[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
Après la mort de trois policiers en un mois, le gouvernement de Gabriel Boric, pour qui la thématique sécuritaire n’était pas une priorité, a dû revoir son agenda. Toute une batterie de mesures a été annoncée pour faire face à l’augmentation de la violence dans le pays. Et certaines visent les étrangers. [Crise migratoire sur fond de xénophobie.]
Avec notre correspondante à Santiago du Chili, Naïla Derroisné
Au Chili, en moins d’un mois, trois policiers ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. C’est inhabituel dans ce pays d’Amérique latine. L’un a été renversé par une voiture et les deux autres sont morts après s’être fait tirer dessus. Dans deux de ces trois cas, les présumés coupables ne sont pas Chiliens.
Quelques heures après la mort du troisième policier, les médias ont largement diffusé la photo de deux suspects recherchés, d’origine étrangère. Dans la foulée, le parquet a annoncé que désormais, à Santiago, les procureurs demanderont la mise en détention préventive systématique pour les étrangers sans papiers arrêtés par la police. Un procédé inédit.
Depuis quelque temps déjà, le Chili fait face à une arrivée massive de migrants, souvent entrés de manière illégale dans le pays. « Le Chili a été soumis à un processus migratoire très intense, commente Claudio González, directeur du centre d’études en sécurité publique, à la faculté de gouvernement de l’Université du Chili. La première chose, c'est que les migrants qui arrivent dans le pays ne sont pas intégrés par la société chilienne. Il y a donc une ségrégation sociale et cela génère des conflits et de la délinquance. »
Crime et délits en hausse
Selon un organe gouvernemental de prévention de la criminalité, en 2022, les homicides ont augmenté de 33,4% par rapport à l'année précédente, ce qui représente la deuxième plus forte variation en Amérique latine après l'Équateur, où ils ont augmenté de plus de 80%. D'après plusieurs sondages, la délinquance est la principale préoccupation des Chiliens.
Le chercheur pointe aussi du doigt le manque de régulation et de contrôles aux frontières. « Ça a permis que beaucoup de bandes organisées entrent au Chili sans qu’elles soient captées par le système, souligne-t-il. Mais il serait quand même irresponsable de parler d’un lien direct entre criminalité et immigration car c’est le chemin vers la xénophobie et nous en sommes très proches. »
Selon le parquet national, 25% des inculpés au Chili sont des étrangers, et la moitié n’a pas de papiers, ce qui, selon les procureurs, complique leur identification ainsi que les poursuites judiciaires.
La « loi de la gâchette facile » pour les forces de l'ordre adoptée
Les forces de l'ordre au Chili jouiront désormais d'une « présomption de légitime défense » en vertu d'un texte surnommé par ses détracteurs « loi de la gâchette facile » adopté mercredi par le Parlement.
L'assassinat la semaine dernière d'une sergente des carabiniers, Rita Olivares, criblée de balles alors qu'elle sortait de son véhicule de service, a accéléré l'adoption de cette loi. Le texte prévoit qu'un militaire ou policier faisant usage de son arme de service bénéficiera d'une présomption de légitime défense, qui ne sera levée que si une enquête démontre qu'il a mal agi. « Ce projet de loi prévoit que lorsqu'un policier utilise une arme en cas de légitime défense, ou pour défendre un tiers parce que sa vie est en danger, il sera présumé que le policier aura agi conformément aux principes professionnels, mais une enquête peut démontrer le contraire », a expliqué la ministre de l'Intérieur Carolina Toha.
« Des policiers sont morts pour que ce projet de loi voie le jour. (...) Protéger notre police, lui donner plus de pouvoirs, c'est redonner de l'espoir aux Chiliens », a fait valoir de son côté le député de l'opposition Andrés Longton, auteur du projet de loi.
Le projet original a été critiqué par des experts en droit pénal et par les Nations unies. « Elle n'est pas conforme au droit international en matière de droits humains », a relevé Jan Jarab, référent de l'ONU en matière de droits humains pour l'Amérique du Sud. Certaines dispositions controversées ont été éliminées au cours de l'examen parlementaire, comme celle qui prévoyait d'autoriser les policiers à utiliser leur arme à feu quand ils sont attaqués par au moins deux personnes désarmées. (Avec AFP)