samedi, octobre 22, 2022

REPORTAGE. AU CHILI, EN QUÊTE DES CHAMPIGNONS MAGIQUES

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PHOTO TOMÁS MUNITA / THE NEW YORK TIMES

Le biologiste Merlin Sheldrake tenant une psathyrelle lors d’une expédition dans le parc national Alerce Costero, au Chili. / Des chercheurs parcourent la forêt pluviale chilienne pour tenter de percer les mystères des champignons. Et notamment des fongus. Ces organismes souterrains pourraient être de précieux alliés dans la lutte contre le dérèglement climatique. [SCIENCES ET ENVIRONNEMENT CHILI CHANGEMENT CLIMATIQUE]

par Somini Sengupta / Tomás Munita

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Parc national Alerce Costero, au Chili. Toby Kiers avance à grandes enjambées sur le sol spongieux de la forêt. Elle a franchi des milliers de kilomètres pour atteindre cet endroit précis. Arrivée sur place, une décharge d’adrénaline lui parcourt les veines. Elle enfonce un cylindre métallique creux dans le sol et en retire une carotte de terre.

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Elle hume l’échantillon prélevé pour en percevoir l’odeur et imagine les secrets qu’il contient. Elle sait qu’ils peuvent nous aider à survivre sur une planète plus chaude. “Qu’y a-t-il là-dessous ? Quels mystères allons-nous découvrir ?” se demande-t-elle. Elle place la terre dans un sac de plastique transparent qui est ensuite étiqueté avec les coordonnées précises du lieu.

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La mission que poursuit Toby Kiers, biologiste évolutionniste et professeure à l’Université libre d’Amsterdam, est plutôt originale. Cette femme de 45 ans cherche à percer les secrets d’un univers méconnu et vaste, celui des champignons souterrains. Elle croit en effet qu’ils pourraient avoir un rôle crucial à jouer en cette ère de changements climatiques.

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Ils stockent chaque année 5 milliards de tonnes de carbone

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Certaines espèces de fongus peuvent stocker dans le sol des quantités exceptionnelles de carbone, l’empêchant de ce fait d’être libéré [sous forme de dioxyde de carbone] dans l’air et de réchauffer l’atmosphère. D’autres aident les plantes à survivre à des sécheresses soudaines ou à résister aux parasites. D’autres encore sont particulièrement douées pour donner aux cultures les éléments nutritifs dont elles ont besoin, réduisant ainsi la nécessité de recourir aux engrais chimiques. Ces organismes sont ce que Toby Kiers appelle des “leviers”, car ils permettent d’atténuer les risques associés au réchauffement de la planète. Et pourtant, on ignore encore tout d’eux.

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Toby Kiers veut recenser les espèces de fongus et savoir où elles se retrouvent, ce qu’elles font et lesquelles devraient être immédiatement protégées. En bref, elle veut créer une sorte d’atlas de tout ce que l’on ne peut pas voir, du monde invisible qui se trouve juste sous nos pieds :

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“C’est un peu comme d’étudier le métabolisme de la Terre. On veut savoir ce qui se trouve là-dessous et quelle fonction assume chaque élément. Pour le moment, on se préoccupe essentiellement de ce qui se trouve au-dessus du sol, et on n’a donc qu’un tableau partiel de la situation.”

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Selon une estimation, les champignons mycorhiziens stockent chaque année 5 milliards de tonnes de carbone produit par les végétaux. Sans l’aide de ces organismes souterrains, celui-ci resterait probablement dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone, un puissant gaz à effet de serre qui réchauffe la planète et donne lieu à des phénomènes météorologiques dangereux. “La protection de ce réseau mycorhizien revêt une importance cruciale dans le contexte du dérèglement climatique”, insiste Toby Kiers.

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En outre, la biodiversité des champignons souterrains contribue dans une large mesure à la santé des sols et, par conséquent, à la capacité des humains à se nourrir à mesure que le monde se réchauffe.

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D’après Tim G. Benton, biologiste à l’université de Leeds qui n’est pas associé aux travaux de Toby Kiers, les connaissances que l’on a sur ces réseaux et leurs pouvoirs sont “très limités”. “Il serait très utile d’en savoir plus”, ajoute-t-il.

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On en sait si peu sur ces organismes qu’ils ne sont même pas pris en compte dans la Convention sur la diversité biologique, un traité mondial qui porte sur la protection des plantes et des animaux. Les fongus ne sont ni l’un ni l’autre : ils forment à eux seuls un règne distinct [les mycètes].

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Sans eux, pas de végétaux, pas d’animaux

Sous terre, les champignons mycorhiziens, ou mycorhizes, établissent une association avec les arbres. Ces derniers ont besoin des éléments nutritifs qu’ils offrent et, en échange, ils fournissent du carbone aux champignons.

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Les passionnés du règne fongique croient que, pour parvenir à comprendre les organismes qui en font partie, il faut considérer le monde naturel différemment. Il faut le voir non pas comme une collectio ...