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L’ancien leader étudiant, héritier de la révolte sociale de 2019, a fait de sa cérémonie d’investiture un symbole de son projet de changement en profondeur.
PHOTO ESTEBAN FELIX / AP
DESSIN LAUZAN |
À 36 ans, Gabriel Boric est officiellement devenu le plus jeune président de l’histoire du Chili, après une cérémonie d’investiture marquée par un hommage à l’ancien président Salvador Allende.
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« Comme l’avait prédit Salvador Allende il y a presque cinquante ans, nous voici de nouveau, chers compatriotes, en train d’ouvrir de grandes avenues où passeront l’homme et la femme libres pour construire une société meilleure. Vive le Chili ! », a lancé le jeune chef de l’État en clôture de son allocution à la nation devant la présidence, une référence claire au dernier discours de l’ex-président socialiste, prononcé juste avant son suicide, le 11 septembre 1973, depuis ce palais de La Moneda alors encerclé par les forces putschistes du général Augusto Pinochet.
« Nous ne serions pas ici sans vos mobilisations », a aussi avancé l’ex-leader étudiant, en allusion notamment à la révolte sociale qui a secoué le pays en 2019, devant une foule de dizaines de milliers de personnes euphoriques massées place de la Constitution.
La première journée a été riche en gestes symboliques. Lors de l’investiture pour succéder à Sebastian Piñera (2010-2014, 2018-2022), M. Boric a juré, selon la tradition, de respecter la Constitution « devant le peuple chilien », mais en ajoutant : « Tous les peuples chiliens », une référence aux peuples autochtones, notamment les Mapuches.
Les 24 ministres de son gouvernement, de 42 ans de moyenne d’âge et majoritairement composé de femmes (14 sur 24), notamment aux postes régaliens de l’intérieur, la défense ou des affaires étrangères, ont ensuite prêté serment.
« Le tombeau du néolibéralisme »
Une vingtaine de dignitaires internationaux ont assisté à l’adoubement du représentant d’une nouvelle génération de la politique chilienne, dont les présidents argentin, Alberto Fernandez ; péruvien, Pedro Castillo ; uruguayen, Luis Lacalle Pou ; bolivien, Luis Arce ; et le roi Felipe VI d’Espagne.
À l’issue de la cérémonie d’investiture au siège du Parlement, à Valparaiso (150 km au nord-ouest de Santiago), d’où le nouveau président est sorti au bras de sa compagne, la nouvelle première dame, Irina Karamanos, Gabriel Boric est monté à bord d’une voiture décapotable conduite, pour la première fois dans le protocole, par une femme.
L’ex-leader étudiant, député depuis 2014, qui, comme à son habitude, ne portait pas de cravate, doit maintenant dépasser les symboles et s’attacher à tenir ses promesses et répondre à l’espoir. Il s’était dit «convaincu que la grande majorité des Chiliens exigent des changements structurels ».
Héritier politique de la révolte de 2019, le président, élu en décembre à la tête d’une coalition de gauche, doit trouver des réponses aux demandes de transformation des systèmes de santé, d’éducation et de retraite, ainsi qu’aux exigences de réduction des inégalités.
Selon lui, la solution passe par l’instauration d’un Etat-providence inspiré de la social-démocratie européenne et la rupture avec le néolibéralisme, dont le Chili a été le laboratoire sous la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). « Si le Chili est le berceau du néolibéralisme, il sera aussi son tombeau », avait-il ainsi lancé le soir de sa victoire aux primaires de la gauche face au candidat communiste, Daniel Jadue, en juillet.
Absence de majorité au Parlement
Si les résultats économiques du Chili depuis trente ans ont été salués et enviés, ils ont été obtenus au prix de grandes inégalités (1 % de la population possède 26 % des richesses, selon l’Organisation des Nations unies) et ont conduit aux violences de 2019.
Le président sortant avait été forcé de céder à la demande de rédaction d’une nouvelle Constitution. Après l’élection des membres d’une Assemblée constituante, son élaboration est en cours et sa nouvelle version sera soumise à référendum dans le courant de 2022.
« Boric commence dans un climat favorable de l’opinion publique, grâce au capital politique qu’il a obtenu lors des élections et avec la nomination de son gouvernement » ouvert à diverses sensibilités, augure Marco Moreno, directeur de l’Ecole de sciences politiques de l’Université centrale du Chili.
Mais il devra réformer sur fond de ralentissement économique et en rassemblant un Parlement loin d’être acquis à sa cause : « Le grand défi que Boric devra relever est d’instaurer un dialogue pour surmonter les obstacles législatifs afin d’avoir la capacité de financer ses désirs d’Etat-providence », estime M. Rodrigo Espinoza, professeur à l’université Diego Portales.
SEBASTIÁN PIÑERA DESSIN LO COLE |
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