jeudi, avril 25, 2024

25 DE ABRIL, RÉVOLUTION DES ŒILLETS ET LA DÉMOCRATIE FLEURIT

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À LISBONNE, LE 25 AVRIL 1974.
PHOTO JEAN-CLAUDE FRANCOLON / GAMMA-RAPHO
25 avril 1974. La révolution des Œillets déferle sur le Portugal. Quels en sont les acteurs et les actrices ? Révolution pacifique, révolution fleurie, révolution populaire, comment permet-elle d’ouvrir une période de transition démocratique ?
1974 -25 AVRIL- 2024
RFI - RADIO FRANCE CULTUREE,
SÉRIE « DE L’ANGOLA AU PORTUGAL, LA RÉVOLUTION DES ŒILLETS »
25 DE ABRIL, RÉVOLUTION DES ŒILLETS. ET LA DÉMOCRATIE FLEURIT
« LE COURS DE L'HISTOIRE » PAR XAVIER MAUDUIT
DIFFUSION MERCREDI 24 AVRIL 2024
 

C’est une histoire qui s’écrit en couleurs, avec du rouge et du vert bien sûr, mais aussi du jaune, du bleu, du blanc et du noir. Ce sont les couleurs du drapeau portugais, celles qui colorent les rues de Lisbonne le 25 avril 1974, lors d’une révolution qui, elle aussi, évoque des couleurs : celles des fleurs, les œillets !


D'un coup d'État militaire...

Le MFA ou Mouvement des Forces armées est le grand artisan de la révolution des Œillets. Composé d’officiers plutôt jeunes et dont les sensibilités politiques sont plutôt de gauche, ce mouvement voit le jour dans le contexte des interminables guerres coloniales du régime salazariste. Les officiers sont en effet de plus en plus critiques sur l’investissement de l’État portugais dans son empire colonial et souhaiteraient a minima une négociation avec les puissances colonisées, voire une décolonisation, pour sortir de l’enlisement du conflit. Le MFA devient peu à peu le bras armé d’un projet de coup d’État militaire, qui donne naissance à la révolution des Œillets. Son objectif est double : faire chuter la dictature, mais aussi construire un nouveau régime démocratique. Dès mars 1974, le MFA élabore un programme politique autour de trois D : "Démocratiser : on promet des élections libres, le démantèlement de la dictature et de sa police politique. Décoloniser : donner aux peuples colonisés leur indépendance et cesser le(s) guerre(s) (coloniales). Et ensuite développer, avec quelques phrases à connotation de gauche", rapporte l'historien Victor Pereira.

► À écouter aussi :       « JOSÉ MARIO BRANCO, RÊVES D’AVRIL »

... à une révolution populaire 

Déclenchée par une chanson devenue mythique, "Grândola, Vila Morena" de Zeca Afonso, diffusée à la radio comme un signal codé, la révolution des Œillets prend une tournure inattendue. L’action conçue au départ comme un coup d’éclat militaire se transforme rapidement en révolution populaire lorsque la population descend d’elle-même dans les rues pour soutenir les insurgés du MFA. Cette réaction semble témoigner du grand désir de démocratie qui anime la population portugaise dans son immense majorité et a donné lieu à un récit parfois mythifié de la révolution des Œillets, souvent présentée comme une révolution pacifique.
 
Une révolution non-violente ?

COMMÉMORATION DU 50ème
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DESSIN MARTA NUNES
Il est vrai que le sang a peu coulé : la PIDE, la féroce police politique de la dictature, fait quatre morts en tirant sur la foule, mais les affrontements ne tournent pas au tragique. "Dans l'après-midi, on tire sur la façade de la jardinerie. On ne tue personne, on ne blesse personne, mais il s'agit pour (le capitaine) Maia et le MFA de montrer que s'il le faut, ils utiliseront les armes", observe Victor Pereira.

Une révolution mythifiée ?

Cette mémoire de la révolution est incarnée par son nom même, la révolution des Œillets, une action qui ne peut que sembler fleurie, colorée, festive et printanière. Le nom de la révolution vient du fait, avéré, que les marchands et marchandes ambulants d’œillets de Lisbonne ont spontanément distribué des fleurs aux soldats le 25 avril 1974. Décorés de rouge et de blanc, les soldats mettent les fleurs à leurs boutonnières, voire les accrochent sur leurs fusils. Menée littéralement la fleur au fusil, la révolution des Œillets est donc généralement présentée comme une révolution non-violente, populaire, joyeuse, qui a rencontré très peu de résistance – il est vrai que l’Estado Novo salazariste tombe en quelques heures. Toutefois Victor Pereira fait remarquer que les œillets interviennent dans un second temps et occultent souvent la violence potentielle de cette révolution, tout comme ils atténuent le processus révolutionnaire enclenché : "Le 25 avril, c'est à la fois la fin d'une dictature, le début de la fin d'un empire qui se disait vieux de cinq siècles, mais c'est surtout le début d'un processus révolutionnaire contre le capitalisme, contre la propriété privée, avec des occupations, etc."

Néanmoins, la démocratie ne s’impose pas comme par magie au Portugal. Une fois l’euphorie de la révolution passée, une longue période de transition démocratique s’ouvre pour le pays, jusqu’en 1976, qui n’est pas exempte de tensions et de conflits.

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«PORTUGAL»
Pour écouter cliquer ici ! ]
 GEORGES MOUSTAKI «PORTUGAL»

Pour en savoir plus

Victor Pereira est historien, chercheur à l’Institut d’Histoire Contemporaine de l’Université Nouvelle de Lisbonne.
Publications :
C’est le peuple qui commande. La révolution des Œillets 1974-1976, Éditions du Détour, 2023
Le Portugal depuis la révolution des Œillets. Dynamiques politiques et sociales, co-dirigé avec Christophe Roux et Marie-Hélène Sa Vilas Boas, L’Harmattan, 2022
La Dictature de Salazar face à l’émigration. L’État portugais et ses migrants en France (1957-1974), Presses de Sciences Po, 2012
Références sonores
Chanson "Grândola, Vila Morena" de Jose Afonso, album : Radio Renascença
Archive du journal de 20h, 16 mars 1974
Extrait du film Capitaines d'avril de Maria de Medeiros, 2000
Archive de l'émission Au-delà des faits, ORTF, 25 avril 1974
Archive d'un reportage intitulé "Coup d'État du général Antonio de Spinola", Magazine 52, 25 avril 1974
Archive de Cecilia Gabizon dans l'émission Faut pas rêver, France 3,16 juin 1995
Musique du générique : Gendèr par Makoto San, 2020

 

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