[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
BÁRBARA SEPÚLVEDA, LA VOIX DES FÉMINISTES DANS LA CONSTITUANTE CHILIENNE |
Vidéo | Ce jeudi 25 novembre, les féministes ont déferlé dans les rues de Santiago du Chili pour dénoncer les violences sexistes et faire front face au candidat ultraconservateur qualifié pour le deuxième tour de la présidentielle. À plus long terme, les femmes veulent peser dans les choix politiques.
- Ñ - ELECTION PRÉSIDENTIELLE AU CHILI
PROPAGANDE ÉLECTORALE
[ Cliquez sur la flèche pour visionner la vidéo ]
BÁRBARA SEPÚLVEDA, LA VOIX DES FÉMINISTES DANS LA CONSTITUANTE CHILIENNE
Élections présidentielle et législative, rédaction d’une nouvelle Constitution… De nombreuses figures féministes s’affichent en première ligne des mouvements qui hurlent, depuis deux ans, leur volonté de transformer en profondeur le modèle chilien.
La constellation des mouvements féministes au Chili est aussi engagée que fragmentée. Mais si l’on doit définir le fil rouge qui relie l’action de toutes ces organisations, celui-ci se tisse autour de la lutte contre l’oppression et la violence.
Parmi les nombreux visages qui incarnent l’expression féministe chilienne, celui de Bárbara Sepúlveda. Cette avocate a été élue membre, sous la bannière communiste, de l’Assemblée constituante.
En 2018, cette jeune professeur de droit constitutionnel à l’Université Alberto Hurtado a cofondé l’Association des avocates féministes (ABOFEM), l’idée surgit au milieu de ce que les Chiliennes considèrent aujourd’hui comme leur "Mai Féministe" : "Nous avions bloqué la fac pour protester contre le harcèlement sexuel dans le milieu universitaire, se souvient Bárbara Sepúlveda. Nous voulions nous montrer solidaires du mouvement national, et en réalité, il n’y avait aucune initiative de ce genre dans notre environnement."
C’est dans la chaleur de ce premier printemps que naît ce projet destiné à ouvrir un front féministe sur un terrain jusqu’ici inoccupé.
En tant que féministes, nous reconnaissons que le droit est un espace de contestation, de pouvoir, de conflit hégémonique, car il intègre également dans son champ d'application, dans la création de lois, des normes qu’il est parfois nécessaire de rediscuter.
"Les femmes au service des femmes"
Ce jour-là, avant de revêtir sa robe d’avocate et de se pencher sur le cas de femmes victimes de violences sexuelles dans un quartier voisin, Bárbara Sepúlveda participe à un "cabildo", une réunion participative destinée à recueillir les doléances des citoyens, écouter leurs idées et s’en faire le relais lorsque les travaux de l’Assemblée constituante reprendra ses travaux.
"C’est une semaine de terrain." L’échange, la discussion, le débat et une prise direct avec le terrain, font partie des valeurs défendue par l’une des 155 personnes (77 femmes, 78 hommes) chargées de rédiger la nouvelle constitution.
En mai dernier, le Chili a élu la première Convention constitutionnelle entièrement paritaire de l’histoire mondiale, avec comme présidente Elisa Loncón, représentante du peuple autochtone Mapuche. Bárbara Sepúlveda voit dans cette nouvelle mission, une continuité de la démarche qu’elle mène au sein de l’ABOFEM, en tant que féministe.
"Comprendre le monde issu du féminisme, mettre les femmes au service des femmes", c’est l’idée qu’elle porte à chacun de ses discours, dans chacune de ses réflexions. "Aujourd'hui, les espaces syndicaux, les espaces académiques ou les tribunaux eux-mêmes, sont des espaces très masculinisés qui reproduisent beaucoup de violence."
Le combat intersectionnel
Que ce soit au sein de l’ABOFEM ou dans son rôle de constituante, Bárbara Sepúlveda prône une action protéiforme et simultanée : "Nous avons des membres de l'association qui travaillent dans les institutions, mais également des alliances avec les autorités, avec des députés, avec des sénateurs, notre action est aussi militante dans nos espaces territoriaux, dans les régions ou les communes où nous sommes situées en tant qu'avocates féministes."
C’est une des singularités de l’action féministe au Chili: son articulation, son organisation, sa discipline, créent l’engrenage qui lui donne toute sa force et sa dynamique. "Cette composition permet aussi de traduire un langage devenu parfois beaucoup trop technocratique et qui appartient à l’appareil bureaucratique, poursuit-elle. Notre but est d’incorporer toutes ces voix dans un seul et même mouvement."
Dans leur montée en puissance fulgurante, les mouvements féministes chiliens n’ont pas échappé aux divergences de visions. Une fracture nette entre féminisme institutionnel et féminisme autonome apparaît aujourd’hui, parfois de manière violente et rédhibitoire dans les discours. Une opposition entre l’action de terrain anti-système et l’intégration du paysage politique pour projeter le modèle féministe.
Bárbara Sepúlveda rejette cette fausse dichotomie : "De nombreuses avancées, en particulier dans la région latino-américaine, ont été conquises par l'intégration des deux points de vue et des deux forces, de ces différents mouvements." L’avocate féministe tourne son regard vers l’autre versant de la cordillère des Andes pour appuyer son discours. En Argentine, l’obtention de la loi autorisant l’avortement est un progrès conquis, selon elle, grâce à la pluralité de l’action féministe.