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PHOTO PHOTO RODRIGO ABD / AP Reportage Près d’un Chilien sur cinq est évangélique. C’est moins qu’au Brésil ou en Amérique centrale, mais c’est suffisant pour faire de cet électorat un enjeu politique. Surtout pour José Antonio Kast, candidat de l’extrême droite à l’élection présidentielle du dimanche 21 novembre et allié du nouveau parti évangélique.
Gilles Biassette, envoyé spécial à Santiago (Chili),
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PHOTO AGENCEUNO / ARCHIVE |
Jeudi 18 novembre au soir, José Antonio Kast avait donné rendez-vous à ses partisans dans un parc de Santiago, au Chili, pour son dernier meeting de campagne avant le scrutin de dimanche. Dans la foule, de nombreux drapeaux au nom du candidat à la présidence, quelques casquettes de Donald Trump. Mais aussi des bannières blanches du Parti conservateur chrétien (PCC), formation évangélique créée en 2020 et alliée du prétendant d’extrême droite.
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Miser sur les électeurs évangéliques
Si le candidat de l’ordre et de la sécurité – que les sondages annoncent déjà au second tour – est catholique, il a clairement misé sur le « vote évangélique » pour faire décoller sa campagne. « C’est extrêmement important pour lui, analyse Luis Andrés Bahamondes, expert des questions religieuses et chercheur à l’Université du Chili. Il compte sur les évangéliques pour décrocher la présidence. Il y a son alliance avec le PCC, mais aussi sa présence très significative au Te Deum évangélique. »
Depuis l’indépendance du Chili au XIXème siècle, un Te Deum d’action de grâce, désormais œcuménique, est célébré tous les ans le 18 septembre, jour de la fête nationale. Depuis les années Pinochet, il est doublé d’un Te Deum évangélique. « Après le coup d’État du 11 septembre 1973, les relations se sont tendues entre l’Église catholique et le nouveau pouvoir, explique Luis Andrés Bahamondes. Augusto Pinochet s’est tourné vers les Églises évangéliques, alors très marginales et avides de reconnaissance, pour organiser un Te Deum. »
Le Te Deum évangélique de Pinochet
Le dictateur a obtenu gain de cause, et le premier Te Deum évangélique a eu lieu en 1975. Le dernier s’est tenu il y a deux mois au Centre chrétien international (CCINT), un bâtiment blanc qui ne paie pas de mine dans un quartier industriel à la périphérie de Santiago. Jusqu’en 2016, ces locaux abritaient les bureaux de l’entreprise pharmaceutique allemande Bayer, avant d’être rachetés par le pasteur Billy Bunster, fondateur du CCINT.
Même si l’État chilien est laïc, président et ministres assistent à cette cérémonie d’action de grâce. Cette année, les candidats à l’élection présidentielle avaient également été conviés, mais un seul s’est rendu au CCINT : José Antonio Kast. « Il ne fait pas partie de notre Église, mais il partage nombre de nos valeurs, se réjouit Raul, fidèle assidu du CCINT. Il défend la famille, il défend la liberté des parents d’éduquer leurs enfants comme ils l’entendent, non comme le veulent les professeurs. »
Selon la dernière enquête menée en 2019 par l’Université pontificale catholique du Chili, 18 % des Chiliens sont évangéliques, contre 14 % quinze ans plus tôt. C’est moins qu’au Brésil (environ 30 % de la population), où ces Églises ont joué un rôle clé dans l’élection de Jair Bolsonaro, mais cet électorat peut faire la différence s’il se porte sur un homme. C’est en tout cas le pari de José Antonio Kast, qui s’est également entendu avec le PCC pour présenter ensemble 30 candidats évangéliques aux élections législatives, qui ont également lieu ce dimanche. Aujourd’hui, il n’y a que trois députés évangéliques au Congrès (sur 155 sièges).
La troisième génération évangélique, mieux formée et plus politique
« Mais notre affirmation sur la scène politique n’est pas qu’une question de chiffres et de pourcentage, explique Luciano Silva, 50 ans, membre évangélique de l’Assemblée constituante élue en mai pour écrire une nouvelle Constitution. C’est aussi une affaire de génération. Nous en sommes à la troisième, celle qui est mieux formée et pense que nos Églises peuvent apporter des solutions aux problèmes de notre pays. Mon grand-père était pasteur, c’était un ouvrier ; mon père était pasteur, comme moi. Mais je suis également diplômé de l’Université. Et je suis membre de l’Assemblée constituante. Jamais mon grand-père n’aurait pu imaginer ça. »
Pour autant, y a-t-il vraiment un « vote évangélique » au Chili ? Beaucoup en doutent, à l’image de Luis Andrés Bahamondes : « Il y a des évangéliques de droite, mais il y a aussi des évangéliques de gauche, ce n’est pas un vote monolithique. » « C’est vrai, concède Luciano Silva. Mais depuis les années 1990, il y a eu une convergence progressive des évangéliques vers la droite, en réaction à la radicalisation de la gauche. Tout le monde ne va pas voter Kast, mais je crois qu’une forte majorité des évangéliques se prononcera en sa faveur dimanche. »
Chili / évangéliques / Amériques / Protestantisme
PHOTO ESTEBAN FELIX |
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