samedi, décembre 30, 2006

L’HONNEUR DE MIGUEL DE UNAMUNO

Des années que je cherche le fameux discours prononcé par le philosophe Miguel de Unamuno à l’université de Salamanque le 12 octobre 1936. En présence de l’épouse du Caudillo entourée de généraux et de ministres, l’auteur du Sentiment tragique de la vie était requis en sa qualité de recteur pour prendre la parole à la cérémonie en l’honneur de la Vierge du Pilar. Il eut d’abord à subir tous les discours, notamment celui, vociférant et particulièrement haineux à l’endroit des Basques et des Catalans, du général Astray, commandant la Légion, ponctué par les bras levés des jeunesses phalangistes. Puis Unamuno prit la parole et, avec le courage du vieil homme qui n’a plus rien à punanumo.jpgerdre, la ferme sérénité du penseur indigné par la barbarie à l’oeuvre, l’héroïsme tranquille de celui qui entend conserver sa dignité jusqu’au bout, il prononca calmement des mots de désapprobation, suscitant les “Viva la muerte !” et les “Mueran los intelectuales !” du général Astray, avant de reprendre :” Cette université est le temple de l’intelligence. Et je suis son grand prêtre. C’est vous qui profanez son enceinte sacrée. Vous vaincrez parce que vous disposez de la force brutale ; vous ne convaincrez pas car il vous manque la raison. Je considère comme inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. J’ai terminé”. Et il quitta l’estrade dans un silence de mort avant d’être prestement évacué sous les insultes des phalangistes. (Photo) Michel del Castillo raconte très bien cette journée historique dans son précieux Dictionnaire amoureux de l’Espagne (Plon). Le scandale provoqué par ce “Non!” magistral fut considérable. Démissionné et assigné à résidence, Miguel de Unamuno mourut peu après “de tristesse et d’écoeurement” souligne Castillo.

J’aurais aimé retrouver l’intégralité de son discours pour le faire traduire et le distribuer à la manière d’un tract, tant l’attitude intellectuelle de cet homme me parait exemplaire. Un diplomate espagnol à Paris, à qui je m’en étais ouvert, m’a envoyé quelques pages de La guerra civil espanola de l’historien Antony Beevor rappelant l’affaire ; mais dans les notes, on apprend qu’il n’existe pas de trace du texte original du discours de Miguel de Unamuno, les journaux de Salamanque ayant publié le lendemain les interventions de tous les orateurs sauf la sienne… Il n’en reste que des témoignages.

Pourquoi j’en reparle aujourd’hui ? A cause d’un article (illustré d’une photo terrible par son éloquence) découvert à la “une” de El Pais, relatif aux actuelles polémiques politiciennes entourant la réhabilitation de Miguel de Unamuno, lequel avait été, aussi, évincé du Conseil municipal de la ville où il siégeait, il y a 70 ans…

Post-scriptum Ne ratez pas le commentaire de Michel del Castillo sur son blog