vendredi, septembre 12, 2025

MORT DE JOSÉ FORT, ANCIEN CHEF DE LA RUBRIQUE INTERNATIONALE DE L’HUMANITÉ : L’ÉLÉGANCE ACÉRÉE

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MORT DE JOSÉ FORT, ANCIEN CHEF DE
 LA RUBRIQUE INTERNATIONALE DE L’HUMANITÉ

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Mort de José Fort, ancien chef de la rubrique internationale de l’Humanité : l’élégance acérée / L’ancien chef de la rubrique internationale de l’Humanité est mort vendredi à l’âge de 79 ans. Ses reportages avaient marqué l’histoire de notre journal. [Un grand ami du Chili nous a quittés]

par Patrick Apel-Muller Publié le 12 septembre 2025 4 min

Il s’était plusieurs fois relevé, contre toute attente, des atteintes de la maladie. Cette fois-ci, elle l’a emporté. José Fort s’est éteint ce vendredi matin à l’hôpital d’Ajaccio, accompagné de Martine, son épouse.

Dernier combat pour celui dont la vie avait débuté au cœur des tourments du siècle. Son père, fils renié de bourgeois lyonnais, s’était engagé lors de la Guerre d’Espagne, commandant dans les Brigades internationales. Il avait été si gravement blessé dans la bataille de Castille, qu’il avait perdu la vue.

Dans le train qui l’évacuait vers Moscou, il avait rencontré une infirmière républicaine qui allait devenir sa femme. Un creuset de feu où s’est forgé l’engagement de José, très jeune militant de la jeunesse communiste dans le Montreuil populaire, puis membre du secrétariat national de cette organisation dans les années soixante-dix.

C’est ensuite qu’il rentra à l’Humanité, à la rubrique internationale que dirigeaient des héros de la Résistance : Yves Moreau, François Lescure ou Robert Lambotte. Parlant espagnol couramment, il devint correspondant permanent à Cuba d’où il couvrait l’Amérique latine. Risques compris.

Il en avait déjà pris lors de ce voyage dans la capitale chilienne écrasée par la violence de Pinochet où il se rendait pour transmettre aux dirigeants communistes clandestins des messages appris par cœur, et l’argent de la solidarité. « Je devais faire fils à papa en goguette, soigner mon hébergement, choisir les véhicules les plus luxueux, bref donner l’impression d’un jeune homme riche à la recherche de frissons », racontait-il.

« Un avion décolle dans trois heures. Prenez-le »

À la recherche de l’épaisseur humaine

À chaque rencontre, qu’il s’agisse de Nelson Mandela, de Lise London, de Yasser Arafat ou de cette militante chilienne anonyme qui lui prit le bras pour l’emmener à un rendez-vous clandestin, José Fort cherchait l’épaisseur humaine de chacun.

À la retraite, il en reprit le fil dans un livre : 30 ans d’Humanité. Ce que je n’ai pas eu le temps de vous dire. D’une plume alerte, sans fioritures, il y relate aussi bien une rencontre entre Mikhaïl Gorbatchev et l’ancien directeur de l’Humanité, Roland Leroy, sous les ors du Kremlin, qu’une entrée clandestine à Haïti sous la dictature par des chemins de montagne, que son désarroi face à Fidel Castro, lorsque celui-ci lui demanda de lui décrire un bocage vendéen – sans doute rencontré dans Balzac – dont José ignorait tout.

Témoin du monde, il s’évertuait à en comprendre et en faire comprendre les soubresauts, à inciter le lecteur à en être un acteur. Plus ardu que de simplement les refléter.

D’une exquise urbanité, fraternel, il pouvait aussi devenir cassant lorsqu’il trouvait la loyauté ou la simple honnêteté sacrifiées aux calculs ou aux ambitions. Ainsi, démissionna-t-il spectaculairement de sa responsabilité de chef du service international quand des mesures qu’il jugeait contraires à l’éthique y furent arrêtées. Il avait refusé de les cautionner mais il ne boudait pas.

Nous vécûmes alors plusieurs années de compagnonnage au service politique que je dirigeais et où il se consacra avec subtilité aux arcanes du Parlement, aux ressorts des formations, mais aussi aux luttes sociales. Il trouva là un nouveau terrain où pratiquer sa passion journalistique.

Longtemps élu municipal de premier plan à Montreuil, José est resté un militant communiste jusqu’à son dernier souffle. Il avait favorablement accueilli l’élection de Fabien Roussel à la direction du PCF et ferraillait parfois avec rudesse sur les réseaux sociaux. Mais il savait garder ses amitiés sans les entacher des désaccords.

N’avait-il pas choisi en exergue de son livre cette phrase d’Aragon : « Ceux à qui la vérité est facile, spontanée, bien entendu j’ai pour eux une certaine admiration mais je l’avoue, peu d’intérêt. Quand ils mourront, qu’on écrive donc sur leur tombe : il a toujours eu raison…, c’est ce qu’ils méritent et rien de plus. »

José Fort ne risque pas pareille épitaphe. Et son parcours ne serait véritablement raconté si on omettait les soirées de grillades et de mojitos avec Martine sous le ciel étoilé de Corse, les baignades au petit matin, le rocher du Toro dans les Cerbicales, les discussions tardives, ses recherches enfiévrées des dernières nouvelles sur internet… La recherche d’une vie qui ait du goût.

Les obsèques de José Fort auront lieu le mardi 16 septembre. Le recueillement se fera au crématorium d’Ajaccio (Corse) à partir de 13 heures 30, suivi de la crémation à 14 heures 30. Selon la volonté du défunt, ni fleurs ni couronnes.


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