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À 21 ans, cette militante du Parti communiste, passée des manifestations lycéennes à l’hémicycle, fait partie des 155 membres élaborant une nouvelle Constitution pour le Chili.
PHOTO CRISTOBAL OLIVARES |
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La mèche s’allume alors, bien au-delà de la capitale, bien au-delà de l’augmentation annoncée – et vite abandonnée. Le 18 octobre, la rue s’enflamme et crie : « Ce ne sont pas 30 pesos, ce sont trente années. » Trente années depuis le retour à la démocratie durant lesquelles la pauvreté a certes chuté, mais pas les inégalités qui fracturent le Chili. Les manifestants blâment la Constitution : rédigée en pleine dictature (1973-1990), elle édifie l’architecture néolibérale du pays. Pour désamorcer la crise, dès le 15 novembre, l’organisation d’un référendum en vue de la rédaction d’une nouvelle loi fondamentale est actée. Au mois de mai 2021, l’Assemblée est élue.
Rupture des codes
« SAUTONS CE DERNIER TOURNIQUET » FLYER PCCh |
La jeune femme partage un record avec Gabriel Bori : âgé de 36 ans lorsqu’il prendra ses fonctions au mois de mars, il sera le plus jeune président du Chili ; l’étudiante est, à 21 ans, la benjamine de l’Assemblée constituante. Sous les dorures et les moulures de l’hémicycle, elle incarne cette nouvelle génération qui détonne, jusque dans la forme. Certains constituants siègent en costume ? Elle déambule dans les couloirs de l’ancien Congrès en jean et « crop top », conserve son anneau nasal. Une rupture des codes déjà adoptée par le président élu, lorsqu’il officiait comme député, depuis 2014, avant de polir son image en vue de l’accession à la présidence.
Sur son sac à dos, elle a noué le foulard coloré des populations indigènes et le tissu vert symbole de la lutte pour l’avortement légal (autorisé dans le pays seulement en cas de viol, de danger pour la vie de la femme enceinte ou non-viabilité du fœtus).
Un curriculum de militante
« La quantité de travail est énorme. Cela ne fait pas si longtemps que je suis adulte (…), j’ai pu me sentir accablée par le volume d’informations », admet Valentina Miranda. « Mais cet espace-là, je sens aussi que je l’ai gagné », ajoute-t-elle, volubile. La jeune constituante affiche tout le curriculum de la militante : elle a rejoint les Jeunesses communistes à 14 ans, a officié comme porte-parole de l’organisation lycéenne Coordination des étudiants du secondaire. Enfant, elle a battu le pavé avec sa mère, employée dans une laverie et représentante syndicale.
Au sein de l’Assemblée, elle a intégré la commission des droits fondamentaux et entend promouvoir l’introduction d’une éducation, d’une politique de santé et de retraites publiques et de qualité. Elle se définit comme « pansexuelle » (qui ne tient pas compte du genre de l’autre) et entend défendre les droits des minorités sexuelles, « avec un institut antidiscrimination et un quota pour les trans dans le monde du travail », précise-t-elle.
L’ancienne leader lycéenne s’est entourée d’une équipe d’une dizaine de spécialistes, parmi lesquels deux perçoivent un salaire, la chargée de communication et le conseiller politique. Comme le prévoit le règlement, l’élue reçoit 2,3 millions de pesos mensuels (2 400 euros) et a dû mettre entre parenthèses ses études universitaires d’administration publique. « Tout est allé très vite, mais le fait que des gens lambda puissent arriver à des lieux de pouvoir, cela me réconforte », dit celle qui a grandi et vit encore dans une poblacion, un quartier populaire.
Flora Genoux(Santiago (envoyée spéciale))