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Le jeune député de 35 ans a battu, avec 56 % des voix, le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, en fondant son programme sur davantage de justice sociale dans un pays particulièrement inégalitaire.
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DESSIN LAUZAN |
iIl est le visage et le symbole du renouveau politique au Chili. Le candidat de la gauche, Gabriel Boric, a remporté, dimanche 19 décembre, le deuxième tour de l’élection présidentielle, devant son adversaire d’extrême droite, José Antonio Kast.
M. Boric recueille 55,87 % des voix, contre 44,13 % à son concurrent, selon les résultats officiels quasi définitifs. La participation dépasse les 55 %, un sommet depuis que le vote n’est plus obligatoire en 2012. C’est un triomphe qu’enregistre la coalition de gauche, dont est membre le Parti communiste, dans ce duel inédit depuis le retour à la démocratie en 1990 entre deux candidats aux projets de société diamétralement opposés.
« Il y aura plus de droits sociaux mais nous le ferons en restant fiscalement responsables », a déclaré le président élu de 35 ans, devant une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes venues l’écouter après sa large victoire.
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CHILI /LES UNES DE LA PRESSE AU LENDEMAIN DE L'ÉLECTION |
Le président sortant Sebastian Piñera, qui a dû affronter un mouvement social d’ampleur fin 2019, a félicité dans une discussion vidéo le nouveau chef de l’État élu qui entrera en fonction à sa place le 11 mars.
« L’histoire nous a appris que lorsque nous nous divisons en guerres fratricides, les choses finissent toujours mal. Tout le Chili espère (…) qu’il y aura un très bon gouvernement pour le Chili et les Chiliens », a dit M. Piñera.
Des scènes de joie dans les rues du pays
JOSÉ K4ST |
Cet admirateur de la dictature d’Augusto Pinochet, soutenu par l’ensemble de la droite chilienne, avait annoncé qu’en cas de défaite, il pourrait ne pas reconnaître le résultat de l’élection si l’écart entre les deux candidats était inférieur à 50 000 voix. Au final, un million de voix séparent les deux prétendants (4,6 contre 3,6).
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Les rues de Santiago comme dans de nombreuses villes du Chili ont explosé de joie à l’annonce de la victoire de Gabriel Boric. La fête pourrait s’étendre toute la nuit tant le retour d’une certaine forme du «pinochétisme » était craint parmi la population.
« C’est une lutte qui dure depuis de nombreuses années, depuis nos parents et nos grands-parents, et nous continuons à lutter contre tout ce que Kast signifie au Chili », a déclaré Daniela, une serveuse de 27 ans en célébrant, dans les rues de Santiago, la victoire de M. Boric. « C’est nous, les jeunes, qui devons faire avancer les choses. J’ai foi en lui, je crois en ce qu’il dit ».
« J’en pleure de joie. Nous avons battu le fascisme, c’était comme une naissance. Je vais rentrer à la maison, je vais serrer mes enfants dans mes bras et boire une bière », a lancé Jennie Enriquez, 45 ans, employée de pharmacie.
« Je veux que vous et le peuple sachiez que je ferai de mon mieux pour relever ce formidable défi et que notre pays est à son meilleur lorsque nous sommes unis », a dit M. Boric, assurant vouloir être « le président de tous les Chiliens et Chiliennes ».
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Les rues de Santiago envahies après l’annonce de la victoire de Gabriel Boric à l’élection présidentielle chilienne, le 19 décembre 2021.
Projet d’État providence
Gabriel Boric l’emporte avec son projet d’État providence, un changement d’ampleur dans le pays considéré comme le laboratoire du libéralisme en Amérique latine, en ralliant autour de lui la classe moyenne à moyenne supérieure, essentiellement à Santiago.
Ce député, élu depuis 2014, se présente comme l’héritier politique du mouvement de 2019 pour davantage de justice sociale dans le pays le plus inégalitaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Agé de 35 ans, l’âge minimum pour se présenter, l’ex-leader d’un mouvement étudiant en 2011 n’était pas attendu dans le sprint final il y a quelques mois seulement.
« Il est possible de faire un Chili plus humain, plus digne, plus égalitaire », avait-il déclaré après avoir voté dans sa ville natale de Punta Arenas, dans l’extrême sud, sur le détroit de Magellan.
Dans un pays gouverné par le centre droit et le centre gauche depuis la fin de la dictature il y a 31 ans, Gabriel Boric entend promouvoir une grande réforme fiscale pour faire participer les plus riches à son programme de meilleur accès à la santé, à l’éducation et à la création d’un nouveau système de retraite, aujourd’hui entièrement privé.
De Cuba à l’Argentine, en passant par le Mexique, le Nicaragua, le Vénézuéla et le Pérou, les gouvernements de gauche d’Amérique latine ont exprimé leur satisfaction à la victoire de M. Boric. L’ancien président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva (Parti des travailleurs, gauche), que les sondages donnent vainqueur de la présidentielle en 2022 dans un éventuel duel avec le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, s’est dit « heureux d’une nouvelle victoire d’un candidat démocratique et progressiste dans notre Amérique latine, pour la construction d’un avenir meilleur pour tous ». La victoire de M. Boric a aussi été saluée par des présidents de droite et de centre-droit dans la région, comme le Colombien Ivan Duque, l’Equatorien Guillermo Lasso ou l’Uruguayen Luis Lacalle Pou.
Le leader de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a, lui, salué, dimanche soir sur Twitter, d’un « vive Boric, nouveau président du Chili » la victoire du candidat de la gauche chilienne.
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«L'ESPÉRANCE A BATTU LA PEUR » |