À gauche toute! Critiquée depuis son élection triomphale début 2006, la présidente chilienne Michelle Bachelet change de cap et s'engage à «marquer l'histoire avec la création d'un grand système de protection sociale».
La socialiste a dévoilé un programme social de 800 millions de dollars en faveur de l'éducation, de la santé et des retraites, lundi, lors de son discours annuel devant le Parlement, situé dans le port de Valparaiso.Principale annonce: 650 millions de dollars d'investissements supplémentaires pour l'éducation. Ce plan éducatif, destiné notamment aux familles pauvres et aux régions rurales, est le plus ambitieux depuis la fin de la dictature Pinochet, en 1990. Il constitue une réponse du gouvernement aux violentes manifestations lycéennes, qui avaient éclaté l'année dernière.La présidente a également promis aux personnes âgées démunies un minimum-retraite de 145$, la construction de 12 hôpitaux et la montée en puissance de la couverture médicale universelle. Cette dernière prendra désormais gratuitement en charge 80 maladies, contre une soixantaine auparavant. Ces derniers mois, la popularité de Michelle Bachelet a chuté de 60 à 40%. Les Chiliens exigent une redistribution plus rapide des richesses dans leur pays où 10% des plus fortunés concentrent plus de la moitié des revenus.«C'est un tournant raisonné, analyse Alfredo Joignant, professeur à l'Université du Chili. Plusieurs rapports d'économistes prestigieux avaient préparé le terrain pour ce programme, qui était déjà celui de la candidate socialiste.» Pour financer ces mesures, la présidente remet en cause l'orthodoxie budgétaire fixée par son prédécesseur Ricardo Lagos: elle abandonne la règle "sacro-sainte" de dégager un excédent fiscal équivalent à 1% du produit intérieur brut (PIB) chilien et abaisse ce seuil à 0,5% du PIB. Les nouvelles dépenses ne devraient guère pénaliser les finances publiques, car l'État chilien attend une croissance de 6% cette année et d'importants bénéfices engrangés grâce aux exportations de cuivre de l'entreprise publique Codelco.Sur le plan politique, l'annonce devrait contribuer à apaiser les tensions au sein de la Concertación, la coalition entre socialistes et démocrates-chrétiens qui domine la politique chilienne depuis le retour de la démocratie. Certains parlementaires de la Concertación, dont la nièce du président Allende, critiquaient ainsi la «politique néolibérale» et le «manque d'ambition» de la socialiste. Les ratés de la mise en place du Transantiago, le nouveau système de transports de Santiago conçu sous la présidence de Ricardo Lagos et qui a réduit de 8000 à 5600 le nombre de bus circulant dans la capitale, ont provoqué le mécontentement populaire. Après le limogeage de quatre ministres en mars, la présidente a annoncé, lundi, 290 millions de dollars de subventions pour le Transantiago.Pour Alfredo Joignant, «le dossier reste socialement explosif. C'est une course contre la montre pour le gouvernement, car il y a des élections municipales importantes en 2008
Olivier Ubertalli. La Presse Collaboration spéciale