais le fait qu’il n’y ait pas d’amélioration accroit le malaise urbain.»

« Au Chili il y a des inégalités économiques, sociales et culturelles, rappelle le théologien chilien. Il y a quelque chose de l’aristocratie profonde qui divise les classes. Quelqu’un a dit qu’au Chili il y avait encore des Seigneurs en économie. Quelques familles propriétaires de beaucoup de terres au Chili. C’est un pays d’une économie extrêmement libérale. Tout est privatisé : l’électricité, l’eau et la vérité est que la vie est chère et à cela s’ajoute d’autres phénomènes que l’on peut constater dans toutes les grandes villes européennes, à Madrid, à Barcelone, je pense à ce qui se passe en ce moment, qui sont la hausse des prix des terres, des produits de consommation, des loyers. Ceci est source de mal être, et de migration »


Le rôle des jeunes


«Les jeunes ont en bonne partie marqué l’agenda politique du pays, explique-t-il. On peut repenser au soulèvement de 2011, qui avait mis la qualité de l’éducation et le coût de celle-ci à l’ordre du jour. L’éducation est très chère au Chili. Les familles doivent s’endetter, et de manière importante. Et il y a le sentiment d’avoir eu une éducation de mauvaise qualité alors qu’on s’est endetté pour toute sa vie, pour avoir étudié, pour avoir fait un cycle universitaire. C’est une idée corrosive qui blesse, et les gens finissent par y être sensibles. Ce sentiment a fait consensus, en commençant par les parents qui se sont mobilisés pour soutenir leurs enfants qui demandaient une éducation de qualité et gratuite».

La vie quotidienne suscite une grande lassitude


Cette manifestation a sans doute un rapport avec ce qui se passe partout dans le monde, dans tous les pays, où les gens se sentent maltraités, remarque Carlos Schikendantz. Les classes moyennes ont beaucoup de difficultés à surmonter leur vie quotidienne, je vis à Santiago, mais c’est la même chose à Rome. La vie quotidienne suscite une grande lassitude. Avec ces rythmes de vie, les personnes sont soumises à des pressions importantes, et tout cela mis bout à bout explique les explosions. Les abus des marchés économiques, quand on découvert que les entreprises privées ont volé, qu’elles ont encaissée des sommes indues pendant des années, des cas sont sortis ces dernières années au Chili et a suscité une grande indignation. La classe politique a de hauts salaires, elle est bien à l’aise, et elle est liée au Chili avec des personnalités et des familles, même avec certains évêques. Le sujet des abus est lié à cela. Le Pape l’a dit dans une lettre adressée aux évêques et aux clercs chiliens. Ceci concerne toute la société chilienne d’aujourd’hui.»